Scary Movie
(1991)
“If I wanted to hear from an asshole, I’d fart.”
Si l’on évoque le titre Scary Movie, la première chose qui vient en tête est évidemment la parodie de Scream et Souviens-toi l’Eté Dernier des frères Wayans. C’est comme ça, qu’on le veuille ou non. C’est dire a quel point l’autre Scary Movie a disparu de toutes les mémoires, oublié depuis une trentaine d’années. Heureusement c’est à son tour d’obtenir une jolie édition Blu-ray, et ça malgré ses improbables origines de petit projet indépendant tourné en 16mm dans le fin fond du Texas, par un jeune réalisateur âgé de 19 ans. Merci aux braves gars de l’AGFA (American Genre Film Archive) pour leur boulot, même si ça commence sérieusement à donner l’impression que les éditeurs raclent le fond des tiroirs pour trouver quelque chose à proposer. Et d’ailleurs les non-avertis seront certainement frustré de ce pseudo slasher qui n’en est pas vraiment un, en fait un gros gag étiré sur 80 minutes. Tous les codes du genre figurent ici, amplifiés, détournés, pour les besoin d’un twist final que tout le monde devrait griller au bout d’une demi-heure, encore que l’absence de bodycount pourra perturber et laisser perplexe le spectateur.
Le scénario développé par l’apprenti-cinéaste (avec deux potes qui n’ont pas fait grande carrière) se déroule en pleine nuit d’Halloween dans un tout petit village de fermiers et d’éleveurs de bétail. Une fête est organisée et les locaux peuvent visiter une maison hanté construite pour l’occasion, chaque pièce présentant monstres et fous sanguinaires qui les feront sursauter. Rien d’extraordinaire, mais cela suffit à rendre nerveux ce pétochard de Warren, un geek limite asocial et très nerveux qui se sent déjà bien mal à l’aise à cause des deux donzelles que sont ami à invité pour la soirée. Terrorisé par tout et n’importe quoi, l’adolescent a du mal à gérer son stress à force de déconvenues: sa compagne lui fait du rentre-dedans, une bande de voyous l’humilie devant tout le monde, et il apprend par hasard qu’un vrai tueur psychotique vient de s’évader et rôde dans les parages… Exactement comme dans le Halloween II de Rob Zombie, la présence d’une vache au milieu de la route provoque le crash du véhicule de transfert et le voilà libre, errant maintenant dans les parages…
A priori Scary Movie est donc un énième slasher. Un qui débarque tardivement alors le genre se meurt au début des années 90. Un mauvais même, du genre très long à démarrer (les héros entrent dans la maison à la 35ème minute, le meurtrier trouve son déguisement à la 47ème) et sans un seul meurtre graphique en vue. Les disparitions des victimes s’effectuent hors champ et dès que le tueur est censé faire une apparition, il s’agit de quelqu’un d’autre travaillant pour l’attraction. Les habitués du genre finiront par flairer le piège bien vite, d’autant que le personnage principal panique de plus en plus sans que jamais rien de concret n’arrive. Il fuit, il hurle et commence même à chercher un moyen de se défendre contre cet ennemi toujours invisible qui n’existe en réalité que dans sa tête. Une surprise que l’on évente bien avant l’ultime révélation puisqu’il n’y a pas moyen d’expliquer autrement l’absence totale de crimes, et seule l’existence d’autres slashers bien nazes de la même époque pourra venir mettre le doute. Dommage, car il aurait suffit que Warren provoque un peu plus d’accidents pour mieux brouiller les pistes.
En dehors d’une main coupée à la faux lorsqu’il se rebiffe contre son “poursuivant”, le garçon se contente de maladresses et glissades à la limite du slapstick, et il faut vraiment attendre jusqu’au dernier moment pour que sa psychose le pousse à s’emparer d’un fusil afin de défendre sa vie. C’est d’autant plus dommage que son interprète n’est autre que John Hawkes, acteur vu dans La Cité des Monstres, Une Nuit en Enfer (le tenancier du boui-boui au début du film) et la série Deadwood. Un type doué et au visage marquant qui se montre extrêmement expressif, composant un personnage de trouillard bêta qui évoque aussi bien Bruce Campbell dans Evil Dead que le Ichabod Crane du dessin animé The Legend of Sleepy Hollow de Disney. Son jeu surpasse amplement le niveau d’acting que l’on retrouve dans les petites productions de ce genre et fait tout l’intérêt de Scary Movie, qui ne se trouve pas dans son histoire mais dans les petits à-côtés. Dans tout ce qui touche à Halloween par exemple, car le metteur en scène adore la saison, comme il le prouvait déjà avec son court-métrage Mr. Pumpkin tourné un peu avant.
Les champs baignent dans la brume, les citrouilles brillent et tout le monde est costumé: sorcières, vampires, danseuses du ventre, faux Jason aux cheveux longs, abeille sexy, bref, on trouve de tout. La maison hantée est finalement la vraie vedette du film, minuscule vue de l’extérieur mais contenant un grand nombre de pièces avec différents thèmes. On y trouve des couloirs garnis de chaines pendantes, des dessins de monstres sur les murs, une statue d’hommes chauves-souris et un pont de singe au-dessus d’une fosse à serpents en plastique. Dans une salle un boucher zombie découpe des corps comme à l’abattoir, dans une autre se trouve un autel satanique et la Grande Faucheuse empile des membres coupés sur un lit à baldaquin. Le pendule meurtrier d’Edgar Poe est reproduit et il y a une zone entière remplie de citrouilles près d’un cimetière en carton. Un décor qui fleure bon l’amateurisme des forains sans le sou, ce qui est évidemment à attribuer au budget du film mais c’est justement ce qui rend tout ça encore plus charmant et réaliste. Le script aussi joue de cette imagerie, le réalisateur préférant la comédie au premier degré mortuaire.
Warren tire le ticket n°666, un visiteur cogne par réflexe le zombie l’ayant fait sursauté, et lorsque la situation commence à déraper quelqu’un va se plaindre à un policier qui se trouve être un autre fêtard déguisé. Il y a ce chat noir que l’on retrouve un peu partout lorsque l’on s’y attend le moins, comme dans la voiture d’un flic pressé qui doit le retirer pour prendre le volant, et cette maman moralisatrice qui rouspète contre les monstres et la violence au grand dam de son petit garçon. Autant dire qu’il y a de l’ambiance, mais ce n’est rien face à l’étrange excentricité qui règne en maitre sur tout le métrage. Car il devient parfois difficile de savoir si certains éléments sont de véritables choix ou juste l’attitude des personnes locales engagées sur le film. Scary Movie accumule d’étranges comportements, dialogues et idées qui finissent par le rendre totalement surréaliste. Le titre du film est ainsi accompagné d’un étrange code-barres dont on se demande à quoi il peut bien servir, la compagne de Warren possède salières et rouleaux de papiers toilette dans son sac à main, un vieux dépanneur bodybuildé mange tranquillement une pomme à côté du shérif qui enquête et le portier de la maison hanté passe son temps à cracher partout.
Une reporter est incapable de réciter correctement le nom de la station pour laquelle elle travaille, le timide protagoniste met tellement de temps à embrasser sa copine qu’elle en baille d’ennui et un fermier regarde amoureusement sa vache broutant de l’herbe: “You make me want to crap green onions” lui dit-il. Lorsque Warren entend parler de l’évasion du psychopathe, c’est en sortant des toilettes publiques alors qu’un policier attend son tour, et quand il tombe sur de faux serpents, il en décapite un avec ses dents pour se venger d’avoir eu la frousse. Et tout ça se conclut avec une petite satire du capitalisme, les employés de la maison hantée retouchant immédiatement leurs T-shirts “House of Horrors” pour y ajouter I survived au marqueur, histoire de faire un profit sur l’incident vient juste de se produire. Ce Scary Movie y gagne énormément en personnalité du coup, balançant même quelques groupes de rock psychédélique à la bande-son avec le bien nommé The Butthole Surfers et l’apparemment connu Roky Erickson et son I Walked With a Zombie, qui est très certainement le frère du metteur en scène. [EDIT: honte à moi de ne pas avoir reconnu l’auteur de Burn the Flames, entendue dans Le Retour des Morts-Vivants !]
Celui-ci, Daniel Erickson, ne rencontra malheureusement pas le succès avec ce premier long pourtant sympathique et généreux en bizarrerie. C’est dans la musique qu’il se réfugia, concevant surtout des vidéoclips pour différents groupes texans, et il fallut attendre jusqu’en 2010 pour le voir retourner derrière la caméra avec le thriller Eve’s Necklace, toujours accompagné de John Hawke au casting, qui encore à ce jour semble n’avoir trouvé aucun distributeur.
“Halloween night. The most thrilling holiday. Christmas is too expensive. Thanksgiving’s for turkeys. Easter’s for anyone who believes rabbits lay eggs. But Halloween, creatures of the dark reign supreme.”
GALERIE
Ouch! Ce « apparemment » qui tue ! Roky Erickson est une légende rock, l’ami ! Une sorte de Syd Barrett « garage », un Ozzy psychédélique, le héros foncedé de tout stoner qui se respecte ! Et puis il faut réécouter 13th Floor Elevetors les potards à fond, c’est important. En ce qui concerne Butthole Surfers, tu peux jeter un œil au court métrage « Bar-B-Que Movie » (1988), ça devrait te plaire. Le groupe s’inspire de films type « Massacre à la tronçonneuse », « Délivrance », etc. pour un clip de 11mns d’un mauvais goût à toute épreuve. A visionner en écoutant « Independent Worm Saloon », le tout est dispo sur Youtube. Quand à moi, je vais essayer de trouver ce « Scary Movie », qui m’a l’air bien sympathique…
Alors oui dis donc, merci de pointer ça car j’ai totalement zappé que j’ai justement une musique de Erickson sur ma playlist depuis des années ! J’ai sans doute un peu speedé pour écrire la conclusion et j’aurai dû prendre un peu plus de temps, mais j’avoue avoir de grosses lacunes musicales. Dans le doute j’ai préféré dire « apparemment » histoire de ne pas faire de fausse affirmation. Erf.
En tout cas ça va me faire réviser un peu, et je vais me jeter tout de suite sur Bar-B-Que Movie qui a effectivement l’air d’être dans mes cordes. Et tiens donc, on y retrouve John Hawke, ainsi qu’Alex Winter de la Cité des Monstres qui jouait lui aussi à fond du côté psychédélique. Vraiment, merci d’attirer mon attention sur tout ça et j’espère que Scary Movie te plaira un peu du coup !