Secret Slave, Chapitre IV

Secret Slave

 

IV. Deux Rêves Entrelacés

 

La jeune baladine termina sa danse. Ses cheveux noir corbeau fouettèrent l’air une dernière fois, sifflant fortement avant de claquer contre sa peau d’ivoire en une douce flagellation. Les muscles de son ventre se contractèrent, dévoilant les reliefs suggestifs de l’abdomen, alors que son bassin effectua son ultime rotation. Ses bras s’écartèrent lentement de son corps comme pour le révéler dans son entièreté, les mains se tordant pour former des symboles complexes avec les doigts. Sa poitrine généreuse, tout juste couverte par sa courte tenue, se souleva rapidement au rythme de sa respiration effrénée, tandis que de rares gouttes de sueurs perlèrent de ses tempes jusqu’au menton, tombant sur son buste.
Elle s’immobilisa un instant, concluant son numéro sous les applaudissement du public. Ses mains se joignirent devant elle comme une prière et elle pencha pour saluer: une forme de respect évoquant le Wai thaïlandais, mais provenant d’un territoire bien plus lointain et inconnu de tous. Les acclamations lui firent chaud au cœur, et malgré les années de pratique elle n’arrivait toujours pas à s’y habituer. Pour autant, cette fois, son attention ne se porta pas sur la foule conséquente qui se massait à ses pieds. Son regard dépassa l’attroupement pour s’élever loin devant, plus haut encore que l’estrade où elle se tenait. Droit en direction de la maison des monstres, là où, parmi les goules et les démons, se cachait son admirateur invisible. Celui qui ne sifflait pas, qui ne criait pas, qui ne l’applaudissait pas, mais dont le regard seul la faisait vibrer plus que tous ceux qui étaient braqués sur elle à l’instant.
Elle eu du mal à discerner sa silhouette, le soleil tapant fort en cet après-midi, caressant son corps à demi-nu de ses rayons chauffants. Sur le balcon du Horreur Show, les multiples formes du décors se mélangèrent en jeux d’ombres mouvantes qui finirent vite par se ressembler toutes. L’une d’elle lui sembla se mouvoir furtivement avant de disparaitre. Pensive, elle resta là un bref instant avant de revenir à la réalité et descendre de sa plateforme…

Parfois elle avait la sensation de s’imaginer des choses, de s’inventer des situations qui n’existaient pas. De fantasmer. Pourtant Natasha était persuadée que Vincent avait toujours été là lorsqu’elle dansait. Son esprit revint quelques mois en arrière, jusqu’à la dernière fois où ils s’étaient vu en personne. Lorsqu’elle avait enfin prit conscience de la façon dont il la regardait. Elle repensa à ses yeux pétillant, d’une jolie couleur rousse, qui en disaient plus que n’importe quel mot n’aurait pu le faire. Au tout début, juste un moment, elle avait cru qu’il la regardait libidineusement, comme un pervers obsédé par toutes courbes féminines. Cela l’avait perturbée, la faisant se replier sur elle-même et provoquant une sorte de méfiance. Elle réalisa son erreur après-coup, comprenant qu’il fixait en fait ses mouvements, sa grâce, autrement dit Elle tout entière. Et son nombril – ça, elle l’avait définitivement pris en flagrant délit. Ce n’était pas désagréable.
Des tas de pensées diverses avaient traversé son esprit à ce moment là. La surprise, la peur, la honte, mais aussi l’amusement, l’excitation… Elle resta longtemps indécise quant à laquelle choisir.
– Tu as fait sensation encore une fois, fit une voix familière qui la sortie de ses rêveries.
La jeune femme, grande, espiègle et à la peau bronzée par deux mois d’été, l’accueillit en bas des marches avec le grand sourire qui la caractérisait tant. Attentionnée, elle avait préparé d’avance une bouteille d’eau fraiche qu’elle lui tendit. Natasha l’observa un bref instant, considérant sa beauté naturelle. Ses cheveux châtains allaient à merveilles avec la teinte brunie de sa peau, les deux faisant ressortir le bleu pâle de ses yeux. Elle était plus développée, la dominant d’une bonne tête et faisant déjà femme, là où la danseuse avait l’impression de seulement sortir de l’adolescence. Avec son opulente poitrine et son caractère extravertie, Éliane pouvait s’attirer qui elle voulait, et l’artiste se demanda soudainement pourquoi, lorsque Vincent s’était trouvé en leur présence à toutes les deux, ce n’est pas plutôt sur elle qu’il avait posé le regard…

En se changeant dans les minuscules loges du Cabaret Merveilleux, Natasha dû une nouvelle fois obéir aux envies folles de son amie. Et donc, plutôt que de retrouver son identité civile, elle dû se résoudre à mixer ses deux costumes, celui de scène et celui de ville, ceci à la fois pour se mettre à l’aise mais aussi pour continuer d’attirer les yeux sur elle en attendant sa toute dernière performance. Alors que ses pieds retrouvèrent le confort de sandalettes et que ses jambes enfilèrent un pantalon court et moulant pour se couvrir, la Esmeralda de fête foraine dû se contraindre à conserver son soutien-gorge élaboré en guise de haut. Quelques foulards et bijoux ici et là et un châle diaphane sur les épaules permirent de fusionner les deux styles en une tenue vestimentaire correcte quoique très voyante.
N’acceptant que sous l’insistance pénible de sa complice, la jeune femme resta plutôt perplexe quant à cette nécessité. Elle glissa un instant une main sur son ventre découvert, s’imaginant à quoi pourrait penser Vincent s’il la retrouvait ainsi en tête-à-tête. Quittant alors le chapiteau ombragé, elle dû au moins reconnaitre le côté pratique de la chose: les courants et brises irrégulières chatouillaient sa peau nue de façon très agréable, lui permettant d’affronter plus facilement le soleil plomb. Lors de leurs déplacements à travers la foire, nombreux furent ceux qui se retournèrent sur leur chemin, ceux qui lui sourirent béatement, et lorsque l’on la hélait, elle se contenta de sourire et de glisser dans la main de l’intéressé une carte du Cabaret en guise de réponse. Ou de laisser Éliane assurer sa promotion. Parfois, être simplement l’artiste avait du bon.
Elles s’arrêtèrent à une table de restauration proche, dévorant quelques crêpes et autres douceurs tout en papotant. La plus grande était braquée sur son téléphone portable, se repassant en boucle la vidéo du spectacle qu’elle venait de faire tout en se lamentant.  Elle accusa les coups de coudes et les bousculades reçus dans la foule, déçue par le résultat. Natasha ne répondit rien mais la simple idée d’être filmée lui fit encore penser à un certain garçon.

Complètement ailleurs, sans réponses pour les complaintes de son amie, elle fini par se faire remarquer. Et involontairement elle rendit un peu de joie à Éliane qui se pencha alors vers elle.
– Alors, demanda-t-elle sur le ton de la confidence, tu l’as aperçu ton fidèle admirateur ?
Un peu gênée, la danseuse sourit timidement et se contenta d’acquiescer. Sa confidente lui répondit par un clin d’œil avant de poursuivre sur un ton faussement innocent.
– Tu sais, on pourrait le contacter. Il ferait un bien meilleur boulot que moi pour capturer tes prestations.
A ces mots elle grimaça, jetant un énième regard sur son téléphone, absolument pas satisfaite de son enregistrement.
– Ce serait bien que tu lui rendes visite, poursuivit-elle.
Natasha sursauta tandis que ses yeux s’agrandir comme des soucoupes.
– Moi ? Pourquoi moi ?
Éliane détecta de l’embarrassement, sans doute un peu de peur, lui confirmant que la petite brunette avait quelques sentiments pour ce joli garçon. Elle eu envie de rire, touchée par sa réaction, mais tenta de se contenir en prenant l’air le plus calme possible. Il ne restait plus qu’à la manœuvrer pour l’amener pile là où elle le voulait: dans les bras de Vincent.
Elle lui expliqua qu’avec la fin imminente des grandes vacances et la fermeture de la foire, c’était leur dernière occasion de se retrouver, ne s’étant pas vu de tout l’été. Qui plus est, c’était en partie grâce à lui qu’elles avaient pu obtenir ce poste au Cabaret, étant donné qu’il leur avait transmis les informations et les contacts nécessaires pour postuler à la fête foraine. Le remercier serait un minium et l’inviter à leur toute dernière représentation, une évidence. Sans compter qu’il serait probablement le seul qui accepterait généreusement de leur donner un coup de main pour leur projet.
– Tu n’as qu’à remuer des hanches pour l’embobiner, ajouta-t-elle pour conclure en la taquinant.
Natasha soupira, réalisant qu’il s’était effectivement passé trop de temps depuis leur dernière rencontre. Peut-être avait-elle été un peu vache de l’esquiver comme ça, pour si peu. Et puis l’idée de danser une dernière fois en ces lieux avait quelque chose de déprimant. Peut-être que, pour une fois, l’avoir comme véritable spectateur juste devant elle alors qu’elle s’exécuterait sur scène pourrait être plaisant. Elle hocha doucement la tête, réagissant en fait exactement comme Éliane l’avait prévu, et déclara qu’elle irait le prévenir en personne le soir même.

L’autre fit la moue. Elle aurait préférée l’envoyer dès maintenant voir son amoureux.
– Tu es sûre de vouloir attendre ? Fait gaffe de ne pas t’y prendre trop tard, on ne sait jamais. Il pourrait finir plus tôt et ne plus revenir.
Les hurlements d’une bande de gamins attirèrent leur attention. Le petit groupe passa en courant, l’air à la fois terrorisé et hilare, sortant en toute trombe de la maison hanté. Natasha les regarda et sourit tendrement.
– Il sera là, assura-t-elle.

One comment to Secret Slave, Chapitre IV

  • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

    Chapitre 4, où l’on fait connaissance d’un personnage secondaire et de ses manigances.
    Les fantasmes de l’un font écho à ceux de l’autre et la rencontre à venir pourrait faire des étincelles.

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