The Haunted Sea
(1997)
Le label Roger Corman Presents fut le fruit d’un deal entre le célèbre Roi de la Série B et Showtime, afin de remplir ses grilles de programmes à l’époque où le câble fait des ravages parmi les diffuseurs. Pour rivaliser avec ses concurrents comme Cinemax et HBO, peu avare en contenu “de genre”, la chaine commanda une série de films typés Horreur / SF dans l’idée de les présenter tout au long de l’année à travers de multiples rediffusions. L’affaire dura le temps de deux saisons pour un total de trente épisodes parmi lesquels plusieurs remake de certains classiques: A Bucket of Blood, Humanoids From the Deep, Not of This Earth, The Wasp Woman et surtout Piranha, qui se fit descendre en flèche par la presse spécialisée où Joe Dante fait figure d’intouchable. Dans le lot, quelques œuvres originales comme Black Scorpion avec son héroïne tout en cuir et l’adaptation de Vampirella par Jim Wynorski, mais aussi ce The Haunted Sea qui représente le dernier opus de la liste. A la réalisation on retrouve Dan Golden, qui fit ses premières armes à la Troma en écrivant le scénario de Wizards of the Demon Sword.
Si sa carrière prit un tournant drastique durant les années 2000, devenant à son tour producteur pour oeuvrer dans la série Z (The Bare Wench Project 3 et un tas de trucs avec le mot “bikini” dans le titre), l’homme est à ce moment là dévoué à son patron, tournant plusieurs projets à la suite comme Burial of the Rats et Terminal Virus. Ici il travaille sur une histoire pondue par Thomas McKelvey Cleaver, un autre fidèle notamment responsable de nombreux post-nuke comme Dune Warriors, Raiders of the Sun et les deux Terror Within, en plus de deux épisodes de Emmanuelle in Space dont on retrouve justement l’héroïne au casting. Et à ce propos ont peut rapidement voir où sont les priorités ici, puisque passé le générique d’ouverture, la première scène montre la jeune femme prendre une douche, l’actrice apparaissant totalement nue tandis que la caméra en plein travelling trouve une chaise bien placée pour cacher son entrejambe au dernier moment, Austin Powers style. Dès lors il faut abandonner toute idée de prendre l’oeuvre au sérieux, et si le terme “nanar” déplaît à certains, il sera difficile de ne pas l’utiliser dans le cas présent.
Car c’est à l’habituel clone d’Alien que nous avons affaire, se déroulant non pas dans l’espace mais dans les couloirs d’un grand bâteau abandonné en pleine mer, le Hades, retrouvé à la dérive par les membres d’une petite compagnie de transport en mauvaise passe. La bande embarque sur le navire plus dans l’espoir de le fouiller et de faire un petit profit que de venir en aide à l’équipage, et cela tombe bien car ils n’en trouve aucune trace. En revanche ils mettent la main sur une cargaison de trésors récupérés au fond de l’océan par les disparus, anciennes reliques en or massif qui auraient appartenu aux Aztèques. Des objets dérobés par les conquistadores et maudits par un grand prêtre de Quetzalcoatl: quiconque s’en empare est voué à une mort certaine. Et lorsqu’un malheureux touche à la statuette du fameux Serpent à Plumes, il se fait posséder par la divinité en colère… La suite vous la connaissez: l’homme se transforme en monstre et attaque ses compagnons, les massacrant les uns après les autres jusqu’à ce que les survivants tentent de s’enfuir et de faire couler le Hades pour se débarasser du problème.
A ce niveau là on ne peut même plus dire que cela est prévisible tellement on connait la chanson, et du fait du calendrier de tournage très serré, le scénariste n’essaya même pas d’innover ou de changer la formule. Pas tellement un problème tant que le film se montre divertissant, et – surprise ! – c’est le cas puisque le metteur en scène a décidé de nous offrir autant de gore et de nudité qu’il pouvait se le permettre malgré les restrictions (gardons en tête que nous sommes dans un téléfilm), et surtout de ne pas faire sa mijaurée à propos de sa créature en la gardant dans l’ombre par honte ou volontée artistique: sitôt métamorphosée, sitôt dévoilée, la bête caoutchouteuse apparaît pleinement à la caméra et l’hilarité survient. Car c’est un véritable craignos monster que nous tenons là, en fait un dinosaure à qui on aurait collé un long cou pour faire serpent, lui donnant des allures d’autruche. C’est bien simple: il s’agit clairement d’un costume de Raptor de Carnosaur 3 réarrangé, dont on peut reconnaître les longues griffes filiformes et les pattes recourbées. Seule la tête est nouvelle, enflée, difforme et dotée de jolis barbillons.
La chose est également dotée d’une petite crête en plumes discrète et d’une langue extensible lui permettant d’attirer ses proies. Autant le dire, c’est absolument magique. Car d’un point de vue technique The Haunted Sea prend l’eau (74 minutes qui doivent en faire beaucoup moins si l’on retire les stock shots marins et archéologiques qui parsèment le montage et la répétition de certaines séquences), d’un point de vue narratif, il ne vaut guère mieux (beaucoup de parlottes et de déambulations dans les décors vides, et quelques zones d’ombres voyantes: si quiconque touche l’idole se transforme, comment diable les espagnols l’ont-il chargé dans leur galion ? Et si le possédé revenu à lui se suicide par regret, comment Quetzalcoatl parvient-il à trouver forme physique ?), mais question spectacle, il assure carrément ! Les voleurs se changent parfois avec un vieux morphing ringard, parfois avec de solides effets mécaniques faisant gonfler la peau et suinter du liquide vert, il y a une sympathique séquence d’évasion dans un conduit d’ascenseur façon Die Hard du pauvre, un combat mano a monstruo à la torche dans une salle enflammée, et que de violence…
Éventrement avec bout d’intestin pendouillant, bras coupé retenu à un barreau par des menottes, tête arrachée avec de grosses papattes, lacérations profondes dans le dos, morsures emportant de beaux lambeaux de peau… C’est plus que n’osait en faire de nombreuses série B de la même époque. Et puis encore une fois, il y a le monstre. Celui-ci se fait tirer au fusil harpon dans l’oeil, et parce que le script lui interdit de tuer immédiatement l’héroïne comme les autres personnages, il n’hésite pas à lui filer de gros coups de poing dans la gueule, gros bruitages à l’appui, ce qui est drôle à chaque fois. Amusant aussi la façon dont se déplace celui qui porte le costume, n’y voyant sans doute pas très bien et un peu à l’étroit, avançant précipitemment sur une série de petits pas qui donnent l’impression de voir un enfant courir. Ou un type avec son pantalon sur les chevilles. Quant à ses grognements, ils n’ont rien d’animal. Ce sont des grondements d’humain avec un petit filtre audio pour faire bestial, qui sonnent surtout comme s’il était entrain de râler par mécontentement !
Bref, c’est un vrai bonheur sans lequel The Haunted Sea aurait eu bien du mal à se faire remarquer. Un mot sur le casting quand même, avec Joanna Pacula (Tombstone, Désigné Pour Mourir) en matelot blasée de la vie qui passe son temps à fumer et lancer des piques à l’héroïne plus jeune, plus sexy mais plus cruche qu’elle. Le vétéran James Brolin vient prêté son nom pour attirer le public mais n’a qu’une poignée de scènes puisque tenu à l’écart de l’aventure. Dommage car il y retrouvait ce bon vieux Don Stroud ( 007 – Permis de Tuer , Carnosaur 2), avec qui il avait joué dans le Amityville original. Enfin, et surtout, il y a Krista Allen, star de films érotiques qui n’hésite pas une seconde à se déshabiller. Et ça tombe bien car elle venait d’apparaître au cinéma dans la fameuse scène de l’ascenseur de Menteur, Menteur avec Jim Carrey, attirant le regard d’un public plus large encore sur sa poitrine. Qu’elle soit en débardeur moulant, en soutien-gorge ou toute nue (le caméraman évite de faire la mise au point lors d’un passage où l’on devine sa toison pubienne), elle se montre mauvaise et son personnage est peu intéressant malgré des souvenirs d’une vie antérieure où elle fut promise en sacrifice et sauvée par les conquistadores qui ne mènent nulle part, mais qu’importe ?
Quand on a un gros monstre et une fille à poil, parfois il ne faut pas chercher plus loin. Bien rattrapé pour ce banal creature feature aux dialogues bouche-trou, conçu à la va-vite sur le plateau de tournage de Carnosaur 3 et tirant inutilement son titre de Creature From the Haunted Sea sans que l’on ne sâche trop pourquoi. Joanna Pacula s’y réessaya deux ans plus tard avec Virus, pratiquement le même film mais avec un grand studio à la barre et Jamie Lee Curtis comme partenaire de scène. Au jeu des comparaisons, si le second l’emporte question effets spéciaux, franchement incroyables, il n’a aucune bimbo en tenue d’Eve à proposer, et là-dessus c’est clair, c’est The Haunted Sea qui l’emporte haut la main !
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