Shark Attack 2 (2000)

 

Shark Attack 2

(2000)

 

 

En l’an 2000, Nu Image décidait de sortir une petite salve de films d’horreur animalier: Crocodile, Octopus et Spiders ainsi que Shark Attack, réalisé un peu en avance l’année précédente. Un an après leur sortie vidéo et les multiples diffusions télé, la firme décrète que ces petits produits sont suffisamment rentables pour recommencer l’expérience et commande alors une suite pour chacun d’eux, toutes réalisées le plus vite possible bien évidemment. Ainsi nous parvient ce Shark Attack 2 (rebaptisé L’Attaque des Requins Tueurs pour la télévision chez nous) qui, contrairement à ses petits frères, se veut une véritable suite à son prédécesseur. Ou presque, tant les éléments sont infimes, ce qui peut surprendre puisque ce sont toujours les mêmes scénaristes, Scott Devine et William Hooke, à la barre. Le réalisateur du premier film, lui, est remplacé par David Worth, dont la carrière n’est pas meilleur puisque outre le futur Shark Attack 3, il est responsable de plusieurs grosses séries B d’action comme les deux Lady Kickboxer avec Cynthia Rothrock et surtout du Kickboxer avec Jean-Claude Van Damme.

 

 

Et pourtant ça ne cogne pas vraiment dans ce deuxième Shark Attack, bien au contraire. Là où le film original se permettait de caser quelques fusillades, explosions et empoignades musclées, sa suite se contente de suivre le schéma extrêmement classique et fatigué de l’ersatz des Dents de la Mer. Voyez plutôt: A Cape Town, en Afrique du Sud, deux sœurs pratiquant la plongée sous-marine se font attaquer par un grand requin blanc qui dévore l’une d’entre-elle avant de se faire éborgner par la seconde. Une semaine plus tard, l’animal est capturé et exhibé dans un parc d’attraction aquatique (!) où se rend la survivante dans le but de se venger. Elle va être stoppée par un biologiste, dont elle va bien sûr tomber amoureuse, tandis qu’un accident va provoquer la mort d’un membre de l’équipe, dévoré par le requin, lequel va profiter de la confusion pour s’échapper. S’ensuit l’habituel avertissement du biologiste envers le propriétaire du parc d’attraction, un homme d’affaire fortuné qui minimise l’accident pour des raisons d’argent et qui va bien sûr refuser de faire fermer les plages à cause d’une compétition de surf, tandis que rôdent au-dehors non pas un, mais six squales particulièrement voraces. Alors que notre héros et sa nouvelle amie tente d’empêcher le massacre débarque une star de la télé, sorte de Crocodile Dundee qui veut profiter de l’occasion pour faire une vidéo à succès…

 

 

Par où commencer ? Shark Attack 2 accumule tellement de tares qu’on se demande même comment le résultat final a pu être validé et surtout commercialisé. Le scénario, tout d’abord, est l’exemple type de la mauvaise copie d’un grand succès écrite en vitesse, sauf que Les Dents de la Mer date tout de même de 1975 ! Il est évident qu’il n’est pas facile de faire un film sur des requins sans être comparé à l’œuvre de Spielberg, mais Shark Attack premier du nom donnait pourtant dans l’originalité en s’inspirant de Deep Blue Sea et en rebondissant sur une intrigue policière. Ici les scénaristes ont simplement reprit à l’identique la trame de Jaws, ainsi que des passages entiers du film (l’effet Vertigo sur le shérif lors de l’attaque de la plage, la photo avec le requin tigre que les pêcheurs pensent être l’animal tueur, avec le même plan d’ouverture sur la gueule béante du squale), mais également quelques éléments de ses suites ! Ainsi retrouve t-on le requin défiguré des Dents de la Mer 2 ou encore le parc d’attraction et la vedette de documentaire des Dents de la Mer 3-D. Du plagiat sans aucune finesse que les auteurs n’auront pas eu la décence de camoufler un tant soit peu…

 

 

Là dedans, le lien avec le premier Shark Attack ne se résume finalement pas à grand chose. Nous sommes toujours en Afrique du Sud et les squales ici présents sont en fait les descendants de ceux du premier film, ces derniers étant en fait des femelles qui se sont faites fécondées. Les nouveaux venus possèdent bien entendu de quelques caractéristiques particulières hérités du traitement génétique de leurs mères et se retrouvent avec un métabolisme quasi hors-norme, en raison d’un taux de globules blancs trois fois supérieur à la normal (?) ainsi que d’une légère difformité de la taille de la queue et de la nageoire dorsale, empêchant alors d’estimer leur âge (ce qui ne sert pas à grand chose puisque les stock-shots nous révèlent des requins normaux). Et à ce titre s’ils ont déjà une taille adulte, les bestiaux n’ont en fait qu’à peu près un an. De quoi fournir une très vague justification à l’agressivité excessive de nos squales, choses dont ne s’embarrassera même plus Nu Image avec Shark Zone deux ans plus tard…

 

 

Mais soyons honnête, il ne fallait pas en attendre trop d’un film de commande devant être réalisé au plus vite pour une distribution quasi immédiate. Octopus 2 va souffrir du même problème et afficher par ailleurs la même histoire ! L’ersatz des Dents de la Mer semble être le summum de l’économie chez Nu Image. Que le sujet ait été établit en vitesse semble presque normal, mais est-ce que cela excuse les faiblesses et les facilités du scénario pour autant ? Un film se nommant Shark Attack doit, par conséquent, comporter un certain nombre d’attaques de requins, hors celles-ci se font plutôt rare hormis un carnage très propre lors de la fameuse compétition de surf, quand elles ne sont pas tout simplement ridicules: l’évasion du requin en est l’exemple parfait. Ainsi un technicien devant nourrir la bête marche au bord de la piscine/aquarium sans se méfier d’une corde qui traîne là et, bien sûr, il se prend les pieds dedans. Mais le faire chuter dans l’eau serait trop simple ! Au lieu de ça Shark Attack 2 se croit dans un cartoon et la corde s’attache subitement en nœud coulant autour de la cheville de la victime tandis que le squale attrape l’autre extrémité depuis son bassin, tirant dessus pour attirer le malheureux dans l’eau. Mais à QUOI pensaient les scénaristes lorsqu’ils ont écrit cette scène ? Car si le film était une parodie, cela serait compréhensible, hors ce n’est pas le cas ! Et pourtant il faut se farcir des tirades franchement poussives (“Sharks are evil, they have to be destroyed !”) et des scènes caricaturales comme celle où le personnage principal rentre dans le lard aux requins en jet-ski pour leur passer l’envie de dévorer du surfeur, ou encore cette improbable séquence romantique où notre couple de héros roucoule sous fond musical, cheveux au vent, faisant du manège ensemble, jouant avec des enfants et donnant à manger à un écureuil avant de regarder le couché de soleil ! On vous rassure, ils auront vite fait de finir leur journée en faisant l’amour dans la piscine quand même. Quant au pourri de l’histoire, il ne se fait même pas dévorer !

 

 

Si la forme eût été plus soignée que le fond, peut-être que Shark Attack 2 aurait éventuellement pu être une aimable série B, nanar au possible mais avec un minimum de tenu. Las, c’était sans compter une réalisation fade, molle et inintéressée qui ne fait que transcender la nullité affligeante de l’ensemble. Très pénible à regarder, le film ne possède aucun sens du rythme, se dote d’effets spéciaux ridicules, d’un jeu d’acteur approximatif et se voit envahi d’une multitude de stock-shots très mal raccordés à l’ensemble. La représentation même de la ville où se déroule l’intrigue, Cape Town en Afrique du Sud, a de quoi laissé perplexe: les blancs y sont nombreux, certes, mais à ce point là ce n’est plus crédible ! Tout le monde y possède l’accent américain et il n’y a pratiquement aucun figurant noir. Mais l’élément ultime qui prouve que Shark Attack 2 est un mauvais film, celui-là même qui fait la célébrité de Nu Image, c’est le rugissement émit par les requins. Si le premier opus restait très réaliste dans son traitement, sa suite par complètement en vrille en ce qui concerne ses créatures…

 

 

David Worth et ses scénaristes nous présentent alors non plus des requins maladifs victimes d’expériences mais de véritables monstres vicelards, quasiment invulnérables aux balles et qui arrivent à éjecter des plongeurs de leur cage anti-requin à force de taper dessus ! Du grand n’importe quoi jamais justifié bien entendu. Au nombre de six, nos squales apparaissent toutefois très peu en groupe, sauf dans un climax qui fait appel à quelques CGI extrêmement laids ou lors du “carnage” du film auprès de quelques surfeurs où des maquettes en plastiques taille réelle sont utilisées. Et parlons-en de ces maquettes, car quiconque se moque du ballon de baudruche des Dents de la Mer 4 n’a jamais vu celles-ci ! Sans aucune articulations (pas même la mâchoire) et doté d’une peinture bleue un peu trop voyante (des requins bleus ?), elles ne sont pas du tout convaincante sauf en cas d’extrême gros plans, un cadrage sur quatre. Leur rigidité et leur texture en plastique lisse leur donnant des allures de gros jouets, autant dire que tout le potentiel de terreur qu’offraient les squales tombe à l’eau. Le pire reste toutefois ces ailerons mal découpés, regroupés par lot de trois ou quatre afin de simuler un effet de groupe !

 

 

Et il ne faut surtout pas compter sur les images d’archives reprises aux documentaires animaliers pour pallier à cet énorme défaut: là où Shark Attack avait su soigner son montage, les séquences sont ici balancées n’importe comment sans même se soucier de l’effet produit. On avait jamais vu aussi raté depuis Virus Cannibale ! Les apparitions subites d’appâts sont légion dans les plans sous-marins, remplaçant occasionnellement une pauvre victime pour faire office d’effet gore. Lamentable, surtout que les pauvres requins sont tout sauf agressif dans ces séquences dont le grain de l’image est radicalement différent de celui du reste du film. Un travail bâclé qui va devenir une constante par la suite chez Nu Image, puisque nombre de stock-shots seront recyclés dans d’autres productions sans qu’aucun effort ne soit fourni pour les intégrer correctement à l’ensemble. Les habitués peuvent alors reconnaître pêle-mêle une épave de bateau rouillé au fond de la mer, des mouvements saccadés d’attaques sous-marines avec une plongeuse, le vol d’un hélicoptère ou encore ce plan (filmé pour l’occasion cette fois) reprit des Dents de la Mer 2 d’un aileron de requin se rapprochant d’un bateau alors qu’une personne n’arrive pas à remonter à bord.

 

 

Ce beau bourbier ne serait pas complet sans se livrer à du suspense facile (gros plan de pieds d’enfants qui barbotent dans l’eau), à une mauvaise incrustation des FX (un requin avale un jouet pour le recracher ensuite sans même l’avoir abîmé !) et à des effets de bruitages préexistant et déjà milles fois entendus. Il serait simple de plaider l’incompétence absolue pour expliquer un tel spectacle, malheureusement c’est plus d’un dénigrement total des responsables qu’est victime Shark Attack 2. Sitôt annoncé, sitôt tourné, au point que personne ne s’est probablement jamais posé la moindre question sur la nécessité d’implication que demande la création d’un (télé)film. Au final ce métrage est sans aucun intérêt puisque techniquement mal foutu, scénaristiquement consternant et possédant un casting dénué de sommité dans le genre. Malgré la débâcle, Nu Image ne lâche pas l’affaire et arrive alors Shark Attack 3: Megalodon là où les autres productions ne vont pas survivre à leur deuxième opus. Une franchise est née.

 

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