The Head Hunter (2018)

 

The Head Hunter

(2018)

 

 

Jordan Downey, c’est le réalisateur des inénarrables ThanksKilling et ThanksKilling 3 (il n’existe pas de ThanksKilling 2 et c’est volontaire), mais aussi du fanfilm Critters: Bounty Hunter qui, en une poignée de minutes, fait bien plus honneur à la franchise dont il s’inspire que les ignobles Critters: A New Binge et Critters Attack ! Habitué aux projets “concept”, il retrouve son comparse de toujours Kevin Stewart, véritable homme à tout faire, pour les besoins de ce The Head Hunter. Un nouvel opus bien moins déconneur que ses méfaits précédents puisqu’il tape dans la dark fantasy la plus dépouillée possible. Oubliez les fresques épiques, les grands combats, les décors délirants et les menaces planétaires. Il est ici question d’un retour à la forme d’horreur la plus basique qui soit: celle des contes pour enfants, se déroulant de nuit dans une simple forêt, où un monstre tapis dans l’obscurité cherche à vous dévorer. Un seul acteur, un seul décor et une menace jamais clairement montrée même si elle plane constamment sur l’intrigue.

 

 

Ce long métrage assez court (70 minutes) se concentre entièrement sur ce gimmick qui prend à contrepied tout ce qui est à la mode depuis le triomphe du Seigneur des Anneaux. Aucun combat n’est montré, aucune créature même, ou si peu, et tout repose sur l’ambiance et l’attente de ce qui va arriver. Voilà donc un film minimaliste qui ressemble d’ailleurs plus à un court-métrage auteurisant que l’on aurait étiré afin de faciliter son exploitation. Hélas voilà qui risque bien de lui coûter son public, désormais habitué à une consommation rapide de l’information et des médias, et difficilement capable de s’imprégner d’une quelconque atmosphère ou d’un rythme lent. En un mot comme en cent, pour la plupart The Head Hunter sera un spectacle très ennuyeux. Dommage pour eux car c’est justement l’aspect très contemplatif qui donne au film toute son originalité, même s’il faut avouer que cela n’est pas sans amener à quelques maladresses qui lui donne des airs de film d’étudiant.

 

 

Ainsi l’intrigue ne raconte pas grand chose et démarre véritablement au bout de quarante minutes, ce qui précède étant une longue introduction servant à poser le cadre et présenter le protagoniste. Celui-ci est un chasseur de monstres vivant en ermite au fond des bois depuis que sa fille a été tuée par l’un des nombreux démons qui hantent la région. Ayant juré vengeance, il attend que la créature responsable refasse surface afin de la tuer, et le scénario nous dévoile son triste quotidien en attendant cette hypothétique confrontation. Car le Chasseur n’a pour ainsi dire plus de vie, et en dehors de quelques moments où il se recueille sur la tombe de son enfant, son existence entière est dédiée à la préparation au combat. Nous le voyons préparer ses armes, planter les têtes de ses proies sur des piques et préparer une dégoûtante potion magique pour guérir des horribles blessures qu’il reçoit durant ses batailles. Une existence morne et répétitive à peine perturbée par les appels à l’aide occasionnels d’un royaume voisin.

 

 

Les affrontements qui en résulte ne sont jamais dévoilés, le réalisateur préférant s’intéresser à la volonté de fer de son héros qui rentre chez lui épuisé, mutilé, mais déterminé à rester en vie, ayant même recours à la nécromancie pour rester en forme. Le Chasseur se débarrasse de l’or versé en récompense, qui lui est inutile, et passe ses nerfs à travers l’équarrissage des dépouilles des monstres. Gobelins, loups-garous et morts-vivants décorent son antre, réduits à l’état de trophées, et il faudra savoir s’en contenter car en-dehors de la vision fugace d’un troll géant dans la nuit et d’un gnome verdâtre entrevu par une fenêtre, il n’y a absolument rien à se mettre sous la dent en terme d’éléments horrifiques. Et même lorsque vient la deuxième partie du film, avec le retour de la créature responsable du héros, The Head Hunter évite soigneusement de nous montrer le combat tant attendu ! Car ce qui l’intéresse vraiment, c’est ce qui se passe ensuite…

 

 

Car à partir de là, tout est fini pour le Chasseur. Il fait son deuil et n’a plus qu’à panser ses blessures et ajouter le crâne de son ennemi dans sa collection. Mais durant un moment d’inattention, un des bocaux contenant sa mixture de guérison se renverse et coule sur la tête coupée qui revient alors à la vie ! S’ensuit une partie de cache-cache entre l’humain et l’abomination rampante qui utilise sa colonne vertébrale comme une queue de serpent pour se déplacer. L’horreur prend alors toute son ampleur lorsque l’on découvre que la chose ne veut pas seulement prendre sa revanche, mais récupérer un corps, profanant alors la tombe de la fille du Chasseur. Dès lors The Head Hunter nous permet enfin de suivre celui-ci dans son ultime aventure, le montrant enfin en action et dévoilant pleinement son adversaire même si ses apparitions restent pleine de retenue. Quiconque aura tenu jusque là et se sera laissé prendre par l’ambiance du film sera alors récompensé.

 

 

C’est dans cette traque que le projet du réalisateur se dévoile, l’importance des enjeux prenant le pas sur le minimalisme de la présentation générale. Voir le tueur de monstre devoir affronter la dépouille parasitée de sa propre fille alors qu’il venait de lui faire ses adieux apparait comme une situation catastrophique qui le rend vulnérable, et bien sûr il y a un élément supplémentaire que le personnage ignore mais qui est dévoilé au public: même anéantis une seconde fois, un organisme ressuscité par la potion peut se reconstruire encore et encore… Un élément qui entretien le suspense même s’il est malheureusement utilisé uniquement pour amener un twist final prévisible qui n’a d’ailleurs que moyennement du sens: à se badigeonner lui-même de boue magique à longueur de temps, le Chasseur ne devrait-il pas être immortel également ? Mais peut importe car ce dernier acte reste prenant malgré tout, plongeant le personnage au cœur de la forêt en pleine nuit avec pour seul éclairage le feu de sa torche.

 

 

Citons cette séquence en vue subjective depuis l’intérieur d’un casque qui évoque la scène d’ouverture de Halloween, et ce passage où le Chasseur doit se frayer un long chemin dans le boyau étroit d’une caverne, pouvant à peine se mouvoir et devant abandonner des morceaux de son armure tandis que sa proie escalade facilement les parois sans la moindre gêne. Le film sait entretenir le malaise et transformer un moment poétique en cauchemar, comme lorsque le héros tire une flèche dans le ciel pour symboliser la libération de l’âme de sa fillette, et que le trait atterrit bien plus loin dans la carcasse d’un animal mort. Mention spéciale pour ce moment où, se retrouvant dans l’obscurité absolu, le Chasseur frappe le métal de son armure avec sa hache pour créer des étincelles en espérant rallumer son feu. En résulte une série de flashes successifs qui éclairent brièvement les environs à la manière du générique de Massacre à la Tronçonneuse !

 

 

Alors oui, The Head Hunter est lent, frustrant, ne présente que très peu de dialogues ou d’action et semble presque entièrement reposer sur son ultime séquence au point que cela tient presque de la blague (tout est dans le titre du film). Le public nourri à Game of Thrones ne s’y retrouvera absolument pas, mais il est impossible de nier qu’il n’y a pas là un sacré travail pour un petit film indépendant, pour ne pas dire amateur, et certains évènements présenté avec modestie – comme la mort du cheval – sont bien plus effectifs que tout ce qu’un gros budget mélodramatique pourrait offrir. Et puis quelle application dans le département accessoires et costumes, qui jamais ne paraissent sortir des réserves d’une association GN malgré leurs omniprésence. Bon point également de rendre poisseux et dégueulasse le moindre cadavre surnaturel, ce qui renforce le côté impie de leur existence.

 

 

Avec une équipe minuscule et un concept à contre-courant, Jordan Downey et Kevin Stewart parviennent à rendre bien plus crédible leur univers fantastique que nombre de DTV bourrés ras la gueule de CGI très animés et de morceaux de bravoures visuellement spectaculaires mais dénués d’âme. On adhère ou pas, mais il y a là bien plus de sincérité dans le propos que dans la plupart des rejetons du genre, et c’est sans doute ça le plus important.

 

 

 

       

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