Reeker (2005)

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Reeker

(2005)

 

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Dave Payne est un petit réalisateur dont la carrière n’a jamais vraiment décollée. Dommage pour lui sans doute, même si ses débuts en tant que protégé de Roger Corman n’étaient pas si mauvais, le bonhomme nous livrant quelques séries B divertissantes comme Alien Avengers II, Alien Terminator et Not Like Us. Il tourna même le téléfilm The Addams Family Reunion avec Tim Curry et Darryl Hannah, qui reste certes incomparable à la série originale ou aux films de Barry Sonnenfeld mais vaut bien mieux qu’on ne le pense. Le début des années 2000 marqua la seule fois où il fut proche du succès avec ce Reeker, petit slasher pondu à une époque où le genre horrifique renait de ses cendres après de longues années d’aspetisation lorsque le neo slasher régnait en maitre. C’est le retour des monstres crades, des meurtres sanglants et des idées folles, et les représentants de cette nouvelle génération sont nombreux: Hostel cimente le torture porn, Rob Zombie sureprend avec la violence sèche de The Devil’s Rejects et la série Masters of Horror réunis de vieilles gloires pour un ultime baroude d’honneur…

 

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Le moment est donc parfaitement choisi pour nous balancer cette histoire de zombie puant (d’où le titre anglais) qui assassine ses proies non pas dans la réalité mais SPOILERS dans les limbes du coma, lorsqu’elles se trouvent entre la vie et la mort. FIN SPOILERS Un concept très Destination Finale dans l’âme que le créateur ne nous balance pas aussi simplement au visage. Prenant ce projet à cœur, Payne écrit, produit, compose et met en scène à lui tout seul, espérant sincèrement surprendre le public avec ce sujet pourtant pas si original car un peu trop réminescente du Identity avec John Cusack, sorti deux ans plus tôt. L’inspiration est plus qu’évidente et la majeure partie du film rejoue le même mystère, la même exploration d’un lieu abandonné où une situation à priori réaliste mais étrange vire de plus en plus dans le surnaturel à force d’évènements impossibles. L’action prend ici dans un petit diner perdu en plein désert, où un groupe de voyageurs en route pour une rave party fait un arrêt. D’abord plein à craqué lorsqu’ils arrivent, l’établissement est complètement vide lorsqu’ils repassent quelques instants plus tard suite à une galère sur la route.

 

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Dès lors les protagonistes vont continuellement relever de petites bizarreries comme les routes inexplicablement bloquées, ces étranges messages à la radio et au téléphone parlant d’accidents, ou cette pièce remplie de cadavres d’animaux écrasés et d’armes improvisées. La télévision ne fonctionne plus, les moyens de communications sont rompus, une odeur nauséabonde se fait sentir dans l’air, et bientôt d’étranges mutilés apparaissent et disparaissent comme des fantômes, ni complètement morts, ni vraiment vivants. Ce sont bien sûr les victimes du Reeker, créature dont l’apparence évoque la Grande Faucheuse avec ce manteau à capuche noire qui la recouvre, mais qui aurait troqué sa vieille lame contre une prothèse de bras faite-maison où se greffent perceuses et cisailles. Son arme principale reste toutefois son parfum pestilentiel, puisque la chose n’est qu’un mort-vivant en putréfaction, qui peut faire suffoquer à distance. Un sacré croquemitaine dont il est dommage de ne pouvoir profiter que dans les vingt dernières minutes. Car Dave Payne se perd un peu dans son ambiance, et aussi prenante soit-elle, l’attente fini par devenir pesante.

 

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Pour ne rien arranger beaucoup de spectateurs auront un train d’avance sur les personnages, par expérience avec ce type de film ou en suivant les indices présentés régulièrement au long de l’histoire. Il aurait suffit de quelques meurtres supplémentaires ici et là pour régler le problème au lieu de tout décaler sur le dernier acte, mais Reeker est l’un de ces slashers à casting réduit et faible bodycount qui fait languir son public. Heureusement cela en vaut quand même la peine, ne serait-ce que pour cette scène d’introduction chaotique où une petite famille en road trip se prend un daim sur la route, éclaboussant leur parebrise de sang et traumatisant leur petit garçon assis à l’avant, puis voit leur clébard agressé hors-champ revenir vers eux en se trainant, l’arrière-train paralysé. Un aveugle croise sans s’en rendre compte une femme muette dont la bouche a été explosée, l’un des héros amputé d’un bras et laissé pourt mort revient se battre au corps-à-corps avec le monstre, un quidam trouve un type caché dans une benne à ordure et, l’aidant à en sortir, découvre qu’il a été coupé en deux, l’infirme s’enfuyant aussitôt en rampant…

 

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Un éclat de verre transperce une gorge, les lames de l’antagoniste empalent quelques malheureux et nous avons droit à un revenant avec une moitié de visage complètement déchiquetée dont la blessure est entièrement faite en images de synthèses – des CGI très voyants, mais aussi très détaillés et tenant plutôt bien le coup malgré le poids des années. Quant au Reeker, il cache son faciès dégoulinant derrière un masque à gaz qu’on fini évidemment par lui retirer, lequel est accompagné de longs filaments de chairs qui coulent comme du fromage fondu… Outre ces débordements graphiques le film bénéficie également de quelques idées amusantes, comme cette aura à l’image distordue qui entoure le tueur pour simuler son odeur malfaisante (camouflant hélas son maquillage pourtant sympathique) et le fait qu’il ne se déplace pas comme un être ordinaire dans un monde réel, évoquant au contraire une créature digitale qui glitch et se téléporte. SPOILERS Même chose pour la façon dont le passage dans les limbes est simulé, une petite secousse accompagnée d’un effet de « vague » sur l’image qui représente la tragédie dont n’ont pas conscience les personnages. FIN SPOILERS

 

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La caméra conjure Sam Raimi lorsque certains trépassent, virevoltant jusque dans les narines (une vue subjective de la puanteur !) pour plonger dans le cerveau des mourants et en extraire quelques images. Une représentation du supposé moment où notre vie se déroule sous nos yeux avant la fin, qui nous laisse entrevoir par flashes le passé des victimes: un vieillard fit la guerre du Vietnam, une bimbo a été élevée par des hippies et un drogué semble avoir été violé par un prêtre dans son enfance ! Sinon un gars cherchant à syphoner l’essence d’un camping car se trompe d’ouverture et aspire le réservoir septique, une nana en petite culotte est attaquée au toilette et s’aggripe à son roulot de PQ avant d’être embarquée dans le trou, le croquemitaine s’étant caché dans la cuvette, et un fan de musique qui a tendance à trouver une chanson pour chaque situation n’entend plus que la Marche Funèbre de Chopin sur son lecteur quand il s’apprête à se faire tuer. L’aveugle retrouve brièvement la vue après une trépanation tandis qu’un brave cherchant à s’enfuir par une fenêtre se cogne lamentablement contre la vitre en se jettant dessus.

 

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Même l’idée derrière le titre, cette puanteur qui revient sans cesse, est expliqué par le fait que l’odorat est le premier sens que l’on découvre en naissance et le dernier à disparaître lorsque nous mourront. SPOILERS Les plus malins comprendront aussi que chaque mort fait directement écho à la façon dont les personnages sont blessés dans la réalité (la fille tuée aux latrines faisait une pause pipi, etc) tandis qu’ils se débarassent du croquemitaine en reproduisant sans le savoir l’accident dont ils furent victime. FIN SPOILERS Enfin un court épilogue montre que les survivants ne se souviennent de rien après les faits, façon de justifier que le Reeker s’attaque véritablement à tout le monde dans le plus grand secret. Et si tout cela ne vous suffisez pas, sachez que Michael Ironside fait office de guest star et qu’il ne bâcle pas du tout sa prestation tandis que Eric Mabius vient faire coucou en slip kangourou dans le rôle d’un médecin devenu dealer après avoir perdu sa licence pour nécrophilie (“Oh yeah, I heard she was hot.”). Aussi le générique de fin s’amuse avec quelques messages rigolos, menaçant les éventuels pirates de la colère du Reeker.

 

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Bilan plutôt positif du coup, malgré un petit budget riquiqui, un sujet déjà maintes fois traités (quid de l’espagnol Souvenirs Mortels ou de l’anthologie Campfire Tales ?) et un ventre mou un peu frustrant. S’il n’est pas surprenant que le film n’ait pas atteint les records de ses semblables sortis à la même époque, son simple passage dans les salles apparaît presque comme un miracle de nos jours, au regard de la façon dont l’industrie fonctionne actuellement, et les retours furent suffisament satisfaisant pour valider un second opus, No Man’s Land: The Rise of Reeker, toujours chaperonné de A à Z par Dave Payne. Une sorte de suite / préquelle / remake qui ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick et répète un peu trop les grandes lignes de son prédecesseur pour être honnête, mais qui développe un peu plus les règles de cet univer, avec un plus grand rôle donné aux mutilés-vivants et la présence de murs invisibles façon jeux vidéos autour du périmètre d’action du croquemitaine. Pas suffisant pour établir une franchise cependant, et le Reeker disparu définitivement après cela en dépit d’un potentiel DTV bien présent.

Son créateur ne s’en remis jamais complètement, disparaissant lui aussi dans les limbes de l’audiovisuel utilitaire peu après…

 

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