Savaged
(2013)
Une bonne petite surprise que ce Savaged (parfois aussi nommé Avenged), un rape and revenge qui prend un détour surnaturel inattendu pour mieux devenir un slasher très sanglant et sans doute inspiré par The Crow (et plus précisément The Crow: Flesh & Blood, qui se déroulait dans le même décors désertique avec une héroïne en guise de vengeur d’outre-tombe). L’histoire raconte comment Zoe, une jolie sourde-muette, traverse le Nouveau Mexique en voiture afin de se rendre chez son petit ami avec qui elle veut faire sa vie. En chemin elle passe par la petite ville d’Acme, un trou perdu où elle rencontre une bande de rednecks forcément racistes qui s’amusent à assassiner quelques indiens. Décidant de venir en aide à un blessé, elle est malheureusement capturée par la bande qui la ramène dans son repaire et l’attache à un lit avec du fils barbelé avant de la violer. Elle est finalement assassinée et son corps est enterré dans un endroit isolé, mais un shaman la découvre et l’emporte dans un cimetière Apache pour tenter de la ramener à la vie.
Le problème c’est que durant son calvaire la jeune femme fut mise en contact avec des crânes d’anciens guerriers, tués deux cents ans plus tôt par l’ancêtre de ses tortionnaires et conservés par la famille comme trophées, dont celui de Red Sleeves. Un grand chef trahi et assassiné par l’homme Blanc dont il jura de se venger. Durant le rituel, son esprit se joint alors à celui de Zoe afin de la posséder et exterminer ce clan xénophobe et cruel une bonne fois pour toute. Malheureusement cela signifie que la cérémonie ne fonctionne pas comme prévue et que Zoe n’est de retour sur Terre que temporairement, son corps se dégradant petit à petit (encore une similarité avec The Crow: Flesh & Blood). Et bien sûr le fantôme de l’indien va régulièrement prendre le contrôle de son être et la transformer en une redoutable machine à tuer dotée d’une force surhumaine. Difficile même de dire si elle a conscience de ce qui arrive à ces moments là et si elle ressent elle-même le désire de revanche…
Car, déjà bien traumatisée par ce qui va lui arriver, la pauvre va découvrir avec horreur qu’elle n’est plus qu’un zombie pourrissant. Et lorsque son bien aimé, inquiet de sa disparition, débarque sur place pour la retrouver, elle comprend qu’il n’est plus possible de revenir vers lui. Voilà sans doute ce qui différencie ce Savaged des œuvres de vigilantes habituels, le pathos étant ici mis tout autant en avant que les meurtres violents, et l’angle zombiesque permettant de bien illustrer toute la tragédie de la situation. Difficile de ne pas compatir pour l’héroïne lorsqu’elle défait les bandages sur ses bras pour se découvrir rongées par les vers jusqu’à l’os. Une scène la montre rester à l’extérieur de la maison où se trouve son fiancé, incapable de se présenter à lui en raison de son apparence, et plus tard elle tentera de faire le deuil de sa relation en retirant sa bague… la moitié de son doigt partant alors avec ! Du body horror pur et simple qui va parfois très loin, comme lorsque Red Sleeves retape ce corps en ruine afin de pouvoir partir en guerre.
Le guerrier arrache un gros morceau d’intestin pendouillant d’une plaie, remplissant le ventre de poussières et de saletés à la place, et insert une fourchette dans un moignon afin d’y raccrocher une main quasiment arrachée. Que dire du final tragique où, coupée en deux par une tronçonneuse, l’héroïne se cache dans une tombe et tente de s’enterrer pour que son amoureux ne puisse pas la voir dans cet état ? Au risque d’être parfois un peu cul-cul dans ses moments fleur bleue, le film insiste sur le côté dramatique de son intrigue, ne cédant jamais à la tentation du second degré et ce malgré des séquences gores démesurées qui aurait facilement pour faire basculer le ton général vers le Grand Guignol. Car au début réaliste dans ses sévices (l’héroïne qui s’arrache la peau en tirant sur les barbelés tandis que son sort se décide dans l’autre pièce sur une partie de poker), la violence s’accentue aussitôt que l’esprit de Red Sleeves entre en jeu: Zoe crève un œil avec une queue de billard cassée, vide son carquois à bout portant sur une victime bloquée au sol, décapite à coups de hache et embroche ses proies dans la tête avec sa lance.
Elle laisse trainer des scalps un peu partout quand elle n’arrache pas le cœur encore battant de son meurtrier, et certaines exécution vont plus loin encore. Mention spéciale pour cet éventrement au tesson de bouteille, la possédée attrapant alors les tripes de son adversaire en tirant à mains nues tandis que l’autre fait de même dans l’autre sens pour ne pas la laisser le dévider. Sans parler du duel final, tronçonneuse contre hache de guerre, qui se termine dans un véritable bain de sang. Le plus surprenant étant que tout cela est présenté de façon “réaliste” avec des effets qui évitent l’abondance de faux sang ultra coloré au profit de quelque chose de plus crédible, un peu à la manière de Tom Savini sur le remake de La Nuit des Morts-Vivants. Ainsi les blessures et plaies demeurent douloureuses et peu agréables à regarder malgré l’extravagance des attaques, tombant là encore plus dans le style body horror que dans celui du splatter coloré.
Un parti pris qui fait écho au C.V. du metteur en scène, puisque celui-ci est surtout connu pour avoir participé à la série télé Deadliest Warrior, qui consistait à reproduire de façon véritable les affrontements entre divers guerriers de différentes époques et différents pays. Cela se ressent d’ailleurs dans certaines scènes comme lorsque le fantôme du chef Apache jaillit du corps de la jeune femme pour invoquer ses armes anciennes en préparation à l’ultime combat, ou lorsqu’il provoque ses ennemis en branchant la télévision sur un vieux western où une horde d’indiens en colère charge quelques cowboys désemparés. Honnêtement le seul problème vient du coup de l’amateurisme de certains visuels pas très maitrisés, comme ces petits ralentis saccadés censés soulignés quelques moments d’importances émotionnelles (une technique d’étudiant de cinéma, ça) ou lorsqu’il bâcle la possession de Zoe à la manière de ces innombrables DTV d’exorcismes et de possessions démoniaques.
Des scories qui s’expliquent assez facilement puisque le responsable du film tient plusieurs casquettes: scénariste, réalisateur, monteur et cinématographe, et que son expérience se limite bien souvent aux productions télévisées. Heureusement il est parfois plus inspiré et livre même quelques moments saisissants, comme ce plan où l’héroïne est éclairée à contrejour par les phares d’une voiture, son ombre devenant celle de Red Sleeves qui s’élève dans les airs en hurlant de rage. Moins pardonnable cependant est la représentation caricaturale de la gent masculine qui se compose ou bien de criminels exagérément perfides (ouvertement racistes, beaufs, sales, bêtes et du genre à se tatouer la croix gammée sur le cou) ou de gentils incapables qui ratent tout ce qu’ils entreprennent (le shaman qui foire son rituel, le petit ami qui se fait capturer et le shérif qui est neutralisé comme un débutant).
Cela plaira certainement à la génération de Social Justice Warrior qui félicitera le film de faire de Zoe une “femme forte” (alors qu’elle est une victime des circonstances du début à la fin) se débrouillant seule sans l’aide d’aucun homme, tout en ayant une relation amoureuse avec un Noir sympa mais qui n’a rien du mâle Alpha. On fermera les yeux puisqu’il s’agit d’un rape and revenge, genre outrancier par définition, d’autant qu’il ne s’agit là que d’un détail très secondaire qui n’empiète aucunement sur la réussite quasi totale de l’entreprise. Honteusement méconnu, Savaged surclasse pourtant haut la main les productions similaires de la même époque (le remake de I Spit on Your Grave et ses suites) et mérite vraiment que l’on s’intéresse à lui et à son étonnante fusion des genres qui en fait un cocktail détonnant.
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