The Vault
(2017)
James Franco est l’un de ces acteurs qui, malgré sa célébrité et les propositions alléchantes des grosses boites, semble beaucoup plus s’éclater sur des petits films que sur des grands. Bien souvent peu investi sur les blockbusters (voir La Planète des Singes, où il somnambule pendant tout le film), il se lâche beaucoup plus sur les productions indépendantes ou les projets plus risqués. Trop peut-être, puisqu’il a même tendance à y cabotiner à mort: Spring Breakers, The Disaster Artist, Future World…
L’acteur doit sûrement vivre selon le précepte donné par Matt Damon à Ben Affleck dans cette scène de Jay & Bob Contre-Attaquent: jongler autant entre le standard hollywoodien, pour toucher un gros salaire et affirmer sa réputation de star, et les œuvres plus artistiques, afin de faire du vrai cinéma et s’amuser un peu plus en tant qu’acteur. The Vault est de cette seconde catégorie, production minimaliste à laquelle il prête son nom et son visage afin qu’elle soit un peu plus vendeuse. Pour autant il ne choisi pas le premier rôle et préfère se mettre en retrait via un personnage mystérieux et presque spectateur des évènements, laissant plutôt la vedette à son ami et partenaire régulier Scott Haze, qui l’accompagne souvent sur ce type de cinéma.
Écrit et réalisé par Dan Bush (The Signal), lui aussi avec l’aide d’un compère récurrent, le film part d’un postulat simple avant de dévier progressivement vers le surnaturel. Une fusion entre une histoire de braquage et de maison hanté, avec cependant le désir de construire l’intrigue comme un mystère déroutant plutôt que d’agir comme une série B démonstrative. C’est le facteur “arty”, pas toujours bon à prendre puisque prenant souvent le genre de haut, l’intellectualisant maladroitement au point de perdre toute subtilité, ou rendant l’intrigue lente et ennuyeuse sous prétexte d’atmosphère à la manière de A Ghost Story ou It Comes at Night, où il ne se passe finalement jamais rien d’intéressant.
Heureusement The Vault ne cherche pas à péter plus haut que son cul et désire juste prendre son temps pour introduire son élément fantastique. Une manière de faire rétro, totalement à l’opposé des films de fantômes contemporains comme les multiples productions Blumhouse, toutes superficielles et blindées de jump scares afin de garder l’attention de son cible démographique: des gamins de douze ans venus en groupe dans les salles, le téléphone portable soudé à la main durant la projection.
Sans aller jusqu’à comparer la mise en scène avec du John Carpenter, il y a là une volonté de retrouver cette ambiance si particulière qui n’est plus utilisée de nos jours, quand planter le décors était tout aussi important qu’enchainer les péripéties mouvementées. L’intrigue privilégie ici les personnages aux spectres en CGI et garde un sens de la discrétion dans sa progression, ne dévoilant pas immédiatement ses créatures et leurs origines. L’histoire opère en deux parties, la tension fonctionnement parfaitement durant la première puisque l’on ne découvre que petit à petit que quelque chose cloche…
Le récit, en huis-clos, se déroule entièrement dans une petite banque de la Centurion Trust. A l’extérieur, un incendie gigantesque mobilise les pompiers et les forces de l’ordre tandis que la plupart des habitants restent cloitré chez eux par mesure de sécurité. C’est donc une petite journée pour les employés dont la vigilance est lâche. Débarquent les braqueurs, déguisés en pompiers ou en clients, profitant de la catastrophe qu’ils ont provoqué au-dehors afin de détourner l’attention de la police et éviter d’attirer l’attention sur eux. Mais la prise d’otage ne se fait pas sans heurt et il apparait claire que les voleurs ne sont pas du tout des professionnels…
Nous avons là une petite fratrie qui ne s’entend pas: Michael, jeune homme qui s’est foutu dans la merde en contractant une dette importante envers de mauvaises personnes (on lui découvre un doigt coupé, la blessure étant récente et douloureuse), et qui déplore d’avoir a trainer sa famille avec lui. Malgré ses airs de gros dur, le film en fait presque le personnage le plus positif du film, s’opposant à toute violence, se montrant humain face à ses otages et craquant plus d’une fois devant la situation difficile dans laquelle il s’est plongé. Puis il y a ses deux sœurs que tout oppose: Vee est vulgaire, violente, probablement peu élevée intellectuellement, mais se sacrifierait sans hésiter pour les siens. Impulsive, elle se montre menaçante et n’hésite pas à frapper ceux qui lui résiste, mais espère sincèrement qu’il n’arrive pas de mal à ses prisonniers lorsque tout dégénère.
Enfin il y a Leah, l’héroïne. Une belle jeune femme qui semble a priori être la personne la plus censée, la plus intelligente et la plus déterminé du groupe. Contre toute attente, elle s’avère être une personnalité froide et distante, prête à tout pour s’en sortir quitte à torturer des gens effrayés et sans défense. Ou abandonner sa famille si besoin, d’après Vee, qui lui reproche d’avoir toujours pensée à elle-même en priorité par le passé.
Le trio a vite fait de se disputer, d’être en désaccord et de ne pas respecter le plan prévu dans les moindres détails. Pour ne rien arranger les choses, leur hold-up est un échec puisque la banque ne possède pratiquement pas d’argent liquide: seulement 70.000 dollars, très loin d’être suffisant pour leurs besoins. C’est là qu’un étrange employé se met à les aider, leur expliquant comment déjouer les alarmes de la banque qui ont été déclenchée par leur stupidité et où trouver un magot bien plus important qui ne manquera à personne. D’après lui, une ancienne chambre forte repose dans les sous-sols abandonnés de la banque, avec six millions en cash à l’intérieur.
Cela parait trop beau pour être vrai et Leah se méfie, mais le reste de l’équipe décide de tenter sa chance malgré tout. Alors que leur spécialiste s’occupe de forcer la porte blindé, d’étranges phénomènes commencent à se produire: la lumière vacille, un personnage masqué apparait dans des recoins sombres du bâtiment et un flic en patrouille reçoit un appel à l’aide de la banque sur sa radio, alors que les otages n’ont pourtant pas eu le temps de prévenir qui que ce soit…
Lorsque la chambre forte est enfin ouverte, The Vault libère les forces surnaturelles qui reposent dans les souterrains de la Centurion Trust. Il faut compter une bonne quarantaine de minutes – la moitié du film – pour en arriver là et il est évident que cela ne plaira pas à tout le monde. La narration, lente, est forcément en conflit avec le style de la nouvelle génération de films de fantômes / exorcismes, formatée par les ignobles Paranormal Activity. Ici pas de jump scares, de stinger musical, ni de shaky cam ou de found footage ; pas de médium ni de journaliste pour nous expliquer tout ce que l’on a besoin de savoir à propos de la banque et de sa chambre forte secrète. L’existence des fantômes est d’ailleurs un temps à remettre en cause, puisque l’individu masqué qui erre dans les catacombes pourraient très bien être un psychopathe à la Michael Myers. Comme lui il est muet, inexpressif, apparait en silhouette en arrière-plan et se déplace furtivement. Ce n’est que lorsqu’il commence a être accompagné d’étranges créatures, otages morts-vivants dont les sacs sur la tête ont fini par se souder a leur crâne, que l’on peut clairement les définir comme revenants.
Leur façon d’opérer n’est pas différentes des autres spectres meurtriers de ce type de films et ainsi The Vault n’a rien de vraiment original, mais il est bon de voir la menace n’exister d’abord qu’à travers de vagues détails, de petites répliques, avant de prendre progressivement de l’importance.
La vérité derrière toute cette histoire demeure classique bien que très efficace. En 1982, la Centurion Trust a déjà subit un hold-up par un individu dérangé ayant prit plusieurs otages. Encerclé par la police, il a enduré un siège de trois jours avec ses prisonniers avant de craquer et de les exterminer. Fou à lié, il a d’abord forcé une femme enceinte à tuer son patron, puis a brûlé vif plusieurs personnes dans la chambre forte avant de traquer les survivants qui essayait de s’enfuir pour les abattre. Les fantômes libérés par les cambrioleurs sont évidemment les victimes de cet évènement tragique, sans doute rendu furieux à l’idée de découvrir de nouveaux criminels dans le bâtiment. Encore qu’ils semblent dirigés par leur bourreau, lui aussi mort à l’époque et ne désirant peut-être pas voir son butin être volé par de nouveaux venus.
Dans tous les cas, les morts ne s’attaquent qu’aux braqueurs et laissent les otages parfaitement tranquille – lesquels ne sont même pas témoins des évènements puisqu’ils ont une cagoule sur la tête. Michael et ses sœurs doivent faire face aux assauts fantomatiques mais également trouver un moyen de s’enfuir maintenant que la police assiège la banque.
Ce n’est pas s’avancer que de dire que les responsables se sont fortement inspiré d’Assaut et de The Fog afin de les mélanger. Il y a même beaucoup de Halloween là-dedans, entre l’individu masqué et sa façon de se comporter. Sans jamais arriver à la cheville de ces trois films, The Vault peut au moins se targuer d’avoir de bonnes inspirations et des intentions louables qui collent beaucoup plus au sujet que l’ensemble des poncifs que l’on retrouve ad nauseam dans les autres productions du même genre. Les protagonistes sont vraiment le point fort du script et le fait de ne pas tout dévoiler à leur propos, permettant de garder certaines surprises sur des réactions ou des choix dans la toute dernière partie du film. Il faut voir Leah, jusqu’ici méthodique et calculatrice, craquer devant un prisonnier qui la supplie de les laisser fuir. “I’m a hostage just like you” dit-elle en laissant couler une larme, comme si l’idée d’être perçue comme un monstre, une dangereuse criminelle, la blessait profondément.
Cela étant dit, il faut reconnaitre que le film n’est pas aussi intéressant ni terrifiant qu’il voudrait bien l’être…
Malgré de bons moments de tension et quelques sursauts de violences durant leurs attaques (dont un suicide à la perceuse très brutal), les antagonistes se bougent à peine les fesses pour attraper leurs victimes. Toute la dernière partie est même décevante alors qu’elle était très prometteuse: la police envoie un commando armé à l’assaut de la banque, forçant les braqueurs à se retrancher dans les sous-sols où la menace surnaturelle se fait plus forte. Pour fuir ils doivent atteindre une ancienne conduite d’évacuation, à travers laquelle ils doivent ramper pour atteindre l’extérieur. On imagine le problème avec la dizaine de monstres qui rôdent, et le suspense est à son comble, seulement tout ce qu’ils ont a faire c’est ne pas trop trainer dans les couloirs afin de s’en sortir. Jamais les spectres ne deviennent plus vif, plus vicieux, ne les poursuivent dans le tuyau où ils se faufilent, et une séquence montre carrément l’héroïne prendre tout son temps pour atteindre la zone, enfiler une tenue de pompier et attendre que son frère vienne la rejoindre, sans jamais être inquiétée !
Plus tôt dans les films, des revenants s’amusaient à tromper les héros en reprenant leur forme humaine et en jouant avec leurs sentiments, mais tout ceci semble avoir été oublié.
La conclusion repique l’idée de l’incendie d’Assaut pour se débarrasser des agresseurs, ce qui est certes introduit en début de film (celui allumé pour tromper les forces de l’ordre), mais ne semble pas vraiment logique étant donné que les ennemis sont ici des fantômes. Une bonne chose qu’ils aient trouvé la mort dans les flammes et soient du coup inquiété par le feu, mais cela fait un peu tiré par les cheveux. Il aurait été préférable que les scénaristes inventent une échappatoire plus intelligente, plus dangereuse. Étant donné la dynamique de groupe de la fratrie, les voir trouver une solution ensemble – même en conservant l’idée de sacrifice – aurait été plus convenable et en phase avec ce qui a été raconté plus tôt dans le film…
En l’état, on se retrouve un peu avec l’impression d’avoir patienté pour rien, puisque The Vault emballe rapidement son histoire de fantômes sans grande scène particulière. Sans tomber dans les travers désagréables de ses grands frères, le film aurait gagné à plonger un peu plus loin dans l’horreur, afin de conclure sur une dernière bonne note.
C’est d’autant plus frustrant que cette ultime fuite, bien trop courte, laisse place à un double-épilogue à rallonge qui lui aurait du être raccourci. D’un côté il s’intéresse aux otages alors questionnés par la police, ceci juste afin de nous “surprendre” via un twist que l’on a grillé une bonne heure plus tôt (le mystérieux employé dévoilant l’existence de la chambre forte était un fantôme), de l’autre il réuni les braqueurs survivants pour une dernière scène totalement raté. Un cliché ambulant, montrant le spectre masqué surgir soudainement de nulle part pour emporter avec lui les victimes qui lui avaient échappé. Un jump scare qui s’étire et ne fonctionne pas, d’autant que la scène est totalement reprise à Souviens-toi… L’Été Dernier 3 (!) avec justement le même problème: montrer un fantôme apparaitre au grand jour, sur une route perdue au milieu du désert, est ridicule. Surtout lorsque celui-ci se cachait jusqu’ici dans la pénombre dans un espace confiné. Ce nouveau cadre tranche avec ce que l’on a pu voir précédemment et créé un trop grand décalage.
Dommage vraiment, car du coup The Vault semble n’être qu’un énième petit film d’horreur noyé dans la masse, ni spectaculaire, ni original, ni vraiment efficace pour être remarqué. La présence de James Franco est un plus, mais son rôle très secondaire va vite agacer les fans.
J’insiste quand même pour dire qu’il ne s’agit pas là d’un mauvais film. C’est juste une déception au regard de ce qu’il aurait pu être. Pendant un temps il fonctionne très bien, se rapprochant presque d’un The Void par ses personnages fouillé et son ambiance bizarre que l’on cherche à décoder. Mais honnêtement, dans le genre histoire de fantômes, on lui préfèrera bien plus Last Shift. Ou The Last Heist de Mike Mendez pour le braquage qui tourne mal et dérive sur autre chose.
Mentionnons quand même la présence de Francesca Eastwood dans le rôle de Leah, fille de Clint, qui ne ressemble pas du tout à son père mais qui est très jolie et dotée d’un sacré regard. Une femme forte, crédible et sexy (ce débardeur noir !) qui fout immédiatement la honte à tout ces personnages SJW qu’on nous impose depuis un bon moment, entre un Ghostbusters 2016, un Ocean’s 8, un Star Wars: The Last Jedi et bientôt une adaptation de Doom avec une Space Marine aux cheveux bleus.
James Franco n’a peut-être pas tord de se tourner vers l’industrie indie…
GALERIE
Sur les conseils de ton site, j’ai maté le film et je suis plutôt content de cette vision même si, comme tu l’expliques il n’est pas parfait, notamment une fois les fantômes découverts. Ca tourne un peu en rond et on se demande bien pourquoi la police ne fait rien et la gestion de l’espace semble incohérente entre les revenants et les assaillants. Sinon, je suis d’accord, c’est pas si mal. Si je n’ai pas toutes les mêmes références que toi (à part « Assaut »), j’ai aussi beaucoup pensé au récent « The void », largement meilleur soit dit en passant.
Alors très content que ça t’ai donné assez envie pour le testé ! Donc ouais, c’est sympa sans être extra mais je préfère me taper ça à pas mal de trucs qui sortent au cinoche en ce moment. Et je t’avoue que ça me rassure de pas être le seul à avoir des flash de The Void en le regardant ! 😀
Merci pour ce retour ! 🙂
Vraiment ? La présence d’un Franco à moustache (que j’adore) mélangé à un huit clos d’horreur .. beaucoup semble être passée côté du film. Film qui c’est fait détruire par la critique il me semble.
A condition de ne pas être sevré au Blumehouse avec ses jump scares et ses clichés, oui. C’est surtout un film d’atmosphère pesant, qui fonctionne si l’on est pas réfractaire. Pas étonnant que la critique l’ait défoncé vu que l’on peut facilement dire « il se passe rien » si l’on attend un Annabelle bis.