Things 3: Old Things (1998) | Deadly Tales

 

Things 3: Old Things

(1998)

 

 

Si Things est l’objet d’un culte minuscule et négligeable, et si Things 2 est extrêmement obscure au point qu’il n’existe pratiquement rien à son sujet sur Internet, alors Things 3 est une légende urbaine seulement connue des spécialistes du shot on video d’autrefois. Un film si rare que la jaquette de son édition originale ne subsiste qu’à travers une ou deux photos bien cachées dans les méandres du Web (encore une fois, un grand merci à Damien Granger et à sa fabuleuse collection pour le coup de main), et si méconnu que les rares informations disponibles semblent contradictoires. Difficile par exemple de savoir quel est son véritable titre puisque si l’œuvre porte le nom de Things 3: Old Things, elle en possède au moins deux autres. La vérité derrière ce mystère est très simple puisqu’il s’agit d’une raison de copyright bizarrement partagé entre les deux producteurs, David S. Sterling, commanditaire de cette séquelle et propriétaire de la “franchise” Things, et Ron Ford, autre grand nom de la série Z tournée au caméscope et unique réalisateur de ce troisième opus. Il apparait en fait que le premier a fini par céder les droits de distribution au second après une première exploitation VHS.

 

 

Ainsi Things 3 a commencé sa vie dans le catalogue de Sterling avant de rejoindre celui de son metteur en scène quelques temps plus tard sous une toute nouvelle présentation, afin de se déconnecter autant que possible de ses prédécesseurs. Et après une seconde édition en cassette vidéo nommée Dead Time Tales, Ford le ressuscitera à nouveau vers 2016 en tant que Deadly Tales pour le jumeler avec sa suite, Deadly Tales II, qui n’est donc absolument pas Things 4 pour des raisons légales. Coïncidence ou pas, Sterling accouche justement de ce quatrième volet l’année suivante ! Et dire que certains trouvent que les allez-retours de Spider-Man entre Marvel Studios et Sony sont plutôt confus… Dans tous les cas cela représente bien la différence entre ce nouveau Things et les anciens, car il s’agit bien plus d’un film de Ron Ford que de Sterling. Le concept reste le même, une anthologie de trois histoires contenant chacune des petits monstres, mais l’ensemble se ressent différemment. Moins soigné, plus rudimentaire à l’image des productions Ron Ford, et visuellement hideux.

 

 

Plus unis aussi, car pour un film à sketches, les différents segments ne paraissent pas vraiment compartimentés. En fait le scénario ne raconte qu’une seule histoire (le fil rouge) qui serait par deux fois brièvement parasités par quelques personnages secondaires que l’intrigue déciderait de suivre un instant avant de revenir à son “vrai” sujet. Et puis il y a, comme le sous-titre Old Things l’indique, une sorte de thème commun aux trois contes puisqu’ils sont tous inspirés de nouvelles fantastiques du XIXème siècle. Même si tout a été modernisé pour l’occasion et que quelques créatures font leur apparition, l’ambiance générale s’en retrouve affecté et on peut sans problème concevoir cette séquelle comme un projet totalement indépendant. Ce qu’il a fini par devenir justement. Ainsi la formule “ersatz de Gremlins à la sauce EC Comics” en prend un coup lorsque le film commence et que le nom de H.G. Wells apparait à l’écran: avec Crystal Gazing, le cinéaste s’inspire d’un texte méconnu de l’écrivain (L’Œuf de Cristal) où un antiquaire découvre un étrange cristal à travers lequel il peut voir un paysage extraterrestre.

 

 

Il est ici question de Winston, un pauvre gars rêvant de devenir auteur de science-fiction mais contraint de travailler avec sa femme comme il n’arrive jamais à garder un boulot très longtemps. Manipulatrice et moqueuse, celle-ci passe son temps à le rabaisser et le jeune homme entre dans une profonde dépression. Mais un jour il va se récupérer l’étrange contenu d’une boite provenant d’une famille disparue dans d’horribles circonstances: des objets occultes ayant servi à des actes de magie noire et de satanisme, dont un énorme cristal émettant une étrange lueur. Fasciné, le vendeur va examiner la pierre et découvrir qu’il peut non seulement voir un autre monde en regardant à travers, mais que des êtres extraterrestres l’observent en retour ! Il réalise aussi qu’il peut téléporter de la nourriture d’un monde à l’autre sur un claquement de doigt. Obnibulé par le phénomène, le jeune homme perd pied avec la réalité, ignorant ses responsabilités et se rebellant contre son épouse. Et lorsqu’elle lui annonce qu’elle a promis de vendre l’objet à une amie, il devient fou de rage et fait disparaitre la cliente !

 

 

Un accident qu’il répète avec le corps de sa compagne, tuée accidentellement au cours d’une dispute. Le twist nous révèle que le “cristal” est en réalité une sonde alien envoyé sur Terre pour lutter contre la famine qui ravage leur planète. Espérant un peu de charité de notre part, ils attendent que nous leur envoyons de quoi manger et dévorent ainsi les deux femmes téléportées par Winston ! Prenant goût à la chair humaine, les petits hommes verts s’apprêtent désormais à envahir notre planète pour nous manger, et en commençant avec Winston, bien sûr ! Amusant, même si la conclusion est amenée de façon grossière: apprenti écrivain, le héros téléphone à un ami auteur pour lui faire part de sa découverte tout en prétendant qu’il s’agit d’une histoire qu’il invente, ayant besoin de conseil sur ce qui pourrait survenir par la suite. Et comme par hasard tout ce que l’autre va imaginer se révèle être la vérité absolue sur la situation. Un peu facile, même s’il s’agit évidemment d’une grosse blague qu’il ne faut absolument pas prendre au sérieux. Et qu’importe puisque cet épisode est le meilleur du lot, intéressant dans son mystère et hilarant dans sa chute.

 

 

Il faut voir ce petit martien tentaculaires ramper maladroitement sur une moquette de grand-mère pour attraper le personnage principal. Tout le charme attachant de la série Z, avec ces grosses prothèses en caoutchouc et ses CGI rudimentaires. Le plus drôle reste sans doute comment cette affaire est en fait totalement déconnectée de l’intrigue “ésotérique” mise en place plus tôt, l’artefact se téléportant au même moment sur le bureau de Winston par pure coïncidence ! A cela s’ajoute quelques clins d’œil sympathiques au milieu Horreur / SF (le poster de Things, un bouquin Famous Monsters in Filmland) et jusqu’à l’apparition de l’écrivain Tim R. Sullivan, auteur de SF binoclard venant du Maine comme Stephen King, mais beaucoup moins connu. Un bilan positif malheureusement entaché par une seconde histoire très mauvaise: Cold Feet, d’après la nouvelle Transformation de Mary Shelley (ici crédité Wollstonecraft Shelley pour faire cultivé, Wollstonecraft étant son nom de jeune fille) où un homme échange son corps avec celui d’une hideuse créature.

 

 

Ici le segment prend racine dans le fil rouge, le héros achetant à Winston une antique carte postale érotique qui fait partie du lot maudit. Le jeune homme, Eric, devient obsédé par la dominatrice représentée dessus au point de fantasmer sur elle même éveillé. Agressif au lit, il commence à fréquenter un club de striptease et se retrouve même assaillit de visions en plein repas de famille. Cela n’est pas sans lui poser quelques problèmes avec sa copine qui ne sait plus trop si elle peut compter sur lui, et son beau-père, qui le menace violemment. Les hallucination deviennent alors plus violentes, le garçon visualisant tous ces gêneurs être massacrés par un attaquant non identifié, puis il est lui-même agressé par une sorte de monstre façon L’Île du Docteur Moreau, humanoïde à tête de félin. A son réveille il se retrouve face à la femme de la carte, toute de cuir vêtue et au visage masqué, qui va engager avec lui une relation SM. Elle lui fait comprendre qu’ils sont dans les limbes et qu’elle est bloquée ici depuis une éternité, désirant éperduement revoir le monde extérieur.

 

 

Elle lui propose un pacte: elle lui fera l’amour s’il accepte d’échanger son corps avec elle pendant une journée entière. N’écoutant que sa libido, Eric accepte, s’envoyant en l’air la mystérieuse étrangère avant de se retrouver dans sa peau. Bien sûr il fait ce que n’importe quel mec ferait dans les mêmes circonstances et se caresse pendant des heures, jusqu’à ce que la curiosité le pousse à ôter la cagoule cachant le visage de la dominatrice. Mauvaise surprise: il découvre que l’objet de son fantasme et le monstre à tête de chat ne font qu’un ! Vingt-quatre heures plus tard, il se réveille à nouveau en pensant que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve, mais rentre chez lui pour découvrir que, comme dans ses visions, sa belle famille a été massacrée… et c’est tout. La double révélation tombe à plat puisque  prévisible, et l’intrigue en elle-même ne fonctionne pas car elle ne débouche sur rien. Le réalisateur semble plus intéressé par les scènes de sexe que l’argument fantastique, donnant à ce sketch des airs de mauvais softcore pas très excitant. Si la dominatrice est bloquée dans son monde, comment peut-elle en sortir pour attaquer Eric ? Et pourquoi ruiner sa vie plutôt que de vouloir la lui voler, comme dans le texte original ?

 

 

Bref Cold Feet n’a aucun sens en plus d’être nul, et outre quelques paires de seins (plutôt moches et refaites), il n’a pas non plus grand chose à proposer. Un monstre laid et inexplicable, une séance de sado-masochisme qui n’excitera personne et quelques effets gores amateurs comme une fourchette planté dans un œil, une gorge tranchée au hachoir et un corps transpercé d’un tisonnier. Rien d’extraordinaire et les aiguilles plantés sous les ongles d’Eric durant ses rapports sadiques sont bien plus efficaces. Reste un sympathique mannequin en mousse jeté du haut d’un immeuble et l’idée absurde de cette carte postale maléfique date des années 1890 mais représente une dominatrice tout ce qu’il y a de plus moderne. Tout ceci est très mauvais mais heureusement Ron Ford se rattrape avec un ultime segment plutôt tourné vers la comédie, traitan d’un loup-garou et de mafiosi italiens. Bestiality s’inspire de La Marque de la Bête de Rudyard Kipling, où un colon manque de respect à une divinité tribale qui le transforme alors en un être bestiale. Ici c’est le gangster Harry Green, joué par le génial Randal Malone, qui va tomber victime de la malédiction lorsqu’il vient racketter Winstone.

 

 

Car le gangster, bête, raciste et méchant, va se moquer d’un shaman venu d’une île lointaine pour récupérer la bague magique qui avait été dérobée à son peuple il y a longtemps. Séduit par l’anneau en or massif qui a l’apparence d’une tête de loup, le criminel s’en empare sans savoir que l’objet représente tout le Mal qui se cache en l’Homme. Bien vite Harry commence à changer, dévorant sa viande cru et saignante, et Lorsque son boss l’humilie en refusant de faire de lui l’un de ses lieutenants, il se transforme en loup-garou… le twist, si l’on peut dire, a lieu après le carnage alors que Harry reprend sa forme humaine. Réalisant a quel point il est une mauvaise personne, fait ses plates excuses au sorcier et lui rend son bien avant d’ordonner à ses hommes de s’enfuir, pour que le reste de la familia ne les retrouvent pas. Car lui compte bien mourir pour se racheter de ses pêcher, et son ultime scène est étonnement sérieuse pour un film de Ron Ford: il se confronte à quelques mafieux, leur avouant avoir tué le grand patron avant de se laisser mourir sous les balles. Surprenant et réussi.

 

 

Presque dommage que le sorcier utilise ensuite ses pouvoirs pour transformer les sbires d’Harry par vengeance, les faisant s’entretuer, car cela vient un peu ruiner le principe de ce sacrifice. On se consolera avec les effets sanglants approximatifs mais réjouissants (une tête arrachée, un doigt tranché, un éventrement à coups de griffes), le quasi slapstick façon Three Stooges entre Harry et ses laquais, et surtout l’interprétation exaltée de Randal Malone qui écope d’un “film star” devant son nom au générique ! Sa version lycanthrope, jouée par Ron Ford lui-même, est également plaisante puisque le monstre se limite à un masque et une paire de gants, gardant son joli costume dans un état impeccable même après métamorphose. L’air de rien cela rattrape amplement le faux pas commis avec Cold Feet et fait de Things 3 une suite parfaitement recommandable même si techniquement inférieure à ses ainés. L’amateur y retrouvera même Jay Woelfel, réalisateur du second segment sur le Things original, à la musique, ainsi que Jeff Leroy, réalisateur de Creepies, Werewolf in a Women’s Prison et Rat Scratch Fever, au montage et au poste (mensonger, soyons franc) de directeur de la photographie.

Ron Ford, lui, écrit, réalise et produit en plus de jouer un rôle mineur et de faire le cascadeur, ce qui demeure fort louable en soit. Certes ce n’est pas un Hollywood Mortuary ou un Deadly Scavengers, mais cela vaut toujours mieux qu’un Tiki ou qu’un V-World Matrix. Et puis une fois le générique de fin de six minutes ignoré, cela ne dure que 70 minutes.

 

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