Silent Night, Deadly Night (1984)

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Silent Night, Deadly Night

(1984)

 

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S’il n’est pas le premier slasher à se dérouler durant les fêtes de Noël (Black Christmas et le proto slasher similairement nommé Silent Night, Boody Night dans les années 70), et s’il n’est pas le premier film à mettre en scène un tueur en costume de Santa Claus (Christmas Evil et To All a Goodnight en 1980, un sketch du Tales From the Crypt anglais de 1972), Silent Night, Deadly Night demeure le plus célèbre exemple du genre. Une réputation qu’il a payé très cher lors de sa sortie en salle, pour des raisons qui paraissent aujourd’hui ridicules, mais qui lui a permis de ne pas se noyer dans la masse de ses nombreux concurrents produits à la même époque. Car il débarqua en 1984, non seulement lorsque la formule était au plus haut de son succès, mais aussi au moment où celle-ci allait connaître un renouveau grâce aux Griffes de la Nuit de Wes Craven, qui chamboula le genre en remplaçant le traditionnel tueur masqué par un croquemitaine revenu d’entre-les-morts et doté de pouvoirs surnaturels. Pour autant il serait bête de le limiter à la simple polémique dont il fut victime, car il a en fait beaucoup à proposer.

 

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Cela est d’autant plus surprenant qu’à l’origine, tout part d’une simple blague: étudiant à Harvard, le jeune Paul Caimi écrit un script intitulé Slayride et le propose aux producteurs, qui le rejettent aussitôt. Cependant une ligne de texte à propos d’un meurtrier déguisé en Père Noël aura retenu leur attention et c’est à partir de là que le véritable scénariste, Michael Hickey, entra en jeu, livrant à leur demande une histoire à propos de ce concept ultra mince. Et à sa décharge il a fait de l’excellent boulot, puisque préférant explorer ce personnage en profondeur plutôt que d’en faire une simple menace dépourvue de personnalité. Si le titre de Slayride demeura jusqu’à la fin du tournage, il fut changé au dernier moment dans le cadre d’une campagne marketing “coup de poing” (les spots publicitaires furent diffusés au moment de programmes familiaux comme La Petite Maison Dans la Prairie) dont l’idée était de ternir l’image de Santa afin de le rendre terrifiant, et tant pis pour les enfants. Une fausse bonne idée puisque si les responsables gagnèrent l’attention du public, celui-ci se retourna contre eux pour cette raison précise.

 

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Il va sans dire que tous ces parents en colère et autres gardiens de la bonne morale ne prirent pas la peine de regarder le film avant de le condamner, et c’est peut-être heureux car imaginez quelle aurait été leur réaction en découvrant que la chose ne critique pas tant la représentation commerciale de Saint Nicolas que certaines valeurs ultra conservatives de l’Église catholique ! Ici le vrai monstre n’est pas tant Billy Chapman, plutôt victime d’un grave traumatisme qui aura tenu treize ans avant de craquer, mais Mère Supérieur, la sévère directrice de l’orphelinat qui s’occupa de lui lorsqu’il était enfant. Une peau de vache qui croit dur comme fer en l’efficacité du châtiment corporel: “Punishment is absolute. Punishment is necessary. Punishment is good” balance-t-elle a qui veut bien l’entendre. Autant dire que lorsqu’elle récupère le jeune William, qui a cinq ans fut témoin de l’assassina de ses parents par un détraqué déguisé en Père Noël un soir de réveillon, elle se montre insensible à son sort et le corrige aussitôt que ses terreurs refont surface à l’approche des fêtes. De la maltraitance qui va durer des années et alimenter la psychose du garçon.

 

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Lorsqu’il atteint ses dix-huit ans celui-ci est devenu un grand bonhomme costaud qui, fort d’une éducation religieuse, marche dans le droit chemin. Mais il est reste perturbé par son passé et ne digère toujours pas l’image de Santa, intériorisant désormais sa phobie. Non seulement ça, mais parce que le salaud qui tua ses parents tenta aussi de violer sa maman, et parce que Mère Supérieur considère la sexualité comme un péché, il se retrouve également confus par ses premiers émois, alors qu’il rencontre une jolie collègue dans le magasin de jouets où il vient d’être embauché. Une situation qui va forcément déraper alors que vient Décembre et la saison des cadeaux, Billy se retrouvant entouré d’une imagerie qui lui est effrayante. Par un horrible coup du sort son patron va le forcer à porter le costume qui déteste tant le 24 venu, et alors qu’on le pousse à boire en fin de journée, sa personnalité va défaillir. L’ultime provocation viendra en la forme d’une tentative de viol dont il va être témoin, un employé s’attaquant à la fille dont il s’est épris: mû autant par un désir de la protéger que de punir ce vilain ( »Naughty ») garnement, Billy va alors tuer…

 

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C’est là que la partie slasher commence vraiment (tardivement, au bout de 45 minutes), et malheureusement c’est aussi là que le personnage de William disparaît, transformé en ce Père Fouettard qu’il redoutait tant. Dès lors il devient une sorte de Terminator mutique qui arpente les rues désertes à la recherche de mauvaises graines à punir, et jamais plus l’intrigue ne s’intéresse à lui autrement que par les meurtres sanglants qu’il commet. Et c’est dommage car la psychologie du personnage était sans doute l’élément le plus intéressant du film. Le voir être subitement réduit au rang de psychopathe de série B incapable de dire autre chose que “Punish !” aussitôt qu’il croise quelqu’un est franchement décevant, surtout lorsqu’il devient clair qu’il tente de retourner à l’orphelinat afin de se confronter à Mère Supérieur. Un final dont on espère beaucoup mais qui retombe comme un soufflé, le scénariste étant décidé à ne pas nous donner ce que l’on aimerait voir. Mâlin, il humanise même un peu la vieille bique, la confinant en chaise roulante et la montrant sincèrement soucieuse de la sécurité des enfants…

 

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Silent Night, Deadly Night Part 2 nous vengera un peu, mais on pourra être déçu de l’issue de la conclusion ici, les deux adversaires ne s’échangeant pas un mot lorsqu’ils se retrouvent face à face et une tierce personne venant vite les interrompre. Il aurait au moins fallu quelque chose pour faire balance avec la très bonne scène d’ouverture, qui montre Billy rendre visite à son grand-père en maison psychiatrique le soir de Noël. Supposément catatonique, le vieillard s’anime aussitôt que les parents s’éclipsent de la chambre pour terroriser le gamin, lui contant a quel point Santa Claus est dangereux et ne cherche qu’à punir ceux qui n’ont pas été sage. Peut-être fallait-il ne pas en attendre trop, l’oeuvre n’étant finalement qu’un petit slasher conçu pour profiter d’une mode et non d’un thriller bien construit, mais il y a un clair déséquilibre entre la première partie qui développe son protagoniste, et la seconde où il existe à peine. Alors heureusement le côté horreur se montre fort généreux pour compenser, du moins dans la version intégrale, qui est par défaut celle que l’on trouve le plus facilement aujourd’hui.

 

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Car le film fut sérieusement tronqué lors de sa sortie en salle pour s’éviter une classification trop contraignante. Silent Night, Deadly Night perdit pratiquement toutes ses scènes gores, du moins ses gros plans, ainsi que quelques secondes de dialogues ici et là. Si une grande partie de ces amputations furent réintégrée peu après pour une sortie vidéo atteignant les 84 minutes (contre les 79 du montage cinéma), et que c’est cette version uncut que l’on retrouve sur les différents Blu-ray disponibles actuellement, il convient de préciser que la totalité du film n’a pas encore été retrouvé, la faute à la compagnie productrice qui conserva les négatifs dans de si mauvaises conditions que toute restauration semble être impossible. Une source en définition standard a donc été utilisée sur les éditions HD, avec un déclin de qualité forcément visible, et aux dernières nouvelles (en 2017 lorsque Shout! Factory sorti son exemplaire remasterisé) aucune copie complète de l’oeuvre n’a été retrouvé dans les archives de Sony, actuel détenteur des droits d’exploitation. Mais cela ne signifie pas que le résultat disponible soit de piètre qualité, bien au contraire.

 

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Crâne défoncé à coups de marteau, défenestration avec corps percé d’éclats de verre, éventrement au cutter, hache en pleine poitrine… Billy n’y va pas avec le dos de la cuillère et les maquilleurs non plus. La séquence la plus impressionnante reste sans doute la mort pour le moins spectaculaire de cette bonne vieille Linnea Quigley, qui comme d’habitude apparaît juste pour dévoiler ses seins. Soulevée du sol comme un fétu de paille, elle se retrouve empalée contre les cornes d’une tête de cerf montée en trophé et restera plantée là tandis que son petit copain et son meurtrier vont se bagarrer. Sympathique aussi la décapitation de ce pauvre type en pleine descente de luge, le corps finissant en bas de la pente suivi de près par sa caboche roulante. Et si cela ne vous suffit pas, notre Santa psychopathe coupe même la tête à un bonhomme de neige dans un accès de rage. Une touche d’humour noir relativement présente tout au long du film, comme lorsqu’un jeune William est forcé de s’asseoir sur les genoux d’un Père Noël et le frappe en pleine poire dans un moment de panique.

 

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La police poursuit un suspect pénétrant dans la chambre d’une gamine et le braque devant l’enfant avant de découvrir qu’il s’agit simplement de son papa, un autre brave type déguisé est accidentellement abattu juste sous les yeux de Ricky, le jeune frère de Billy, qui va du coup développer les mêmes tares que son frangin (et devenir son successeur dans les films à venir), quant à Mère Supérieur, elle regarde avec colère les pauvres orphelins ouvrir leurs cadeaux en déclarant “I see nothing but greed where there should be gratitude”. Et puis il y a l »écran-titre qui fait apparaitre Deadly Night en une giclée de sang en dessin animé. C’est dire si le film est généreux et riche en contenu, là où beaucoup de ses semblables n’ont rien à montrer. D’ailleurs le public ne s’y trompa pas et le succès fut immense, au point de battre Les Griffes de la Nuit… pendant quelques jours seulement. Très vite divers organisations conservatrices s’opposèrent à la diffusion de l’oeuvre et protestèrent jusque devant les cinémas, forçant les producteurs à retirer toute publicité et même à faire une déclaration dans le magazine People pour calmer le jeu.

 

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Le mouvement prit de l’ampleur avec la participation de personnalités importantes comme les critiques Gene Siskel et Roger Ebert – qui pouvaient être parfois très cons, qui humilièrent l’équipe du film les interpellant directement dans leur émission et irent jusqu’à considérer la recette du box-office comme de l’argent sale (ou blood money, terme désignant les richesses qu’amassent la mafia ou les criminels via des actions violentes), ou l’acteur Mickey Rooney, qui ironie du sort fini par jouer dans Silent Night, Deadly Night 5 les années suivantes comme un gros hypocrite. L’oeuvre disparu ainsi rapidement des écrans, et la véritable raison à cela – aussi absurde soit-elle – vient du fait que la compagnie productrice, TriStar Pictures, était une filiale de la Columbia Pictures, elle-même une filiale de… Coca-Cola. Une entreprise qui est directement responsable de l’image commerciale rouge et blanche du Père Noël que l’on connait tous ! Car c’est en 1931 que la marque de soda réinventa le personnage, avec une telle réussite que leur version est devenu la norme dans le monde entier.

 

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Les grands patrons ne pouvaient pas laisser une de leurs sous-branches ternir une image de marque dont ils étaient les justes représentant, et c’est par fonctionnement interne il fut vraiment décidé de retirer Silent Night, Deadly Night afin d’éviter les remous. Du délire en 2020, mais une affaire très sérieuse à l’époque. Cela permis néanmoins au slasher de revenir deux ans plus tard en vidéo dans sa version longue, avec une nouvelle campagne publicitaire qui se concentra sur la polémique tant pour ne pas répéter la même erreur que la dernière fois que pour gonfler la réputation du film. L’année d’encore après, certains exécutifs eurent l’idée d’exhumer la chose une seconde fois sous le titre de Silent Night, Deadly Night Part 2, avec avec un nouveau montage et quelques scènes supplémentaires filmées à l’arrache, dans le but de se faire un peu d’argent facile. Ambitieux, le réalisateur des nouvelles séquences, Lee Harry, tourna bien plus de choses que prévu malgré des limitations d’argent et de temps très handicapantes, et parvint à créer une bonne moitié de film malgré l’absence de tout moyen.

 

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Une moitié qu’il fut forcé de combiner à de nombreux extraits du film original, conformément aux vœux de ses patrons, afin d’atteindre une durée d’exploitation convenable. Le résultat est un un véritable foutoire nonsensique qui gagna sa propre réputation avec le temps, celle d’un nanar légendaire à ranger à côté de Troll 2, et engendra une véritable franchise avec pas moins de trois autres suites et un pseudo remake sans grand rapport avec l’original. On parle désormais d’un reboot du premier opus pour les temps à venir, par les responsables de Jeepers Creepers: Reborn, et s’il faut espérer que le projet ne se concrétise pas, cela serait toutefois une bonne occasion pour creuser un peu plus les éléments psychologiques délaissés par la conclusion de l’original. Mais pour cela il faudrait un bon scénariste à la barre, et vu l’état du marché à Hollywood ces derniers temps, c’est loin d’être gagné…

 

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