No Solicitors
(2015)
Le CV de John Callas n’est pas bien épais mais peut valoir le coup d’œil malgré tout, en cela que le bonhomme est sans doute la seule personne au monde a être passé d’un poste d’assistant manager sur Raging Bull pour atterrir comme assistant réalisateur sur La Colline à des Yeux 2. A son actif, un seul véritable film: Lone Wolf. C’était en 1988, et après ça plus rien jusqu’à son retour surprise en 2015 avec ce No Solicitors qu’il écrit, produit et réalise. Pas du gros budget bien sûr, qui d’ailleurs passa complètement inaperçu durant plusieurs années avant de sortir en catimini sous différent(s) titre(s). Tourné sous le nom de Death by Solicitation, son projet devient ensuite No Solicitors et se transforme occasionnellement en No Visitors pour certaines éditions Blu-ray / DVD toutes récentes. Et en regardant la chose on comprend mieux pourquoi elle semble perpétuellement coincée dans un état inachevé: elle n’a tout simplement aucune histoire à raconter !
Le concept n’a rien d’original puisqu’il est celui de tous ses ersatz de Massacre à la Tronçonneuse qui pullulent dans le genre horrifique depuis des décennies, avec l’habituelle famille de cannibales kidnappant et torturant les touristes de passage. La petite différence vient ici du fait que les anthropophages ne sont pas des bouseux vivant dans un coin de campagne isolé, mais au contraire de grands bourgeois habitant dans la banlieue chic de Los Angeles. Le patriarche, Dr. Cutterman, est même sur le point d’être sacré meilleur chirurgien des États-Unis. Et malheureusement No Solicitors ne fait absolument rien de cette idée, se contenant de suivre le quotidien de la tribu pendant 1h30 sans que rien ne vienne jamais perturber ses agissements. Autant dire que l’ennui fini doucement par s’installer et qu’il est sérieusement permis de questionner l’intérêt du film lorsque vient le générique de fin.
Vraiment, seule la séquence d’ouverture fait son petite effet (un joli quartier est présenté sous fond de musique joyeuse, puis le montage montre abruptement une victime se faire trancher un sein dans une cave sombre) et le reste des scènes horrifiques s’enchaine sans s’embarrasser de d’ambiance, de suspense ou même d’importance narrative. Du pur torture porn en fait, et je ne peux guère faire autre chose que lister les différents sévices tant il y a peu à dire: mains coupées à la hache, jambes tranchées à la scie électriques, éventrement au bistouri libérant les tripes des victimes… Des seins excisés passent au broyeur à viande pour faire du steak haché, des doigts sont utilisés comme bâtonnets apéritifs et une cuisse humaine est préparée comme un gros gigot. Même les os sont pulvérisés dans un petit broyeur et enterrés dans le jardin, permettant aux Cutterman d’avoir les plus belles roses du voisinage.
A l’occasion une victime peut se rebeller et la punition est alors sévère: un type se fait arracher la langue pour avoir insulté sa geôlière tandis qu’un autre se fait dégommer la bouche à la perceuse. Un passage particulièrement brutal montre un prisonnier se faire détruire le genou à coups de masse, les tortionnaires s’amusant à tourner le membre sur lui-même tout en lui injectant des doses d’adrénaline pour l’empêcher de s’évanouir. Lorsqu’il comprend qu’on va ensuite lui arracher les yeux, le blessé se jette sur le scalpel tenu devant lui pour se suicider, les cannibales dégustant alors ses globes oculaires avec dépit. No Solicitors ne donne pas vraiment de raison à la folie ou aux actions de ses protagonistes, et le semblant d’intrigue restant tourne autour de leur business secondaire: le trafique d’organes. Arguant que même un grand médecin ne peut plus faire fortune de nos jours, ils guettent les cas désespérés pour vendre aux nécessiteux les morceaux dont ils ont besoin.
Intéressant, et rappelant un peu le délirant Mad Jake, mais hélas jamais vraiment exploité par le scénario. Cela n’apporte qu’une poignée de scènes gores supplémentaire comme une ouverture crânienne bien sanglante avec extraction du cerveau, une opération du cœur où la cage thoracique est tronçonnée et l’ablation d’un rein, mais jamais ces agissements modifient jamais le train-train de la famille, même quand un captif parvient à ruiner une importante transaction prévue pour se venger. Rien n’importe, rien n’a de conséquence. Par trois fois le film nous trompe d’ailleurs, introduisant des éléments qui semblent être là pour emporter le récit dans une nouvelle direction mais qui sont abandonnés quelques minutes plus tard. Par exemple lorsque Mindy, représente d’une compagnie, vient sonner à la porte des Cutterman, elle semble toute désignée pour être l’héroïne dont on va suivre les tourments.
Le script l’ignore pourtant aussitôt qu’elle est faite prisonnière, ses interventions diminuant au fur et à mesure que l’histoire avance. Même chose avec l’enquête policière à propos des disparitions recensées par les autorités, qui met en scène deux flics dépassés par les évènements. A peine se rapprochent-ils de la vérité que l’affaire est classée sans suite par leurs supérieurs, le kidnapping inattendu de la fille du maire leur tombant sur les bras. Une explication d’autant plus inutile que l’on découvre par la suite qu’un des inspecteurs fait partie de la famille et couvre ses agissements. Et vers la fin, une cambrioleuse investie la demeure et parvient à s’enfuir après une brève rencontre avec leurs captifs… pour ne jamais donner signe de vie après-coup, le flic corrompu garantissant pouvoir régler le problème sans que cela ne soit montré. Du trollage pur et simple qui va bien au-delà des simples limitations budgétaires…
Difficile de s’investir donc, et seuls quelques moments viennent éveiller l’intérêt. Comme lorsque la fille Cutterman est attaquée par un violeur lors d’une promenade et qu’elle offre une fellation à son agresseur pour mieux lui sectionner le pénis, qu’elle dévore en se disant que ça aurait été mieux avec de la moutarde. Ou lorsque l’on apprend que les parents cannibales ne tolèrent pas les gros mots au point d’avoir possiblement tué l’un de leurs enfants auparavant, lequel jurait continuellement. Une rare scène sérieuse montre les prisonniers se lamenter de laisser derrière eux parents et enfants, et les meurtriers éclatent de rire après avoir reçu une visite de la police comme s’il s’agissait d’une bonne blague. Rien qui n’en vaille vraiment la peine cependant, surtout considérant que No Solicitors n’a même pas de conclusion, les vilains trafiquants décidant subitement de déménager sans aucune raison particulière.
Le sort des dernières victimes n’est pas adressé et le film nous balance une série de bloopers à la tronche avant même l’apparition du moindre carton générique. Autant dire qu’avec ce projet John Callas avait à peine de quoi faire un long métrage et qu’il aurait peut-être mieux valu en rester au format court. Nul doute qu’il pariait sur la nostalgie des années 80 et la fidélité des fans du genre pour se distinguer, et on retrouve évidemment quelques noms reconnaissables au casting. Comme Eric Roberts dans le rôle du Dr. Cutterman, étonnamment sobre et décontracté, et dans celui de son épouse la revenante Beverly Randolph, qui fut Tina dans le Retour des Morts-Vivants et dont il s’agit là du premier film depuis ! Manque de bol le couple est plutôt en retrait puisque le scénario s’intéresse principalement à leurs enfants immatures. Du côté des victimes, une Felissa Rose alitée qui n’a qu’une poignée de dialogues et ne fait absolument rien de tout le film.
Au moins peut-elle se vanter d’être productrice contrairement à Vernon Wells, qui lui apparait pendant trente secondes dans un rôle parfaitement inutile et même pas en lien avec la trame cannibale. Alors oui, le bilan est accablant et No Solicitors est indéniablement un mauvais film. Toutefois il me serait impossible de ne pas lui reconnaitre ce petit côté H.G. Lewis délirant qui englobe à peu près tout, du point de départ nonsensique à l’acting hasardeux, en passant par l’humour noir pachydermique, les protagonistes fous, les flics ineptes et surtout les effets spéciaux ultra sanglant mais jamais totalement réussis. Le Parrain du Gore n’aurait pas fait mieux et voilà sans doute la seule façon d’aborder No Solicitors sans risquer une dépression. Malgré tout, sur le sujet similaire d’une famille psychopathe tuant quelques démarcheurs, je vous conseille plutôt Mort d’un Pigeon Voyageur, épisode des Contes de la Crypte avec Tim Curry bien meilleur en tout point.
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