The Twilight Zone
The Shadow Man
(1985)
“I am the Shadow Man, and I will never harm the person under whose bed I live.”
La première fois que j’ai évoqué le revival de Twilight Zone pour cette sélection d’Halloween, j’avais sélectionné l’épisode Monsters ! que je décrivais comme “le meilleur film de Joe Dante qui n’a pas été réalisé par Joe Dante”. Et bien il est maintenant temps de s’intéresser justement à la contribution du réalisateur de Gremlins, qui avait déjà participé en son temps à La Quatrième Dimension: Le Film pour ce qui était sans doute le meilleur segment. Ici son implication reste minimum puisque le script n’est pas de lui (signé Rockne S. O’Bannon, le créateur de Farscape) et qu’il n’a visiblement pas eu le choix de sélection, jalousant même Friedkin et son Nightcrawlers.
Pour autant il y a là pas mal d’éléments similaires à ceux que l’on retrouve habituellement chez lui: les personnages sont de jeunes gamins qui se retrouvent subitement confrontés à une créature surnaturelle tandis que la télévision diffuse quelques classiques du cinéma Fantastique. Mais l’ambiance, les protagonistes et la manière dont va tourner l’intrigue diffèrent effectivement du style propre au réalisateur puisqu’il y a ici, en filigrane, un aspect un peu plus sombre et nihiliste.
L’intrigue suit le jeune Danny, treize ans et garçon le plus intelligent de son école. Malgré cela il est victime de brimades orchestrées par Eric, son pire ennemi, et rêve d’atteindre le cœur de la belle Lianna qui malheureusement traine avec ce dernier. Une nuit après une nouvelle attaque humiliante, l’adolescent va avoir la surprise de voir le croquemitaine se montrer à lui ! Surnommé Shadow Man car il n’est qu’une silhouette sombre dont on ne peut apercevoir le visage, celui-ci va le rassurer sur ses intentions: jamais il ne fera de mal au propriétaire du lit sous lequel il réside.
L’ombre s’enfuit alors par la fenêtre mais l’enfant va le voir revenir dans son antre juste avant la levée du jour. L’apparition se répète tous les soir, et des rumeurs commencent à circuler à propos de cet étrange individu qui rôderait la nuit dans le parc voisin, agressant violemment les camarades de classe de Danny. Ou plutôt ceux qui lui causent du tord. Perplexe, celui-ci va se demander quoi faire et tente de persuader son ami Peter de son existence, en vain. Mais lorsque la situation tourne à son avantage, la peur causée par l’entité lui permettant de se rapprocher de la jeune fille qu’il aime, l’adolescent va se sentir de moins en moins concerné par les actions du croquemitaine.
Après avoir dragué Lianna il devient populaire auprès de ses amies, ne prête plus attention à son propre copain qui commence à se poser des questions quant aux agissements du Shadow Man, et va jusqu’à provoquer Eric en lui proposant une confrontation au parc durant la nuit, histoire d’en finir une bonne fois pour toute. Car après tout il ne risque rien avec le Boogeyman de son côté, pas vrai ?
La conclusion ne sera évidemment pas si simple, impliquant l’inévitable twist final qui est a vrai dire plutôt amusant même si un peu tiré par les cheveux. Avec moins de vingt minutes de durée, The Shadow Man ne peut de toute façon faire mieux et il est vrai que le récit élude de nombreux détails pour en venir le plus vite possible aux faits. Et c’est bien dommage car on y perd beaucoup dans l’étrange relation qu’entretien Danny et son monstre. Car il n’est en réalité pas tout à fait le jeune héros innocent que l’on retrouve d’ordinaire dans ce type d’histoire: dès sa toute première conversation avec son meilleur ami on peut ressentir une certaine arrogance, et s’il est effectivement harcelé par un petit con, il ne vaut finalement pas mieux qu’eux.
Pour se mettre Lianna dans la poche, il se pointe chez elle en pleine nuit, prétextant avoir entendu qu’elle a besoin d’aide pour ses devoirs tout en laissant la peur du Shadow Man l’obliger à le faire entrer. Et quand il apprend que celui-ci a battu les gamins qui lui posaient problème, il parait satisfait de cette nouvelle, prenant la sombre apparition pour son ami et n’hésitant pas a attirer Eric dans ses griffes pour se débarrasser de lui. Pire: quand elle leur apparait, le “méchant” supplie Danny de fuir avec lui car la situation est dangereuse. La réaction du “héros” ? Se plaindre à la créature de l’avoir laisser filer plutôt que de lui courir après pour l’attraper !
Et vraiment, il n’est pas ici question de corruption comme c’est souvent le cas lorsqu’un gentil garçon se transforme progressivement en odieux personnage. Il ne passe aucun marché avec le monstre, n’en retire aucun gain. Sa présence, plutôt que de l’effrayer, va simplement lui donner une confiance nouvelle qui va mettre à jour ses vraies couleurs. Osé et rarement employé avec un protagoniste de cet âge. Et totalement différent de la vision de l’enfance selon Joe Dante !
Hélas beaucoup de choses passent à la trappe: les tentatives de Danny de comprendre ce qu’est le Shadow Man, restant éveillé autant que possible pour le photographier et l’illuminer du flash, et la légende urbaine qui s’installe parmi les élèves de l’école, certains évoquant un malade mental qui se serait échappé de l’asile tandis que d’autres se vantent de l’avoir aperçu pour faire leurs intéressants. Même chose concernant la réputation de poule mouillée de Danny qui semble provenir de la façon dont sa mère le couve et l’oblige à se coucher très tôt comme s’il était encore un bébé. Un sous-texte un rien malsain mais tellement survolé qu’il est difficile de savoir ce que le scénariste avait en tête. Sans doute une explication pour le comportement de son héros…
Lorsque l’adolescent commence à profiter des méfaits du Shadow Man pour s’inviter chez sa belle, un plan montre le croquemitaine l’observer silencieusement depuis la rue, comme s’il étudiait son comportement. Là encore un détail qui ne débouchera sur rien du tout, à moins de prendre en compte la révélation finale, et encore.
Mais tant pis, et cet épisode demeure intéressant dans son approche différente d’un sujet très commun. Le Boogeyman est impressionnant malgré une allure finalement très anodine, simple forme humaine drapée d’un long manteau et coiffé d’un chapeau à large bord. Il se déplace tel un fantôme et un gros plan sous-entend que son visage n’est qu’un crâne noir, encore que ce point reste discutable. Mais le plus original c’est qu’au lieu de proférer des menaces, il prononce un message rassurant mais malgré tout intimidant du fait de sa voix chuchotante. Il faut voir Danny, débordant d’égo, le saluer de façon enjouée comme s’il n’était qu’un copain et lui donner des ordres en oubliant visiblement a qui il s’adresse.
Chapeau en tout cas à Bradford May, réalisateur – et oui – de Darkman II et III, qui en tant que cinématographe a dû trouver un moyen d’éclairer ce qui n’est qu’une silhouette obscure en pleine nuit ! De nos jours quelques CGI régleraient le problème, mais cela a du représenter un certain challenge à l’époque. De son côté Joe Dante se montre plutôt sobre dans ses habituels clins d’œil au genre fantastique et se contente de montrer quelques costumes d’Halloween (masques et tronçonneuses en mousse) pour une mauvaise blague et d’un extrait de La Vallée de Gwangi à la télévision.
L’œil attentif pourra identifier Jason Presson dans le rôle d’Eric, qui était l’un des garnements de Explorers, alors dernier film en date du cinéaste, mais le reste l’épisode se montre totalement dépourvu de ses habitués. Compréhensible vu que le court-métrage ne permet aucune apparition d’adultes mais voilà qui vient encore une fois rompre avec son style habituel. Heureusement la conclusion se rattrape amplement, avec ce qui pourrait être la mort de Danny des mains d’un autre Shadow Man qu’il n’a pas su différencier du sien ! Lors d’une interview pour le site ComingSoon.net, la question lui fut alors posée: est-ce que le petit garçon meurt ? Fidèle à lui-même, Joe Dante va répondre avec franchise: “You bet he does” !
Difficile de savoir ce que Rod Serling, grand humaniste, aurait pensé de ce The Shadow Man, finalement bien plus proche des EC Comics que de son chef d’œuvre de la science-fiction, mais le résultat demeure fort sympathique, approche intéressante et originale d’un thème pourtant maintes fois revisité, et extrêmement noir malgré les apparences – surtout ne vous fiez pas à la musique de l’épisode, totalement à côté de la plaque !
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