Werewolf by Night
(2023)
“Jack ! Damsel-in-disress me out of here ! I don’t do tentacles !”
Alors que Disney se prépare à ressortir le sympathique Werewolf at Night pour cet Halloween 2023, cette fois tout en couleur histoire de justifier les choses, voici que débarque ce petit one-shot servant de prélude à la prochaine anthologie Crypt of Shadows. Une histoire courte qui s’inspire ouvertement du téléfilm de Michael Giacchino puisque mettant en scène Jack Russell et Elsa Bloodstone dans un château hanté, gardant même les mêmes tons en noir et blanc que son modèle avec seulement un brin de couleur lorsque Elsa apparaît. Pas de Man-Thing pour compléter le tableau hélas, mais cette fois nous avons à faire aux vrais personnages et à un certain respect pour la continuité puisque revient sur le plat leur courte romance du temps de Legion of Monsters en 2011. Une possible piste scénaristique à explorer par la suite, d’autant que le pauvre loup-garou est ici au trente-sixième dessous moralement parlant, ne se voyant comme rien d’autre qu’un monstre voué à rester dans l’ombre et ne jamais connaître le bonheur. Toutefois leur réunion n’est pas de nature sentimentale ici puisqu’ils doivent stopper un sorcier allemand avant qu’il ne sacrifie une pauvre jeune femme et conjure une quelconque abomination cosmique.
Ils n’ont que jusqu’à minuit pour la sauver et vont devoir se frayer un chemin parmi ses servants monstrueux… sauf que ce maudit Doktor Nekromantik (faut-il y voir un hommage à Jörg Buttgereit ?) ne les a pas attendu: l’otage est déjà morte et à travers son cadavre surgit une créature lovecraftienne venant d’une dimension infernale: The King of the Suffering Wastes, qui compte bien dévorer le monde. Notre duo va-t-il pouvoir régler la situation à coups de griffes et de fusil ? Évidemment puisque la suite va paraître le mois suivant, mais qu’importe. Car ce Werewolf by Night est du pulp pur jus avec monstres, nécromanciens, demeures gothiques, horreurs cosmiques et filles sexy. Une BD qui revendique haut et fort son appartenance au genre sans le déconstruire ou s’en moquer, comme les scénaristes modernes se plaisent à le faire continuellement pour paraître intelligent. Signé Derek Landy (les romans Skulduggery Pleasant et Demon Road), le script mise tout sur ses personnages haut-en-couleur (littéralement pour Elsa, qui nous le fait savoir dès son introduction: “I’m a redhead who wears orange. Do you have any idea how difficult that is to pull off ?”) et ses idées folles pour divertir.
Il y a un jet privé à l’équipage vampirique, ce château des Alpes bavaroise transporté pierre par pierre façon Gargoyles jusqu’aux Rocheuses canadiennes, ces créatures nommées Kuriositäts Shadowforms que Nekromantik a fabriqué à partir d’une énergie mystique générée par la mort (qu’il a évidemment nommé Nekromantium), et l’idée que les Suffering Wastes sont habitées par de nombreux rois qui comptent bien utiliser les super-héros de la Terre 616 comme des hôtes puissants… ce que nos héros vont pointer du doigt pour gagner à leur cause celui qui vient de débarqué comme il est coincé dans le corps d’une humaine banale. Russell se surnomme le Roi des Loup » et, s’il est le cliché du héros tragique qui s’autoflagelle à longueur de temps, apparaît comme plus humain que les personnes avec qui il partage cette aventure, avec des valeurs nobles. Elsa quant à elle tir des lasers avec sa main grâce à la gemme qui y est incrustée, surnomme son fusil “boomstick” comme un certain Ash, et retrouve même son midriff sexy. Son attitude rentre-dedans cache toujours un mal-être de vivre et il faut espérer que Crypt of Shadows utilise ces éléments pour développer la relation des deux compères.
Car il y a une alchimie évidente entre le loup et la rousse (en tout cas sous la plume de Landy), et quitte à se la jouer drama amoureux autant y aller à fond. “Down, girl” se dit Elsa en admirant la colère bestiale de Jack, pour ensuite se jeter dans ses bras lorsqu’une créature tentaculaire la menace. De son côté le lycanthrope semble s’être laissé pousser la barbe spécialement pour elle, comme elle disait aimer un look débraillé, et un combat les montre échanger leurs techniques respectives comme s’ils étaient naturellement en phase, Russell tirant au fusil tandis que la belle frappe au corps-à-corps. Le meilleur reste sans doute la façon dont ils manipulent le Roi, oeuvrant de concert instinctivement et s’amusant à citer différents héros comme le feraient des gamins (“Oooh, the Hulk !”). Bref, si l’anthologie à venir est du même tonneau avec la Légion des Monstres en bonus, les fans du côté ténébreux de Marvel seront gâtés. Ainsi il est presque dommage que Nekromantik lui-même disparaisse si vite, un twist inattendu venant apporter un peu d’épaisseur à ce qui semblait être un vilain générique et prétexte !
Car à la manière d’un Dr. Doom du pauvre, il cherche en fait à venger sa maman, une sorcière autrefois tuée par le Roi durant une invocation qui a mal tournée. Enfant durant le drame, il a voué son existence à retrouver et exterminer le démon responsable, ayant parfaitement conscience qu’il a dû infliger des choses horribles à des innocents pour y parvenir. Ce n’est certes pas grand chose, mais c’est toujours plus creusé que les menaces interchangeables d’ordinaire utilisées dans ce genre d’histoire. Et pour ceux qui ne seraient pas convaincu, il reste les illustrations de Fran Galán (The Roadie avec Tim Seeley), plutôt atmosphérique avec ces bestioles ténébreuses aux yeux rouges, cette forteresse frappée par un orage violent et ce loup-garou aux yeux félins hautement expressifs. De quoi faire regretter que ce Werewolf by Night soit un simple one-shot, mais qui sait ? Peut-être que la rediffusion du téléfilm encouragera les crétins à la tête de Marvel à mettre un peu le spotlight sur Elsa et Jack au lieu de Captain Marvel ou Miles Morales pour changer.
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