Secret Slave
III. Coup de Foudre
En fait cela faisait depuis bien longtemps qu’il avait eu le coup de foudre pour la danseuse: elle et lui s’étaient rencontrés au début de leurs années lycée et il était tombé amoureux aussitôt qu’il l’avait vu – la faute à ses yeux incroyables. Il avait d’abord cru qu’une fille pareille ne se serait jamais intéressée à lui, trop solitaire et isolé, pas assez grand, fort ou populaire ; mais contre toute attente ils avaient fini par se rapprocher. Car Natasha était différente des autres, plus calme, plus introvertie, finalement assez proche de son comportement à lui. Et pour sa plus grande surprise, il avait découvert qu’elle partageait sa passion pour la littérature fantastique, la science-fiction et les films d’horreur. Elle avait même fini par se tourner vers lui pour être conseillé et partager des informations. Ainsi une amitié était née. L’un comme l’autre se nourrissaient de récits pleins de monstres et de vaisseaux spatiaux, et cela avait créé une petite complicité personnelle.
Apprendre qu’elle était danseuse du ventre fut la cerise sur le gâteau, le petit détail qui l’avait totalement fait chavirer. Photographe pour le journal du lycée, il avait profité de son statut lui permettant de fouiller à travers tous les clubs et groupes d’élèves pour entrer dans le gymnase durant une pause, la découvrant en pleine répétition. Et là plus que jamais, Natasha lui avait évoqué un personnage sortie de son imagination, une sorte d’idéale réunissant tout ce qu’il avait toujours souhaité retrouver chez une même personne. La femme de ses rêves, littéralement !
Ce fut, à sa connaissance, la seule et unique fois où elle était venue s’entrainer ailleurs que chez elle. Il était resté bouche bée devant la silhouette si mince, tourbillonnant au son d’une musique différente de ce que les jeunes de leurs âges écoutaient à la radio. Ses vêtements près du corps soulignaient sa minceur, ses formes développées. Il se souvint de ses jambes qui lui semblaient interminables, si longues, si fines. Le débardeur dont elle était vêtu était volontairement court, s’arrêtant un peu au-dessus du nombril.
Ses yeux s’y étaient accroché, le suivant du regard en fonction des mouvements de la danseuse. Ses hanches et son bassins bougeant sans cesse, formant des “huit” à la verticale ou à l’horizontale, il pouvait presque voir les muscles du ventre rouler sous sa peau. De petites gouttes de sueurs perlaient, glissant doucement le long de l’abdomen et laissant des sillons humides avant de finir leurs courses en différents endroits. Il s’était retrouvé comme hypnotisé, incapable de se détacher de ce spectacle si… érotique.
Il lui avait été très difficile de retrouver sa volonté, mais une partie de lui encore sous contrôle le somma de prendre son appareil et d’immortaliser cet instant. Il n’avait pas réalisé que le son de l’engin était assez fort pour qu’elle l’entente. Il avait commencé par des plans larges, se rapprochant de la fille via le zoom – trop apeuré pour le faire en réalité. Son ventre, sa poitrine, son visage. Puis, à travers l’objectif, il fut surpris par la paire de yeux émeraudes qui se posa brusquement sur lui ! Un regard tueur, malgré le visage calme et presque inexpressif. Comme si elle lui disait qu’il n’avait rien à faire ici par la seule force de sa pensée, ses iris vert transperçant son âme pour lui faire comprendre le message.
Il comprit alors qu’elle avait dû se sentir épiée, espionnée. Il avait balbutié quelques mots, incapable de former une phrase cohérente, puis marcha à reculons pour fuir les lieux. Le plus terrible pour lui fut son absence de réaction, la fille se contentant de le fixer, immobile, les bras encore bloqués dans un mouvement qu’elle n’avait pas fini. Il aurait été plus logique qu’elle l’insulte ou le questionne, car en l’état il avait eu l’impression d’être jugé par une force supérieur, ce qui lui paru… écrasant.
Puis il avait fait la rencontre d’Éliane, arrivant à son tour et n’ayant pas conscience de la situation. Ils se connaissaient de vue sans jamais avoir vraiment eu la moindre conversation, mais il n’y avait pas d’animosité entre eux. Aussi lorsqu’elle aperçu son appareil, elle s’en était réjouit, le saluant le plus gentiment du monde et pensant sûrement qu’il était là pour illustrer un article quelconque. Vincent avait hésité, n’ayant que l’envie de fuir, mais elle lui arracha alors l’appareil des mains.
Elle mourrait visiblement d’impatience de voir ses clichés et il n’eut pas la force de l’en empêcher. Il avait baissé les yeux, s’attendant à une humiliation, mais… ce n’est pas ce qui arriva. Elle sembla aimer son travail, lâchant même des petits compliments suivi d’un rire malicieux sur certaines images. Puis elle trottina vers la danseuse pour partager son opinion et Vincent failli s’évanouir, ne trouvant pas même l’énergie de la rattraper. Et Natasha se contenta de regarder sans réagir, ni aux photos, ni aux paroles de son amie.
– Quand je te le dis que tu es sexy !
Il avait cru déceler un vague sourire chez la concernée mais ne chercha pas à s’en assurer, préférant s’éclipser tant le sentiment de honte l’accablait. Elles ne le retinrent pas, ne réalisant sans doute même pas son départ… Éliane lui rendit l’appareil quelques temps plus tard entre deux cours, le félicitant pour son travail. Il n’y eu ni sous-entendus, ni remarques particulières, et elle l’encouragea même à revenir un jour ou l’autre pour une nouvelle session. Natasha, quant à elle, ne se présenta pas à lui et jamais plus elle ne s’entraina au sein de l’établissement scolaire, sans doute trop perturbée par l’incident. Pire que cela, ils devinrent distant l’un avec l’autre, leurs regards se fuyant et leurs conversations se résumant au strict minimum. L’été arriva et ils ne se revirent pas jusqu’à ce que Vincent découvre qu’elle était sa voisine de foire. Il préféra l’observer de loin en ou en secret – si elle apprenait qu’il continuait à braquer son objectif sur elle, elle ne lui pardonnerait sûrement jamais ! Cependant il ne pouvait tout simplement pas s’en empêcher…
Et là, alors qu’elle terminait son numéro, saluant sous les acclamations avant de descendre du podium, il rêvassa. Dans sa tête elle dansait encore, mais cette fois c’était pour lui. Rien que tous les deux dans un recoin de la maison hanté. Avec son teint pâle et sa robe sombre, elle y ressemblait à un vampire, ses petits crocs étincelant lorsqu’elle lui souriait…
Telle une succube invoquée par quelques apprenti-sorciers, elle demeurait dans un cercle magique tracé au sol, combinant pentacles et autres symboles ésotériques ayant parfaitement leur place parmi les sorcières et les éléments de magie vaudou décorant la chambre. Elle le séduisait, le charmait, véritable femme fatale que l’on ne peut s’empêcher d’aimer.
Vincent visualisa les angles de vue qu’il pourrait faire, les armes qu’il pourrait lui glisser dans les mains pour la rendre plus impressionnantes encore: une serpe ancienne, comme une druidesse païenne, où le kriss, cette dague à lame serpent utilisée pour les sacrifices. Ce serait parfait pour son film ! Si seulement il osait lui demander… Oui c’est ça, et puis il pourrait aussi lui demander de sortir avec lui pendant qu’il y était ! Pas moyen que cela arrive, même en rêve. Elle ne serait de toute manière probablement pas intéressée par un garçon aussi banal que lui, elle se moquerait, ou peut-être le prendrait-elle pour un pervers.
La scène se poursuivit malgré tout dans son imagination. Envoûté par la belle, il y lâchait son appareil et s’approchait tandis qu’elle continuait de remuer des hanches. Il posa ses mains sur sa taille nue, appréciant la peau douce et chaude qui se hérissea de désir à son contact. Il pu alors suivre plus intensément les mouvements de son bassin, de plus en plus suggestifs. L’instant d’après il la plaqua contre le mur, la maintenant par les poignets, passant ceux-ci dans les menottes rouillées qui pendouillaient du plafond aux côtés de chauves-souris en caoutchouc. Elle se tenait immobile, à sa merci, un sourire complice sur le visage. Leurs visages étaient si près…
– Vincent…, dit-elle à voix basse, le regardant droit dans les yeux.
Le jeune homme effleura du bout des doigts le ventre tendu de la danseuse, son nombril enjôleur. Ça dérapait, mais il n’avait rien contre. Visiblement elle non plus…
– Vincent, répèta-t-elle avec insistance et… une voix un peu trop masculine !
Secouant la tête, le croquemitaine du Horreur Show sorti de ses rêveries alors que son manager continuait de l’appeler à travers la radio, le prévenant de la nouvelle fournée de visiteurs à divertir.
Le garçon soupira, délaissant les lumières étincelantes du Cabaret des Merveilles pour les ténèbres de son antre, si tristement vides…
3ème chapitre, dont les 3/4 devait à l’origine n’être qu’un simple paragraphe. Et puis j’ai préféré développer les sentiments plutôt que la suite de la narration. Dans la logique “soap opera” que j’utilise, c’est limite très bien ! Ça me fait gagner un épisode entier tout en m’amenant pile là où je le voulais.
Au programme, encore de la danse sensuelle et beaucoup de tensions. Aussi s’installent quelques éléments tenant du fetish, mais, on aura le temps d’explorer tout ça un peu plus tard… :3