Visiting Hours
(1982)
En plus de faire partie des célèbres Video Nasties d’Angleterre, c’est grâce à un sympathique gimmick marketing que Visiting Hours va se faire remarquer. Une bande-annonce qui, plutôt que de s’attarder sur les extraits du film, montre au spectateur une tête de mort se formant sur la façade d’un hôpital grâce aux lumières s’éteignant les unes après les autres. Une image impressionnante qui permet au film de se démarquer un peu de sa rude concurrence de l’époque (les innombrables slashers des années 80). Il fallait au moins ça, car en fait Visiting Hours se rapproche plus du thriller que du basique film de psycho-killer post Halloween.
Alors non, on ne va pas retomber dans les mêmes travers que Snapshot: Un tueur fou sévit effectivement dans un hôpital, massacrant plusieurs personnes à l’arme blanche et poursuivant avec acharnement l’héroïne. On y retrouve également plusieurs lieux communs habituels (la final girl triomphe du psychopathe, celui-ci surgit une dernière fois malgré ses blessures, le flash-back dévoilant le pourquoi de ses motivations). Bref, tout semble bien parti pour une intrigue bateau, mais c’est sans compter sur la construction du scénario signé Brian Taggart, a qui l’on doit le très sympa D’Origine Inconnue (et aussi Poltergeist III mais c’est déjà plus embarrassant).
Le script de Visiting Hours se divise en rien de moins que quatre parties, chacune se focalisant sur un personnage en particulier: le film s’intéresse d’abord à son héroïne, laquelle a le malheur de provoquer à son insu un fou à lier qui va tâcher de la trucider. Après une attaque ratée qui l’expédie à l’hôpital, le récit se recentre alors sur son agresseur. Jusqu’ici simple silhouette menaçante jamais totalement visible, il devient le nouveau personnage central que l’on suit dans sa quête de meurtre. Est introduit alors un autre protagoniste, une infirmière qui prend à cœur les malheurs de sa patiente et qui va veiller sur elle au grand dam de l’assassin. D’abord en retrait, elle s’impose de plus en plus jusqu’au climax au dénouement inattendu, qui rebondit aussitôt sur une dernière partie concluant le film avec l’habituelle partie de cache-cache entre les deux adversaires.
Cette structure étrange a le mérite d’être non seulement originale, mais surtout nécessaire pour ne pas prédire trop à l’avance la conclusion d’une histoire somme toute banale. Certains diront qu’elle complique inutilement l’intrigue, mais elle en fait également sa force puisque exploitant autant que possible trois personnages pour impliquer le spectateur. Elle trouve cependant son défaut dans la durée du film. Forcément, 1h40 c’est long, surtout pour un slasher, et avec son rythme lent Visiting Hours donne parfois l’impression de se traîner sur des séquences qui auraient pu être coupées au montage. L’histoire est donc celle de Deborah, une reporter qui tente de défendre les droits des femmes et plus particulièrement le cas d’une épouse ayant tuée son mari violent par autodéfense. Ses propos ne plaisent pas, ni à son patron le Capitaine Kirk (William Shatner !), ni à Colt Hawker l’homme de ménage. Ce dernier, joué par le toujours excellent Michael Ironside, est un psychopathe meurtrier et profondément raciste, comme l’évoquent les nombreuses lettres d’appels trônant sur les murs de son appartement. Vouant une haine viscéral à la gent féminine depuis qu’il a vu, étant enfant, sa mère jeter de l’huile bouillante au visage de son père (saoul, voulait profiter de son épouse non consentante), il a pour habitude de prendre en photo ses victimes durant leur agonie et d’assembler les images en une tête de mort.
Colt s’introduit chez Deborah, laquelle va le retrouver totalement nu, maquillé et portant ses bijoux, lorsqu’il s’en prend a elle. Blessée, elle s’en sort de justesse et est transférée à l’hôpital. Cela ne semble pas décourager Colt qui passe encore à l’attaque, se trompant de victime au passage. Une erreur qui va lui coûter cher puisque dès lors la police protège l’établissement, l’obligeant à redoubler d’effort pour infiltrer les lieux et atteindre sa victime. Pendant ce temps une infirmière ayant autrefois subit les coups d’un compagnon violent décide de personnellement veiller sur Deborah, inconsciente du fait qu’elle est désormais une nouvelle cible pour l’assassin…
Avec un résumé pareil, impossible de ne pas penser à Halloween II. Sorti un an auparavant, il mettait en scène Michael Myers dans l’hôpital où était envoyée sa sœur suite aux évènements du premier opus, tuant le personnel hospitalier à tour de bras. D’ailleurs ne retrouve t-on pas dans Visiting Hours rien de moins que William Shatner, dont le propre visage sert de masque pour Michael Myers ? L’inspiration est évidente, mais nous n’avons pas affaire ici à un simple copier-coller. En fait l’originalité du film tient dans ce choix de prendre à contre-pied l’univers simpliste des slashers: ici pas de jeunes adolescents, pas de tueur surnaturel ou over the top, pas de péripéties incroyables ou de police incompétente. Tout se déroule dans une ambiance à 100% réaliste.
Voilà donc le second point qui dissocie Visiting Hours de ses semblables, le rapprochant plus d’un film policier que du cinéma d’horreur. Colt Hawker est un maniaque crédible qui n’est ni invincible ni aidé par un scénario bien pratique. Plusieurs de ses tentatives échouent, l’obligeant à fuir et à revoir sa stratégie. Les personnages sont des adultes au caractère bien trempé, notamment Deborah qui est une femme forte mais refusant de répondre à la violence par la violence. La police enquête et n’hésite pas à envoyer un commando à l’appartement du tueur, enfin les victimes de ce dernier ne se contentent pas d’attendre en criant qu’on leur ôte la vie et se rebiffent bien vite pour survivre.
Pour ceux qui attendait un simple slasher rétro, il peut y avoir de quoi être déçu. Les meurtres sont simples et, quoi que cruel et bien mis en scène, ne versent pas dans le gore ou le spectaculaire. Les proies sont peu nombreuses et Colt Hawker perd son aura de tueur monolithique pour gagner en réalisme lorsque le film se focalise sur lui. Chacun percevra le film à sa façon, en fonction de ses attentes et de ses préférences. Cependant tout le monde pourra s’accorder à dire que Michael Ironside était un excellent choix pour jouer l’antagoniste.
Inutile de présenter l’homme (sinon je me demande ce que vous foutez là), lequel s’est fait repéré l’an passé dans l’excellent Scanners de David Cronenberg. Avec sa voix profonde, son visage typé et ses regards menaçant, il confère à Colt Hawker toute l’intensité nécessaire pour en faire un véritable prédateur. Le plus surprenant reste son jeu tout en retenu, très loin du cabotinage d’un Highlander II par exemple. Le reste du casting est également solide, Lee Grant interprète avec conviction le personnage de Deborah, à des années lumières des petites scream queens, tandis que Linda Purl et Lenore Zann (respectivement l’infirmière et une ado agressée par Colt) offrent de très bons seconds rôles.
Seul William Shatner reste en retrait, dans un rôle tellement anecdotique qu’il aurait pu être supprimé. Incompréhensible, surtout quand Star Trek II: La Revanche de Khan a triomphé au cinéma la même année. Son nom reste probablement un argument de vente non négligeable, mais le rôle lui-même est inutile à l’intrigue. Il est même amusant de constater comment Visiting Hours représente les hommes comme, au mieux, un peu idiots et inaptes (Shatner et la police), ou méprisables à souhait (Colt et son père, l’avocat débattant avec Deborah en début de film) alors que les femmes se montrent courageuse et active. Une inversion des rôles franchement bienvenue ! Étrange en revanche que pour un film prônant le féminisme, Ironside et Shatner soient inscrits au générique avant Lee Grant…
Pour peu que l’on ne soit pas réfractaire au rythme mollasson du film, Visiting Hours représente l’un des beaux morceaux du slasher / thriller des années 80. De bons interprètes, un scénario existant et soigné, des effets spéciaux convaincant voir même douloureux, comme lorsque Colt se taillade le bras avec du bris de verre. Plusieurs scènes restent en mémoire, telle l’exploration du domicile de l’infirmière et l’attaque dans le monte-charge (reprise pratiquement telle quelle dans Halloween H20 !), et au final seule la musique laisse à désirer, trop peu inspirée. Un bilan plutôt positif pour un film qui change un peu des Sleepaway Camp et autres My Bloody Valentine, certes très bons mais suivant un peu trop la même formule.
L’affiche Turque qui ne mentionne pas Michael Ironside,
dont le visage ressemble ici à Jack Nicholson !
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