Things
(1993)
Attention, prière de ne pas confondre le Things de 1989, incompréhensible mais brillant morceau de canuxploitation tourné au caméscope, avec ce Things de 1993, lui aussi un représentant du shot on video mais américain et marquant les premiers pas dans le cinéma Z du producteur David S. Sterling. L’interminable saga des Camp Blood, c’est lui, tout comme la résurrection de Witchcraft avec les opus 14, 15 et 16 sorti en même temps. Dans sa longue carrière il aura également fait de la sous-traitance pour la Full Moon (Demonicus) et se rendit coupable du consternant The Amazing Bulk, l’un des trois films responsables de la popularisation du Nanar auprès du grand public avec The Room et Birdemic. Pour différencier ces deux films homonymes, c’est bien simple: l’un est un film sans budget mettant en scène des petits monstres et n’a absolument aucun sens. L’autre, celui qui nous intéresse, est un film sans budget mettant en scène des petits monstres qui reste cohérent bien que totalement absurde.
Il s’agit également d’une anthologie à la Creepshow présentant deux histoires reliées par un segment stupide mais amusant: une femme espionne son mari volage avant de partir à la rencontre de sa dernière maitresse en date. Elle la séquestre puis, sous la menace d’une arme, lui explique que sa survie va dépendre de son avis à propos des histoires qu’elle va maintenant lui raconter. Deux contes dont les thèmes tournent principalement autour des relations hommes/femmes, de la dominance masculine et de ce dont est capable la gent féminine lorsqu’elle cherche à se venger. Ceci bien sûr avec la participation de petits monstres gluants et meurtriers tout droit sorti des EC Comics. C’est The Box qui ouvre le bal, en fait un court-métrage réalisé en amont du projet Things par Dennis Devine, un protégé de David Sterling qui commençait alors sa carrière dans le micro budget.
Une maquerelle et ses deux filles de joie (l’une expérimentée et désabusée, l’autre débutante et naïve) s’installent dans un petit bled afin d’ouvrir une maison close et faire fortune dans cette ville où la concurrence est inexistante. Elles vont découvrir que cela est dû au maire, un fanatique religieux qui a le péché en horreur et puni tous ceux qui lui désobéissent, les offrant en pâture à une larve cauchemardesque et carnivore qu’il garde caché dans une boite. Une créature d’origine inconnu qu’il a découvert au fond d’une mine et dressé comme un chien de garde pour se débarrasser de ceux qui l’importune. Lorsque les prostituées refusent de lever le camp, il introduit la chose dans leur établissement – un cinéma abandonné qui se trouve justement être l’endroit où il a entrainé la bête à tuer ! Celle-ci s’attaque aux demoiselles et à un client malheureux, les tuants les uns après les autres jusqu’à ce qu’il ne reste plus que la jeune et innocente Tulip, sur qui le prévôt fêlé à justement des vues…
Une chose que l’on peut dire, c’est que le réalisateur fait tout son possible pour rendre cette histoire captivante malgré l’absence de moyens et les tristes conditions techniques. Si Things est par nature esthétiquement rebutant, il y a là une volonté de faire de la mise en scène et de jouer avec les éclairages, les mouvements de caméra et le montage. Le résultat reste d’un amateurisme flagrant et certains défauts inhérent à ce style de cinéma sont forcément de la partie (tout ce qui touche à l’audio est raté, avec de nombreuses prises de son inaudibles ou parasitées par la musique ou les bruitages ambiants), mais il faut reconnaitre et saluer l’effort. D’ailleurs The Box est l’épisode le plus réussi de l’anthologie visuellement parlant, contrastant fortement avec la qualité misérable du sketch servant de fil rouge. De l’application également dans les effets spéciaux, qui bien que limités et grossiers surpassent tout ce que l’on a pu voir chez les frères Polonia dans un registre similaire.
Le monstre, sorte de grosse limace a dents pointues, ne ressemble certes pas à grand chose et se trouve être d’une grande rigidité, mais il a un certain charme comme seules les bestioles en caoutchouc d’autrefois peuvent en avoir. Bien sûr le réalisateur a recours au hors champ dès qu’un personnage se fait dévorer, mais cela ne l’empêche pas de nous offrir quelques gorges arrachées, un œil dévoré dans son orbite , le plantage d’un couteau dans une main et surtout une scène à la Alien où la créature se cache dans le corps d’une victimes, à l’intérieur d’un trou creusé dans sa poitrine, avant d’en bondir pour attaquer l’idiot venu examiner le cadavre ! Plutôt réjouissant et mieux foutu qu’on ne l’aurait cru. Mais c’est surtout au niveau du scénario que The Box vient surprendre, puisque l’histoire va un peu plus loin que l’habituelle monster movie pour nous offrir de véritables personnages. En témoigne ces deux péripatéticiennes servant de protagonistes, la plus âgée détestant sa jeune collègue dont la beauté attire tous les regards.
Elle découvre plus tard que le comportement rêveur et optimiste de sa rivale n’est qu’une façade puisqu’elle fut violée par son père lorsqu’elle était gamine, et que son rêve de se trouver un prince charmant politicien n’a rien de romantique car elle espère ainsi avoir une carrière et établir des lois pour protéger les femmes de ce type d’abus. Sa confrontation avec le maire devient alors tout un symbole, car s’il lui offre une place à ses côtés, elle n’accepte pas pour autant de pactiser avec lui. Et le script d’insister sur le détail du chapeau porté par l’antagoniste, signe de pouvoir et de contrôle dans cette ville (il dressa sa sangsue pour n’attaquer que les personnes à têtes nues, interdisant le port du couvre-chef pour demeurer l’unique maitre de la créature) que l’héroïne fini par récupérer à son compte. Alors oui, le jeu des comédiens est outrancier et sonne très faux, mais on a déjà vu pire et certaines répliques sonnent plutôt bien. “I don’t pay for sin” déclare le maire lorsque la maquerelle lui propose un arrangement.
De facture plus classique, le deuxième segment est une histoire de vengeance d’outre-tombe à la Tales From the Crypt que l’on doit à Jay Woelfel, une autre talent très actif de l’écurie Sterling a qui l’on doit Demonicus et Trancers 6 pour le compte de Charles Band. Titré Thing in a Jar, il s’intéresse à une femme victime de cauchemars récurrents où son mari la mutile au cours de violentes disputes. Il lui arrache une main, lui brise les dents où lui crève un œil selon les visions et cela commence à la perturber, d’autant que son couple bat de l’aile. Sa meilleure amie la supplie de quitter son homme au plus vite, arguant qu’il s’agit sans doute de rêves prémonitoires, et elle fini par la convaincre. Mais il s’agit d’un piège puisque son homme et sa copine sont en réalité amants et la manipulent afin de la faire disparaitre et récupérer son argent ! Elle est assassinée et les coupables jettent son corps dans une rivière, arrachant ses yeux, ses dents et ses mains afin de rendre impossible toute identification du corps.
Ces morceaux sont placés dans un bocal rempli d’acide qui est enterré dans le jardin, et les meurtriers n’ont plus qu’à signaler la disparition de la victime et attendre un an avant de pouvoir en profiter. Douze mois plus tard le couple s’apprête à déménager et déterre le récipient afin de s’en débarrasser en chemin. Mais à l’intérieur, les restes de leur victime ne se sont pas dissous. Au contraire ils ont fusionnés pour donner naissance à une hideuse créature investie d’un désir de revanche… La conclusion, prévisible, montre la police découvrir le cadavre putréfié de l’héroïne qui possède maintenant des yeux et des mains de première fraicheur, tandis que le bocal contient ceux des deux comploteurs. Bref il n’y a là rien d’original mais cela n’en reste pas moins efficace, d’autant que la violence y est particulièrement corsée.
L’héroïne crache ses dents après avoir été poussée tête la première contre une poignée de porte, subit une énucléation au scalpel, son mari dévorant le globe oculaire qu’il vient de prélever, et hallucine sur son omelette où des yeux remplacent les œufs. La “chose” du titre porte bien son nom puisqu’elle ressemble à une sorte de blob organique doté d’une petite bouche et de mains sans bras qui lui donnent des faux airs du Belial de Basket Case. Vicieux, le monstre ricane, se laisse frapper dans la bouche pour arracher le poing avec ses crocs, parasite un cadavre pour le manipuler comme une marionnette et va se frotter longuement contre le corps d’une femme nue dans le final ! A cela se rajoute quelques idées assez folles (une chambre remplie de petits clowns pendus au plafond, la maitresse folle qui veut s’envoyer en l’air devant le cadavre de sa victime) et l’apparition surprise de Jeff Burr, réalisateur de Pumpkinhead II, Massacre à la Tronçonneuse III et Puppet Master 4 et 5 en médecin légiste déconneur !
Le court-métrage n’est pas exempt de défauts, avec là encore des prises audios catastrophique (les dents arrachées sonnent comme des noisettes écrasées), des acteurs qui jouent mal et quelques longueurs dans la première partie, la succession de rêves devenant vite répétitive. Mais cela importe peu tant le résultat fonctionne à plein tube et impressionne même, considérant le budget. Things apparait donc comme le haut du panier du shot on video, au point de faire revoir le genre à la hausse. Un petit miracle en soit, que l’on doit sans doute à son aspect bricolé dans tous les sens du termes: à l’origine le film ne fut pas vraiment conçu comme un long métrage et c’est David Sterling qui improvisa en quelque sorte l’aspect “anthologie” en commandant à Jay Woelfel son Thing in a Jar environ un an après que The Box ait été terminé. Une décision purement business puisqu’il ne pouvait pas légitimement commercialiser un simple court-métrage.
Cela explique le côté “à l’arrache” du segment servant de fil rouge, tourné avec trois bout de ficelle et monté à la truelle au point que les fondus au noirs séparant les sketches coupent parfois des morceaux de dialogues. Le générique de fin, défilant sur des extraits des trois épisodes, laisse même entrevoir des séquences supplémentaires qui n’ont pas été retenues, sans doute parce qu’elles étaient très mauvaises. Retenons toutefois le twist ending amusant qui montre l’épouse jalouse enfermer toutes les maitresses de son mari dans son garage, afin qu’il ne puisse jamais prouver à ses amis qu’il a eu des relations extraconjugales ! Et les pauvres figurantes d’être créditées en tant que Bondage Garage Girls comme si elles venaient de jouer dans un vulgaire porno.
Ces moments embarrassant n’entachent en rien ce Things somme toute très soigné et généreux. Et si le film ne peut absolument pas rivaliser avec la folie cosmique de son homonyme canadien, cela ne l’a pas empêché de rencontrer un certain succès dans le milieu de la série Z au point d’engendrer deux suites, Things II et Things III, ce dernier peu connu car retitré par la suite Deadly Tales pour d’obscures raisons de droits. Un Things 4 tardif vit le jour en 2017, troquant le vieux caméscope pour du matériel digital moderne, tandis qu’un Things 5 existe même s’il n’a toujours pas été répertorié officiellement à ce jour. Une fausse suite celle-ci, car il s’agit en fait d’un gros Z indépendant nommée Strange Monsters que David S. Sterling récupéra pour son catalogue. Comme quoi le temps passe, les technologies évoluent, mais l’état d’esprit reste le même !
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