Star Hunter (1995)

Star Hunter

(1995)

 

Il me semble inutile de présenter Fred Olen Ray, quand bien même c’est la première fois que je parle de lui ici, mais allons-y pour la forme ! Ancien catcheur, le bonhomme est une sorte de grand gourou de la Série B, limite Z, dont la carrière a décollée vers la fin des années 80 grâce au marché vidéo. S’il reste particulièrement connu pour son Hollywood Chainsaw Hookers, il possède une filmographie longue comme le bras de petits films d’horreur, d’action et de softcore conçus avec trois bouts de ficelles et quelques actrices à gros seins.
Son style est exactement comme celui de son confrère Jim Wynorski: cheap, grossier, vulgaire, sans grande créativité, mais indéniablement fun. Le terme “nanar”, qui signifie (et beaucoup l’oublient) “mauvais films sympathiques”, est probablement le meilleur adjectif pour qualifier le travail de ces deux artisans. Du moins la plupart du temps, car certaines productions sont évidemment moins marrantes que d’autres. Et malheureusement Star Hunter est de celles-là. Un film mineur tant pour Fred Olen Ray que pour l’univers du DTV. Sorti en 1995, lorsque les vidéos-clubs vivent sans le savoir leurs derniers instants et que la Série B est dans la pente raide qualitativement parlant, cet énième clone de Predator n’apporte rien de neuf sur la table et ne propose rien d’intéressant pour le public pourtant très spécifique auquel il s’adresse. Rien d’étonnant, car à l’époque on en trouvait encore à la pelle de ce genre de petit produit vite ficelé, ersatz d’Alien, de Predator, Terminator ou de The Thing (parfois tous en même temps), mais tout de même dommage pour celui qui espère y trouver la “Fred Olen Ray Touch”, à savoir des nanas dénudés, de l’humour auto-référentielle et des effets spéciaux si ratés qu’on en redemande.

 

 

L’explication tient peut-être du fait que Star Hunter n’est pas vraiment un de ses films à lui, mais plutôt celui de Cole S. McKay, cascadeur aguerri provenant lui aussi du milieu B/Z. Celui-ci s’est déjà tenté à la réalisation avant, sans grands exploits. Les deux gars se retrouvent crédités au poste de metteur en scène et j’ignore si Ray fut engagé par les producteurs pour terminer le film que McKay n’aurait pas réussi à faire, faute de compétences, où si ce dernier a demandé une faveur au vétéran afin d’apprendre auprès de lui. Cela expliquerait pourquoi McKay conserve son nom au générique tandis que Ray se retrouve caché derrière l’un de ses nombreux pseudonymes, Scott Sherman. Reste également la possibilité que Ray soit vraiment le responsable de ce petit film, offrant au cascadeur un titre honorifique de réalisateur en raison de son aide pour les multiples cascades et scènes d’action du film qui, même si pas impressionnantes pour un sou, sont plutôt récurrente. Le mystère reste entier et ne sera probablement jamais résolu car, soyons franc, tout le monde s’en tape.
Le fait est que le résultat final ressemble moins à un film qu’à une épatante collection de clips vidéos provenant d’autres films. Un assemblage de quelques scènes vites tournées dans les mêmes décors (un intérieur bien vide et deux ruelles), et de divers extraits de productions Roger Corman. Et c’est ainsi que le film devient un mètre-étalon dans l’art du recyclage, puisqu’on y retrouve une scène entière reprise du très cool Forbidden World, ou Mutant, un clone d’Alien conçu par Wynorksi (tiens donc !). Celle-ci montre un pilote robot balader un vaisseau dans l’espace avant de rejoindre un type enfermé dans un caisson cryogénique pour le réveiller. Dans l’original, il s’agissait d’une sorte de Chewbacca venant alerter son collègue mercenaire, Han Solo de service. Ici, si l’on en croit l’intrigue, il s’agirait du même robot figurant sur l’affiche, même si les deux androïdes ne ressemblent absolument pas !

 

 

C’est loin d’être la seule et unique fois que les images de Forbidden World sont dérobées à leur insu puisqu’on en retrouvent quelques unes dans Dead Space, son remake fauché avec Marc Singer, dans Hybrid et l’hilarant Droid Gunner, tous deux de Fred Olen Ray, et probablement dans tout un tas d’autres petits films fauchés méconnus que je n’ai pas vu. Anecdote amusante puisque l’on est dans l’art de la récup’ , la star robotisée de Star Hunter fait également une très brève apparition dans Droid Gunner comme dans Hybrid ! Non pas une réutilisation du costume, mais bien des images du film, comme si Ray ne pouvaient pas s’empêcher de réassembler les mêmes œuvres encore et toujours.
Mais si ce n’était que ça ! Le monstre lui-même, tel celui de Frankenstein, est un assemblage qui va donner une impression de “déjà vu” à certains: son casque, dont la forme évoque justement la coiffure rasta des Yautja de Predator, provient à l’origine d’un autre film, ni plus ni moins que Les Maîtres de l’Univers, où Dolph Lundgren jouait Musclor ! L’accessoire faisait partie du costume de Saurod, une créature spécialement inventé pour l’occasion. Bien qu’altéré ici, l’objet est malgré tout très reconnaissable, surtout lorsque l’on compare les deux bestioles côte à côte. Le comble c’est que Les Maîtres de l’Univers était lui-même un improbable recyclage d’un film précédemment annulé, Cyborg 2, la séquelle du film avec Jean-Claude Van Damme. La plupart des décors et des costumes avaient été fabriqué avant que le projet ne tombe à l’eau, et la Cannon avait alors tout reprit pour ne pas jeter de l’argent par les fenêtres. Comme on dit, les poubelles des uns, c’est le trésor des autres.

 

 

Mais parlons de l’intrigue, et que vaut donc ce Star Hunter ? Et bien disons que le script est patchwork au même titre que le reste, puisque si l’idée est de refaire Predator, ce sont les Chasses du Comtes Zaroff qui sont réutilisées. Ainsi l’histoire nous présente un duo de chasseurs de l’espace baptisés les Star Hunters, qui voyagent de planète en planète afin de trouver des proies. L’un, assimilable à la façade sociale de Zaroff, a pour but de piéger et d’attirer les cibles dans la zone de safari. Le second, qui représente le vrai Zaroff, poursuit et élimine chacune d’elles, collectionnant les têtes en guise de trophées. Cette idée de fonctionner en binôme n’est pas sans évoquer Watchers, où un chien intelligent “marque” un groupe de personne en s’intégrant à eux, lesquels sont alors pris en charge par un monstre qui fait office de traqueur. Et de traqueur justement, il en est question ici aussi. Une sorte de flic intergalactique, qui à pour mission de stopper le duo de criminels avant qu’il ne fasse trop de victimes. Se rendant sur Terre, il va être contraint de se cacher à l’intérieur d’une des proies, prenant parfois le contrôle de son corps lorsque le besoin s’en fait ressentir. Ainsi Star Hunter évoque à la fois Hidden, mais aussi Critters, pour le côté poursuite. Et puis, vu la tronche du traqueur, grand type aux cheveux longs et blancs, on pourrait même rajouter un peu de Dark Angel là-dedans ! De toute façon tous ces films finissent par se ressembler à force d’être photocopiés sans arrêt.

 

 

A défaut d’originalité, ce mélange devrait faire un cocktail merveilleux pour quiconque aime l’action et les aliens. Manque de chance, c’est tout l’inverse ici. Plus que cheap, et clairement inexpérimenté, Star Hunter est avare en tout et montre surtout ses personnages se parler ou traverser les mêmes décors en boucles. Le film montre comment les quelques membres d’une équipe sportive (qui se résume à deux sportifs, les trois autres n’étant jamais clairement défini) tâche de rentrer au bercail un soir, finissant par se perdre en ville et atterrir dans “le ghetto”. Où ils ne croiseront jamais personne au passage. Ignorant qu’ils ont été sélectionnés par les Star Hunters pour être leurs nouveaux adversaires, les jeunes déambules dans la rue après la panne de leur véhicule, en espérant trouver un téléphone ou une aide quelconque.
Ils rencontrent un aveugle quelque peu excentrique qui les invitent chez eux, leur proposant de contacter un taxi. Très vite cependant, le comportement de leur hôte devient suspect: il semble avoir beaucoup trop conscience de son environnement malgré sa cécité, des dizaines d’armes sont exposées chez lui et il se déclare être un adepte de la chasse et du voyage, ce qui parait improbable avec son handicap. Lorsque finalement la vérité éclate, le groupe découvrant les têtes coupées de précédentes victimes, l’extraterrestre révèle sa véritable identité et active son partenaire, un être robotique puissant et meurtrier, pour s’occuper de leur cas. Entre temps, le traqueur arrive sur Terre et investi le corps d’un des jeunes, mais n’intervient pour ainsi dire jamais, laissant pas mal de Terriens trouver la mort avant de penser à donner quelques conseils ici et là. Il n’y a absolument aucune explication sur le pourquoi de la chose, autre que Star Hunter à un scénario de merde, toutefois on peut supposer que les joints que fume constamment le possédé peuvent interférer d’une façon ou d’une autre. C’est même justement parce que c’est un stoner que ses camarades ne remarque pas de changement en lui.

 

 

Et le film de stagner, de montrer les protagonistes courir, se cacher, hurler et tirer à blanc sur un type en costume qui avance mollement vers eux. Sans doute que le costume du robot n’était pas très pratique car jamais le cascadeur qui le porte ne parvient à bouger correctement. Il est lent, balourd, et du coup son personnage n’évoque absolument pas à un redoutable chasseur, mais plus à un incapable pas fichu de courir, tirer sur quelqu’un ou esquiver les contre-attaques. Même son invulnérabilité il ne l’a doit pas à son armure, mais à une étrange amulette magique qu’il porte autour du cou ! Il faut alors se farcir de longues scènes de parlotes, de courses-poursuites inintéressantes, et de scènes d’action qui se résume à une ou deux explosions et des coups de feu en champ / contre-champ. Les héros sont incapables de préparer un plan d’évasion ou une riposte et passe le plus clair de leur temps à tourner en rond (le peu de décors disponible n’aidant pas vraiment). C’est monotone et cela oblige à se raccrocher au moindre petits détails afin de tirer soit peu d’amusement dans cette catastrophe cinématographique.
Le premier, et pas des moindres, c’est la présence de l’immense Roddy McDowall dans le rôle de “l’aveugle”. L’acteur devait être dans une sale passe durant les années 90 car après sa pitoyable performance dans Shakma, où la plupart de ses scènes étaient tournées avec lui tout seul dans une pièce, certainement en un après-midi, il montre ici clairement qu’il n’a pas envie d’être là. Méconnaissable derrière d’énormes lunettes noires, il fait le minimum syndicale lorsque entouré de jeunes acteurs, puis Fred Olen Ray l’abandonne complètement, ne filmant qu’un seul et unique plan fixe de son visage où il parle par vidéo à son collègue meurtrier. Même sa voix devient “extraterrestre” avec un horrible filtre distordant. Puis son personnage est laissé pour mort, et il faut fouiller le texte d’introduction pour comprendre que sans son partenaire, il est voué à mourir.

 

 

Niveau casting, les vieux de la vieille s’amuseront de trouver Stella Stevens, femme pas mal âgée au moment du tournage mais qui fut sacrée Playmate… dans les années 60 ! Les autres remarqueront peut-être le toujours pas connu Zack Ward, qui verse pas mal dans la Série B et était le fantôme dans la baignoire de Freddy vs. Jason. Plus amusant, le traqueur lui-même est incarné par Fred Olen Ray, derrière une improbable perruque volée au groupe Nelson. Comme McDowall, sa voix est trafiquée avec un effet spécial, et malgré tous mes efforts je ne comprenais qu’une phrase sur deux lorsqu’il osait enfin intervenir. Clairement le pire flic de tous les temps, qui ne sert à rien et ne donne la solution pour détruire le chasseur que bien trop tard lorsqu’il ne reste plus personne à protéger. Destruction très amusante par ailleurs, car après avoir survécu à d’innombrables coups de feu, explosions, chutes et autres attaques à l’arme blanche, le Star Hunter montre enfin son point faible (son amulette, lui permettant de régénérer). Une fois celle-ci détruite, l’androïde semble sur le point d’exploser… Seulement il se contente de se désintégrer en un tas de petites billes en CGI, lesquelles ne s’envolent pas dans tous les sens mais tombent lamentablement au sol, sans aucune notion du spectaculaire, en faisant “Pchiiit”. Décevant, frustrant, mais hilarant.
Une blonde à forte poitrine est déshabillée de la façon la plus gratuite qu’il soit, un des personnages réalisant que le robot ne peut pas les “voir” s’ils retirent leurs vêtements. Et le groupe d’ôter leurs T-Shirts, permettant d’exhiber le large soutien-gorge de la jeune femme pendant un temps. Pathétique, mais tellement Fred Olen Ray ! Enfin, le film n’arrête pas de rallonger artificiellement sa durée en faisant faire des pauses constantes à son robot, lui faisant checker son statut comme un gamer le ferait en pleine partie de jeu vidéo ! Après chaque combat, celui-ci observe un petit écran où McDowall vient lui rappeler son score, sa santé et le nombre de cibles restantes ! Pour ceux qui sont dans le drinking game lorsqu’ils regardent un nanar, voilà une occasion en or tant le monstre, qui n’a pas plus de mémoire qu’un poisson rouge, s’y réfère sans arrêt. Reste quand même quelques idées de SF sympas comme se générateur de murs invisibles pour empêcher les proies de s’échapper (là encore, très jeu vidéo), ou le fait que le stoner, tué dans la confrontation finale, est maintenu en vie par le traqueur qui l’a possédé. Ne pouvant être soigné avec notre technologie, il s’envole donc vers les étoiles afin de survivre, un peu à la manière de Don Opper à la fin de Critters. C’est peu, voir rien du tout, mais qu’espériez-vous de la part d’un scénariste qui se cache derrière le pseudonyme de M.B. Dick ?!

 

Saurod et le Star Hunter

2 comments to Star Hunter (1995)

  • Rigs Mordo Rigs Mordo  says:

    Me semblait bien avoir reconnu le cracheur de feu. C’était mon préféré du film parce que c’était un des premiers que j’avais eu en jouet, j’étais dégoûté que Skeletor le désintègre.

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Pareil, je le préférais clairement au grand chauve et à l’autre monstre chevelu tout moche.

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