Lost (and found) in the 5th Dimension
Épisode 29
OCTOPUSSY
007 – Octopussy (1983)
Ian Fleming et les pieuvres, c’est une grande histoire d’amour qui remonte aux années 50 lorsque, résident en Jamaïque dans sa célèbre demeure de GoldenEye, il découvrit un poulpe s’étant installé… dans son jardin ! D’abord surpris et plutôt effrayé par l’animal, l’ancien espion devenu écrivain devint fasciné par la bestiole et décida de l’adopter, s’occupant d’elle quotidiennement. Il la surnomma affectueusement Pussy, puisque dans ce pays ces créatures ne sont pas surnommées devil fish comme dans la langue de Shakespeare, mais plutôt par quelque chose se traduisant comme “chat de mer”. Après avoir rédigé un article relatant sa rencontre avec l’animal (My Friend the Octopus, 1957), il donna son nom au personnage de Pussy Galore dans son roman Goldfinger. Mais les choses ne s’arrêtent pas là et, progressivement, il devint impossible de ne pas associer l’image de la pieuvre à la saga de James Bond.
La bête fut l’emblème du S.P.E.C.T.R.E., reprenant l’imagerie des organisations tentaculaires dépeintes dans les affiches de propagandes dans années 40 et 50. Un allié de James Bond dans Dr. No est connu pour avoir combattu un poulpe à mains nues (Pus Feller, qui dans le film a lutté contre un alligator, ce qui rend son surnom nonsensique) et Octopussy est le titre d’une des dernières nouvelles de l’auteur. Il y est justement question de la rencontre entre un ancien héros de guerre et une pieuvre sauvage baptisée Pussy qu’il tente de dresser, la nourrissant de viande cru. Lorsque confronté par James Bond au sujet d’un crime commis il y a longtemps, l’homme choisi de se donner la mort en laissant l’animal le dévorer plutôt que de passer en cour martiale. Cette histoire fut évidemment le sujet d’inspiration pour le treizième opus de la version cinéma du personnage, Octopussy, avec Roger Moore.
Comme c’est le cas pour la plupart des adaptations des nouvelles de Fleming, seul quelques éléments furent utilisés, le script développant une intrigue totalement nouvelle et sans grand rapport avec le texte original. L’histoire du type à la pieuvre devient alors la backstory du personnage d’Octopussy, alias Octavia Charlotte Smythe, lariche héritière d’un trafiquant de diamants que James Bond arrêta quelques années plus tôt. Comprenant que l’homme ne méritait pas le déshonneur pour des crimes sommes toutes bien mineurs comparé à ceux des tyrans qu’il combat régulièrement, il lui laissa le temps de mettre fin à ses jours en ses propres termes. Dans cette version des faits le céphalopode existe toujours, le poulpe géant cédant la place à la dangereuse mais minuscule pieuvre à anneaux bleues. Une bestiole que le trafiquant adopta à l’instar de Fleming, en faisant son animal de compagnie.
Smythe la nomma Octopussy, et plus tard appela sa propre fille de la même manière en guise de surnom affectueux. A la mort de son père, Octavia adopta la pieuvre à son tours et s’en inspira pour fonder sa propre organisation criminelle, principalement composée de femmes qu’elle récupéra aux autre coins du monde. Octopussy devint son nom de code et l’image de la créature son emblème. Chacune de ses protégées possèdent un petit tatouage représentant la créature tandis que des iames de pieuvres sont visibles un peu partout dans son repère secret: en broderie sur un peignoir ou dans la forme de son grand lit où, inévitablement, elle s’enverra en l’air avec James Bond, lui étant reconnaissante d’avoir offert une alternative à son père malgré les circonstances. Dans une ancienne version du scénario, le poulpe d’Octopussy et celui du S.P.E.C.T.R.E. ne faisait qu’un…
Smythe y était l’un des agents (et possible fondateur) de la faction terroriste avant d’être assassiné par ses collègues. Octavia, plus maléfique dans cette version, y manipulait James Bond en utilisant la mort de sa femme Tracy (vu dans Aux Services Secrets de Sa Majesté) pour le contraindre à travailler avec lui. Cependant des problèmes de droits relatifs à l’utilisation du S.P.E.C.T.R.E. vinrent changer tout ça, excluant d’ailleurs l’agence criminelle de la franchise pour de nombreuses années. C’est pour cette raison que l’animal, à l’origine une simple Octopus vulgaris, fut sensiblement transformé pour éviter les problèmes, devenant alors une Hapalochlaena maculosa, ou la pieuvre à anneaux bleues. Un des rares de son espèce à être capable de tuer un être humain grâce à son venin mortel qui agit en quelques minutes, un simple milligramme suffisant à paralyser et provoquer une détresse respiratoire grave. Oh, et il n’existe à ce jour aucun antidote pour en conter les effets, sinon ça ne serait pas drôle.
Bon, comme c’est souvent le cas dans la nature, une créature si dangereuse est évidemment minuscule, mesurant entre dix et vingt centimètres seulement. Et s’il tient son nom des magnifiques rondelles bleues et noires apparaissant sur son corps, l’animal ne les exhibe généralement qu’en cas de stress ou de menace afin de prévenir tout prédateur de sa dangerosité. Autant dire que le spécimen que nous propose le film n’est pas vraiment réaliste puisqu’il apparaît aussi gros qu’un pieuvre ordinaire et aborde constamment ses couleurs, et la raison à cela est évidemment une question de présentation visuelle. Si elle avait été minuscule et de la même couleur que le fond de son aquarium, la bestiole n’aurait pas retenue l’attention du public. Ce qui serait d’autant plus malheureux dans un James Bond où tout se doit d’être grandiose et spectaculaire.
Exagéré ou non, il convient malgré tout de féliciter le travail de John Richardson et son équipe pour avoir rendu la chose si réaliste qu’aujourd’hui encore on peut se méprendre et penser qu’il s’agit d’une vrai bête. Dans son bocal, Octopussy paraît crédible, respirant doucement, bougeant ses tentacules, et ses mouvements sont suffisamment fluides pour sembler organique. En réalité les plans sont assez court pour que l’on ne remarque pas la supercherie, et la pieuvre est évidemment fausse. D’après le commentaire audio de Sir Roger Moore, elle aurait été animée avec de l’air, sans doute à l’aide d’une petite pompe, tandis qu’un technicien s’occupait de manipuler les tentacules. Simple mais diablement efficace ! Moins crédible en revanche est le moment de gloire du céphalopode, qui intervient durant un combat lorsque 007 et Octavia sont attaqués par quelques tueurs à gage.
Car Octopussy participe malgré lui (elle ?) à la baston, lorsque l’espion anglais décide de fracasser le visage d’un type contre son aquarium. L’impact fait mal et aurait presque pu se suffire en lui-même, mais un film de James Bond n’hésitait alors jamais à verser dans le pulp et la surenchère, et l’ère Moore était particulièrement débridée à ce niveau là. C’était une époque d’humour cartoonesque, de gadgets délirants et de situations rocambolesques, aussi il semble tout naturel que la pieuvre attaque aussitôt le malheureux intrus en se jetant à son visage. Le spectateur un minimum cultivé reconnaîtra immédiatement le modus operandi du Facehugger de la saga Alien, et c’était certainement la note d’attention. Ni, ni deux, le petit monstre en caoutchouc enroule ses tentacules autour de la tête de sa victime et s’y cramponne. La logique dicte que l’animal lui injecte directement son venin, mais impossible de ne pas penser à quelque chose de plus horrible encore.
Si la séquence est courte, elle ne passe pas inaperçu au point que Bond et un autre assassin se figent un bref instant devant le spectacle, Octopussy semblant secoué de spasme sur le corps de sa proie. Alors oui, la créatures factice semble provenir du milieu de la série B des années 80 où opèrent une batterie de petites bêtes similaires façon Critters et Ghoulies, mais l’idée était clairement de donner dans l’absurde et cela fonctionne à merveille. Narrativement parlant, on ne saura jamais ce que devient le pauvre animal, le héros quittant les lieux en douce et l’intrigue se recentrant sur sa course contre la montre pour empêcher un vilain Soviétique de faire péter une bombe atomique. Octavia et ses filles demeurant sur place, il est permis de croire qu’elles ont sauvé l’animal de l’asphyxie, même si vu sa grande toxicité, on peut se demander comment elles s’y sont prise pour le retirer du cadavre. Le poulpe pourrait également avoir prit la fuite par ses propres moyens.
Croyez-le ou non, mais dans la vraie vie les céphalopodes sont suffisamment intelligent pour agir de cette manière. Cependant puisque le palais de sa maîtresse est construit sur un lac d’eau douce, cela signifie pour lui une mort certaine. Qu’importe. Il laisse peut-être derrière lui sa descendance sous la forme d’œufs, pondus directement dans l’estomac du type ayant détruit son habitat. Et si ça vous semble être complètement con, posez-vous la question: est-ce vraiment plus fou qu’un géant aux dents d’acier, qu’une voiture invisible ou que la sexy Denise Richards en physicienne nucléaire ? Sans doute pas !
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