Snapshot
The Night After Halloween
(1979)
Halloween venant juste de se terminer, il semble parfaitement appropriée d’évoquer un film titré The Night After Halloween. Une production australienne de 1979 qui veut a priori surfer sur la vague du Halloween de John Carpenter réalisé un an auparavant. En fait l’une des affiches semble même faire croire qu’il s’agit là d’une suite non officielle avec une tagline annonçant: “They thought it was over, but the real horror began…”. Bien sûr nous sommes ici dans le territoire du cinéma d’exploitation et The Night After Halloween risque d’avoir autant de connections avec Halloween que Troll avec Troll 2. Jetons un œil au résumé du dos de la jaquette.
“She’s young, she’s successful, and she’s deeply in love – with a kill-crazed maniac ! Our heroine glides happily through life, until she finds out that her « perfect » mate is indeed a carnal criminal. Not satisfied with merely raping and killing, this psycho takes lurid photographs of his helpless female victims (among other things). When she stumbles upon his secret den of kinky collector’s items, her love turns into utter horror and desperation. She is the next target, and yet no one will believe her, despite her persuasive gathering of evidence. As time runs short, she is eventually lured into one of his more ingenious and lethal traps. Only the strongest will survive…”
Ô surprise. Une jeune femme se retrouve traquée par un tueur en série, comme dans tout slasher de cette époque. Cependant comme prévu, pas de Michael Myers, pas de Laurie Strode ni de Dr. Loomis. A vrai dire, la fête d’Halloween elle-même n’est pas évoquée. Peut-être logique pour un film se déroulant après celle-ci mais tout de même… Hmm, ça sent bon l’arnaque tout ça. Après vision du film, en effet, il se trouve que The Night After Halloween ne contient ni référence à Halloween, ni même tueur masqué. Et oui, le produit se cachant derrière ce beau titre mensonger n’est même pas un film d’horreur mais un simple thriller !
Voici un petit cours d’histoire pour expliquer le pourquoi du comment. Nous sommes en Australie, durant les années 70/80, où le producteur Antony I. Ginnane domine l’industrie grâce à d’excellents titres comme Patrick, Thirst, Harlequin, The Survivor ou encore Turkey Shoot. En 1979, il s’associe au réalisateur d’Harlequin pour livrer Snapshot (terme anglais désignant la prise en photo par un petit appareil), un film qui se veut une satire acerbe du milieu de la publicité et du modeling. L’œuvre possède une atmosphère proche de celle de certains giailli, polar et autres films à suspense plutôt crus, contenant son lot de séquences angoissantes.
Le film sort l’année suivante aux États-Unis, durant le mois d’octobre, et son distributeur décide de changer le titre pour mieux le vendre. Une pratique très courante vis-a-vis des films d’exploitation même si l’on est en droit de se questionner sur la stratégie marketing mise en place. Car plutôt que de vendre l’œuvre pour ce qu’elle est, la compagnie pense pouvoir la “modifier” en un film d’horreur afin de capitaliser sur le succès très récent d’Halloween, qui commence dès lors à faire des émules (Vendredi 13 sort cette même année). Le film est rebaptisé The Day After Halloween et se fait annoncer comme étant une énième histoire de psycho-killer terrifiant.
Et là, vous me dites: “Le JOUR avant Halloween ? Mais ce n’est pas le titre que tu as écrits en début d’article !” ou quelque chose comme ça. Et bien non ! Il se trouve que cinq ans plus tard, un autre distributeur rachète les droits de Snapshot pour l’éditer en VHS sur le territoire américain et, pour une raison quelconque, décide de changer le jour du titre en nuit. Peut-être pour coller encore plus à Halloween dont la tagline était “The night HE came home”. C’est sous ce titre que je me suis procuré le film et il faut avouer qu’il rendait plutôt pas mal pour succéder à ma thématique précédente…
Les choses semblent encore plus confuses puisque le film possède également un autre titre alternatif, One More Minute, et que le site IMDB recense même celui de The Day Before Halloween, même si je n’en trouve de trace nulle par ailleurs. Tant mieux parce que sinon je me serais retrouvé dans une impasse pour savoir quand effectuer cette chronique. A la place, j’ai juste à me demander si je dois tout simplement parler du film en lui-même vu qu’il n’entre pas du tout dans les catégorie que je traite d’ordinaire… De toute façon c’est trop tard, pas vrai ?
Alors de quoi parle exactement Snapshot / The Day / The Night Before / After Halloween ? De la galère dans laquelle s’embarque Angela, une jeune femme de dix-neuf ans travaillant comme coiffeuse. Traitée comme un chien par son patron, elle est victime d’un ex-petit ami trentenaire qui est incapable de se remettre de leur rupture et qui rôde sans arrêt autour d’elle, l’effrayant toujours un peu plus. Manipulateur, il se met dans la poche le reste de la famille de l’adolescente, à savoir sa jeune sœur, un petite conne irrespectueuse, et sa mère, une saloperie narcissique et menteuse, pour la culpabiliser et lui donner le mauvais rôle.
C’est dans ce climat très tendu que s’immisce Madeline, une actrice qui s’est liée d’amitié avec Angela au salon de coiffure. Ne supportant pas la manière dont elle est traitée, elle l’incite à quitter son travail et la présente à un ami photographe dans l’idée de faire d’elle une star. Ce qui signe le début d’une nouvelle vie va pourtant vite tourner au cauchemar après un premier shooting où Angela est contrainte de dévoiler sa poitrine nue. Non pas qu’il s’agisse d’un traquenard en soit, mais les choses vont devenir de plus en plus compliquées pour l’adolescente: sa mère fait changer les serrures, la contraignant à se loger chez son photographe, son ex se montre de plus en plus insistant pour qu’elle revienne dans le droit chemin et le milieu de la photo et de la mode se révèle des plus sordides…
Hormis l’élément du petit ami harcelant l’héroïne, rien ne semble vraiment indiquer que Snapshot puisse s’aventurer dans sur le territoire du polar. C’était sans compter sur la superbe scène d’ouverture: deux silhouettes impressionnantes marchent lentement dans un écran de fumée. Ce sont deux pompiers en combinaison intégrale et masque de respiration qui investissent un bâtiment incendié. Ce qu’ils mettent à jour en neutralisant les flammes, c’est un corps humain calciné qu’ils retrouvent dans une pièce tapissée de la même photo topless de l’héroïne.
Qui est donc mort dans ce brasier ? Un psychopathe sans doute, mais s’agit-il du petit ami d’Angela ou de quelqu’un d’autre pour qui elle est devenue une obsession ? Le film est un flash-back qui mène à cet événement et nous constatons bien vite que les suspects ne manquent pas. Serait-ce Madeline, une lesbienne qui semble un peu trop prendre l’adolescente sous son aile ? Le photographe qui possède une fascination morbide pour les animaux morts ? Le producteur qui veut la photographier nue ? Ou bien est-ce Angela elle-même, un vilain petit canard si l’on en croit ses proches ? Autant de pistes qui se croisent à la manière d’un whodunit policier.
Beaucoup de personnes semblent ne pas avoir vraiment compris l’intérêt d’ouvrir le film sur cette révélation, les dernières minutes répétant l’action avant de conclure. C’est plutôt étrange car c’est justement ce qui fait l’intérêt du film: découvrir l’identité de la victime et, éventuellement, du tueur. Et au final les différents éléments qui se regroupent vont en surprendre plus d’un. Si nous sommes loin du slasher, Snapshot n’a rien a envier au giallo et ses ambiances lourdes et malsaines. Voilà peut-être la raison qui a poussé les distributeurs à le vendre comme un film d’horreur…
Le vrai problème n’est finalement pas tellement l’identité du produit. Le problème, c’est que Snapshot est extrêmement ennuyeux malgré quelques passages inspirés. La faute même pas à un rythme particulièrement mou, mais plutôt à un scénario qui répète les mêmes scènes de tensions encore et encore (le camion de glace, les suspicions d’Angela envers son entourage) sans même chercher à meubler derrière. Résultat, entre le début et la fin, il ne se passe finalement pas grand chose et tout cela aurait pu être écourté pour le meilleur. Tout spectateur ne se sentant pas particulièrement inspiré par l’intrigue risque de se sentir perdu très vite.
L’autre mauvais côté du film vient plus de la forme que du fond. Le métrage a été réalisé durant les années 70, et dire qu’il a vieilli est un euphémismes. Du col pelle à tarte du coiffeur à la musique disco quasi constante en bruit de fond, Snapshot se vautre dans un esthétisme certes d’époque mais aujourd’hui tellement ringard qu’il perd des points en atmosphère. C’est dotant plus dommage que le reste de la composition, que l’on doit à Brian May (celui de Mad Max 2) était plutôt pas mal ! Mais il faut également se farcir l’ignoble thème d’Angela, joué par un groupe nommé Sherbet (en français sorbet, en rapport avec son vendeur de glace d’ex-petit ami) et les innombrables imitations d’un chanteur costumé a la bouche béante dont la simple présence suffira vous donner des cauchemars jusqu’au prochain Halloween…
Dommage que le réalisateur d’Harlequin s’embourbe ainsi, car il parvient ici et là à relever le niveau grâce à un peu de provocation. Tous les personnages semblent instables ou dangereux à un certain degré, la notion de famille est franchement mise à mal et la représentation du romantisme et de la sexualité n’est pas conventionnelle. Ce n’est pas une histoire d’amour que vit l’héroïne mais une histoire de rejet, qui ira jusqu’au bout. Autre que son ex-petit ami, plus âgé qu’elle mais agissant de façon immature, les autres hommes que croise Angela sont soit ouvertement homosexuels, soit de vieux pervers. Quant à Madeline, sa meilleure amie, c’est une lesbienne extravertie qui n’hésite pas à l’embrasser sur la bouche ni à se montrer très agressive avec les hommes !
Il faut compter également sur une très bonne interprétation de la part des comédiens, parmi lesquels on peut retrouver Vince Gil, ici méconnaissable dans le rôle du vendeur de glace rôdeur (il était l’inoubliable Nightrider de Mad Max), Chantal Contouri dans celui de Madeline (elle sera l’héroïne de Thirst la même année) et une Sigrid Thornton alors débutante.
Un bilan mitigé pour ce film à suspense qui évoquera Mulholland Drive à certains. Bonne atmosphère, quelques idées, mais un manque total de progression dans son intrigue qui lui vaut de ne jamais atteindre le niveau de thriller respectable. Passable tout au plus. Dommage.
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