Wrong Turn 2: Dead End
(2007)
La scène post-générique de Détour Mortel montrait Three Finger survivre a son apparent trépas, prêt a trucider quelques randonneurs pour l’inévitable séquelle. Il fallu cependant attendre quatre ans pour que celle-ci voit le jour, un lap de temps relativement conséquent pendant lequel le genre horrifique, sur grand écran, a totalement changé de style. Lorsque l’original fut distribué en salle, le public était surtout habitué au neo-slasher, une nouvelle vague totalement inoffensive et politiquement correct née de Scream.
En 2007 cependant, c’est une toute autre époque. Rob Zombie a fait son Devil’s Reject, Alexandre Aja a livré un incroyable remake de La Colline a des Yeux et la série Masters of Horror a ramené quelques vieux briscards sur le devant de la scène. Le temps est au gore, aux scènes choc et a l’horreur sale. On célèbre une sorte de retour en arrière, on réanime toute une période située entre les glorieuses années 70 et 80. Alors que le monde célèbre l’avènement du Blu-ray et de la haute définition, Tarantino et Rodriguez ramène l’image sale et délavée avec leur duologie Grindhouse.
Autant dire qu’entre Détour Mortel et sa suite c’est une nouvelle génération qui a émergé, et tout comme le premier opus, qui était finalement très en phase avec son époque (un film plat et sans saveur, tout juste sauvé a l’époque par un retour au survival), Wrong Turn 2 est très représentatif de sa période de production. Le film est gore, bourré d’idées en tout genre et évoque ces bandes d’exploitations délirantes d’antan. Des qualités qui, si elles n’en font pas un grand film, ni même un bon film, rendent cette suite indubitablement supérieur a son aîné et lui donnent ses galons de bonne grosse série B qui fait plaisir a voir.
L’histoire, qui n’est pas sans évoquer celle de l’ignoble Halloween: Resurrection, montre une équipe de télé réalité s’installer dans la forêt de Greenbrier afin d’y tourner une émission. Un show baptisé Ultimate Survivalist et présenté par un ancien Marine, prenant pour thème un cadre post-apocalyptique où les candidats jouent des survivants devant fonctionner en binôme. Ces derniers doivent triompher de diverses épreuves et surtout trouver un moyen de transmettre leur carte “radioactive” éliminatoire a un autre, afin de se débarrasser des concurrents et remporter la jolie somme de 100.000 dollars. Évidemment tout ce petit monde ignore que Three Finger et le reste de sa famille habitent dans les parages, et qu’ils sont déjà partis en chasse. La véritable lutte pour la survie ne fait que commencer…
Ce script, qui n’a rien pourtant rien d’extraordinaire, fourmille de bonnes idées et de trouvailles qui relancent totalement l’intérêt de ce qui aurait pu n’être qu’un banal survival. De ces émetteurs sonores faisant partie du jeu télé, pouvant aussi bien trahir les victimes que les cannibales qui leur courent après, au gigantesque broyeur à viande qui est mit a contribution vers la fin du film, le scénario met en scène un véritable jeu de massacre inventif, et le fait avec beaucoup d’humour noir. Comment ne pas rire devant la vision de Three Finger portant en perruque le scalp d’une victime ? Ou lorsque les héros s’emparent d’un barbecue trouvé dans les bois avant de repérer le tatouage de leur camarade, imprimé sur un bout de viande grillé qu’ils sont entrain d’ingérer ? En fait il n’y a qu’a voir le T-shirt Battle Royale que porte l’un des protagonistes pour comprendre que le ton est a la rigolade.
Cette ambiance décomplexée on la doit aux scénaristes Turi Meyer et Al Septien, qui n’en sont pas a leur premier essai. Ils sont déjà responsables des très sympas Leprechaun 2 et Sleepstalker mais aussi, hélas, du très déplaisant Candyman 3.
Ils sont ici en très grande forme et apportent plusieurs éléments intéressant a une histoire somme toute stupide. Le premier est de donner de l’importance à plusieurs personnages, au-dehors de quelques stéréotypes ambulants destinés, si bien qu’il devient difficile de prédire qui va s’en sortir vivant. En fait Wrong Turn 2 est même une plutôt bonne surprise là-dessus car chaque spectateur peut avoir son pronostique et se retrouver très surpris du résultat ! Bien vu également ce moyen de couper les candidats du reste du monde via la nécessité du jeu, les faisant se séparer volontairement de leurs téléphones plutôt que de surjouer le coup du manque de réseau.
Le film s’applique parfois un peu plus que son prédécesseur, comme par exemple avec ce nouveau cimetière de voitures beaucoup plus vaste et impressionnant qu’auparavant (il faut dire, le remake de La Colline à des Yeux est passé par là): au lieu de cinq voiture agglutinées dans une carrière, c’est une bonne douzaine de véhicules qui se retrouvent entassées a l’intérieur d’une usine chimique abandonnée. Un lieu improbable tout droit sorti d’une production Troma (avec baril de déchets toxiques, tête de mort et matière verte gluante incluse) qui sert naturellement de nouveau repaire aux Mountain Men.
Mais le coup de force du duo est surtout d’avoir osé inclure la sexualité déviante des antagonistes via ce qui reste la scène la plus mémorable du film. Elle commence par une séance de masturbation d’un des consanguins, lequel observe une belle jeune femme venant tout juste de s’envoyer en l’air. Sa sœur (et amante) le surprend et s’en va rageusement éliminer sa concurrente a coups de couteau avant de retourner dans les bras de son frère pour le consoler. Quelques instants plus tard, les deux copulent très joyeusement tandis que madame porte le visage de sa victime afin de mieux exciter son partenaire !
Aussi incroyable que soit Détour Mortel 2, tout ceci n’aurait sûrement pas été possible sans une équipe aussi déjanté que ses scénaristes. C’est le méconnu Joe Lynch qui s’occupe de mettre tout ça en image, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il est tout à fait dans son élément. Acteur occasionnel (Terror Firmer pour la Troma et quelques films d’Adam Green, Frozen et Hatchet II), il est surtout le réalisateur de Knights of Badassdom et participa au délirant Chillerama. Filmer des corps qui explosent ou se démembrent est tout à fait son truc et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne s’en cache pas.
Quant au casting, il semble ici parfaitement s’accorder au sujet du film, contrairement au premier opus qui était terriblement plat. A commencer par l’incroyable Henry Rollins, une personnalité tout simplement hors norme puisqu’il est a la fois écrivain, journaliste, animateur radio et chanteur de Punk hardcore lorsqu’il n’apparaît pas dans Sons of Anarchy ! Impossible de ne pas éprouver de la sympathie immédiate pour ce gros dur probablement aussi bad-ass en vrai qu’à l’écran. A ses côtés, deux belles transfuges de la nouvelle ère du cinéma d’horreur: Erica Leerhsen, qui était la copine de Jessica Biel dans le remake de Massacre à la Tronçonneuse, et Daniella Alonso, dans un rôle quasi similaire a celui qu’elle tenait dans La Colline a des Yeux 2, sorti la même année. De façon agréablement surprenante, son personnage de femme soldat est présentée comme étant homosexuelle, mais sans que cela ne soit son unique trait de caractère. Même en cette fin 2014, c’est assez rare pour être signalé. Enfin, dans un registre totalement différent, il faut citer cet acteur au nom aussi improbable que génial: Texas Battle ! Apparemment celui-ci serait surtout connu pour sa participation a un célèbre soap-opera américain…
Du côté de nos consanguins on retrouve aussi un grand nom puisque c’est Ken Kirzinger, le Jason de Freddy vs. Jason, qui incarne le patriarche cannibale. Seul acteur du premier Wrong Turn a revenir, celui qui jouait le vieux pompiste au courant de l’existence des Mountain Men. Une présence justifiée par l’exploration de leurs origines.
Et c’est là qu’on réalise que la franchise Détour Mortel ne fait pas vraiment cas de sa continuité. Il ne s’agit ici que du second film dans la série, et pourtant celui-ci semble exister dans son propre univers plutôt que d’établir une véritable connexion avec le précédent. Nous découvrons donc que la nature monstrueuses des consanguins ne provient pas juste d’actes incestueux, mais d’une mutation liée aux déchets toxiques d’une usine abandonnée il y a une trentaine d’années, laquelle les as rendus difformes et puissants. En fait Three Finger et les siens ne sont plus les rejetons de générations d’unions illicites, et ne forment qu’une seule lignée dont le père n’est autre que le pompiste !
C’est évidemment faire abstraction de l’intro de Wrong Turn où la légende des Mountain Men remontait à la fin des années 50, ainsi que de la scène finale montrant le vieil homme se cacher dans sa station service en apercevant le camion des frères cannibales. Mais ce ne sont que des détails triviaux, évidemment, et de toute façon la saga est loin d’être ancrée dans la pop culture pour engendrer un univers étendu ou une fanbase fidèle comme celles de Freddy ou de Michael Myers. En fait tout ceci semble surtout prouver que Turi Meyer et Al Septien ont retravaillé un script a la base indépendant pour le transformer en séquelle, ce qui est assez commun dans le milieu du cinéma.
Le traitement de Three Finger pourrait le confirmer tant sa présence est minime. Wrong Turn 2 préfère se concentrer sur la nouvelle famille, et contre toute attente, notre sadique hystérique disparaît très vite après une confrontation contre Henry Rollins. Il est même le premier mutant du film a mordre la poussière. Ce rôle semblerait bien mieux convenir a un antagoniste anonyme et sans importance plutôt qu’au seul rescapé du film original, et j’imagine que c’était probablement le cas dans une version antérieur du script.
Ses remplaçants composent une famille un peu a part, comme leurs noms l’indique: Pa, Ma, Brother et Sister. Les deux premiers, certainement frère et sœur, forment un couple unis et leurs enfants ont prit modèle sur eux en devenant amants. S’il est évident que Pa est ici un substitue pour Saw Tooth (même difformité, même carrure impressionnante, même rôle de chef de meute et jusqu’à l’utilisation de l’arc), au point qu’il pourrait être son frère jumeau (un des personnages fait justement cette réflexion en regardant des photos de familles), il est plutôt amusant de voir que Détour Mortel 2 développe beaucoup plus les relations des consanguins que son aîné.
A la manière d’une caricature, les cannibales se conduisent comme la famille américaine typique, avec papa buvant sa bière en regardant la télé tandis que maman fait la cuisine et repousse ses avances. Les mômes se chamaillent et une séquence amusante montre Pa décider que son fils est assez grand pour apprendre à tirer a l’arc… Sur des proies humaines ! Mais la perle revient a cette reprise de la scène de repas de Massacre à la Tronçonneuse (avec justement cet outil suspendu dans un coin de la pièce en référence), où, tout mutants anthropophages qu’ils soient, les Mountain Men n’oublient pas les bonnes manières et récitent le bénédicité.
Dommage que ceci se fasse au détriment de la mise en scène, laquelle aurait mérité de copier celle du premier opus pour créer un semblant d’atmosphère. Wrong Turn 2 n’étant qu’un produit destiné au marché vidéo plutôt qu’a une exploitation en salle, il est filmé très simplement et sans le moindre effet de style. Les mutants apparaissent de plein cadre à la lumière du jour et dévoilent un maquillage grossier, très loin de ce qui avait été conçu par le Stan Winston Studio. Les difformités se limitent a quelques prothèses sur le visage, Three Finger perd un peu de son rire et si les consanguins communiquent toujours dans leur propre “langue”, ils lâchent désormais des “fuck” et des “shit” très révélateur du manque de réflexion de la part de l’équipe créative.
Toutefois il ne faut pas bouder son plaisir. Ces quelques défauts, évidemment lié au manque de temps et de budget, ne gâchent en rien le plaisir qu’on peut avoir a la vision de cette série B délirante et pleine d’humour. Détour Mortel 2 s’en sort bien mieux que son aîné et possède assez de caractère pour être considéré comme un spectacle préférable. Le film a d’ailleurs reçu beaucoup de retour positif et marqua le début d’une série au rythme de parution très régulier, et dont le cahier des charges se base tout naturellement sur cet opus victorieux.
La conclusion du film, qui montre Three Finger donner un biberon de produit toxique a un nourrisson mutant, pourrait presque être perçu comme une métaphore. C’est un hideux bébé, mais on ne peut s’empêcher de l’aimer et de vouloir le voir grandir. Dommage que la réalité ne soit jamais a la hauteur des espérances !
Excellent article qui me fait regretter de n’avoir pas insisté, le film était diffusé à la TV belge et je n’ai pas tenu, la faute peut-être au doublage, loin d’être réussi… Je retenterai l’aventure, clairement, car tu le vends bien!
Ah je comprends, moi-même je me braque dès qu’il y a une VF !
Celui-ci est une simple série B mais plutôt généreuse dans ce qu’elle propose, donc elle vaut le coup d’œil. Les autres par contre, c’est une autre histoire…
J’avais bien aimé à l’époque. Mais comme tu dis, les autres… Le « remake » (ou relecture ? Reboot ?) ne vole pas très haut non plus (si ce n’est le générique de fin).
Oui du peu de ce que je connais à son propos le pseudo remake ne m’intéresse pas du tout ! Ils ont récemment parlé d’en faire une trilogie mais je ne vois franchement pas l’intérêt.