Monsieur Xander (Creepshow, 2022)

Lost (and found) in the 5th Dimension

Épisode 47

 

MONSIEUR XANDER

Creepshow (2022)

 

 

Il aura fallu 40 ans, trois films, une série télé sous un titre différent (Tales From the Darkside), son adaptation cinéma, son spin-off (Monsters), une websérie raté (Creepshow RAW) et finalement un reboot sur plateforme streaming pour que Creepshow engendre enfin son propre comic-book. Sauf si vous comptez l’adaptation d’époque de l’oeuvre originale bien sûr, mais celle-ci était plus un équivalent d’une novélisation qu’une véritable bande-dessinée réminiscente des EC Comics. Et pour un premier numéro c’est plutôt réussi, du moins pour la première des deux histoires puisque la seconde semble s’adresser à un public plus jeune. Reste à voir comment la franchise s’en sortira sur le long terme, mais en attendant jetons un œil sur la première créature surnaturelle à émerger de ce renouveau: Monsieur Xander, une sorte de zombie / fantôme défiguré qui n’est pas sans évoquer ce salopard de Natham Grantham du Creepshow original.

 

 

A vrai dire le script ne révèle pas grand chose de ses origines, ce qui n’aide pas vraiment à construire la menace qu’il représente. Apparemment le bonhomme était violent et dérangé, en témoigne une légende urbaine comme quoi il aurait tiré sur un gamin pour intrusion sur propriété privée alors qu’il avait juste crashé son vélo dans le jardin. L’un des protagonistes prétend d’ailleurs que la victime est en fait morte d’un accident quelque part ailleurs. En revanche Xander aurait bien été tué d’une balle dans la tête par sa propre fille puis enterré dans sa robe de chambre, preuve s’il en est qu’il n’était pas très populaire. Mais d’un autre côté il continue à offrir des friandises aux gamins par-delà la tombe pour Halloween.

 

 

On se fera donc l’idée que l’on veut de ce Monsieur Xander, et l’attitude des sales mômes qui viennent saloper sa maison peut justifier sa vengeance macabre. Car le bonhomme a laissé un bol plein de barres chocolatées à l’intention des trick or treaters, avec cependant l’instruction de ne prendre qu’une sucrerie par personne. Le trio qui débarque s’empresse de tout voler, d’insulter le défunt sous son propre porche, et l’un d’eux grave même “fuck you” au couteau sur sa porte. Sa résurrection est compréhensible en ce sens, même si ses actions sont pour le moins exagérées. Car la créature n’est pas là pour effrayer ou manger ses victimes, mais pour les tuer à mains nues et sans prévenir, un peu comme un malade pourrait vous attaquer subitement en pleine rue.

 

 

Son arme ? Sa force surhumaine qui lui permet de pulvériser les petits corps et en faire du steack haché. Il éventre un gamin d’un coup de poing, éclate le visage d’un autre contre une grille d’égoût et frappe la tête du pied pour en déloger les globes oculaires. Quand au dernier… disons que celui-ci va tenter de se racheter auprès du monstre en se faisant vomir puis en réunissant le chocolat à moitié digéré dans l’emballage pour faire comme s’il n’y avait touché. Devinez comment Monsieur Xander prendra cela ? L’histoire se termine sur l’image horrifique, et parfaitement Creepshow, des trois gaillards désormais morts et utilisés comme décoration d’Halloween par le zombie qui leur a retiré les dents, les tripes et les yeux pour remplir un nouveau bol.

 

 

Cet étalage de brutalité pourrait confirmer que notre homme était effectivement violent de son vivant, expliquant sa triste fin et ses funérailles expéditives. Son créateur Chris Burnham (Batman Incorporated de Grant Morrison), qui ici écrit et dessine, semble en tout cas avoir une vision très claire du personnage qui se retrouve dans ses illustrations. Car Monsieur Xander apparaît sans émettre le moindre son, ni grognement, ni cri, ni gémissement, et agit sans hésitation, véritable force de la nature qui ne marque une pause que pour laisser ce petit garçon régurgiter sa friandise par sadisme. Sa simple apparence interpelle également, avec ce crâne ouvert, fendu en deux à partir du nez, et cette bouche déformée par l’absence de lèvre inférieure et le rajout d’une grosse moustache.

 

 

Saluons le coloriste Adriano Lucas (des tas de trucs chez DC, Dynamite et Marvel) qui donne au mort-vivant une allure très spectrale, avec ce peignoir phosphoresent qui remplace un peu l’habituel drap des vieux fantômes d’antant. Les yeux rouges pourraient être un peu too much dans une version live action mais passent sans problème au format BD, petite touche de style qui permet de déshumaniser Monsieur Xander autant que possible. Enfin se pose la question: notre zombie est-il tout nu sous sa robe de chambre ? Sans doute, comme le prouve un aperçu de ses longues gambettes et de son torse squelettiques sous les pans du vêtement. Probablement un indice de plus sur les causes de son décès, même si le plus terrifiant est sans doute d’imaginer son zguègue qui pendouille pendant qu’il vous tue. The devil is in the details, comme on dit.

Bref, un sacré fils de pute qui introduit parfaitement le Creepshow nouvel génération aux lecteurs et qui aurait sans doute été plus anecdotique visuellement parlant si l’histoire avait été réalisée des décenies plus tôt, lorsque EC Comics et ses nombreux copieurs nous balançaient quotidiennement goules, sorcières et vampires à la figure. Espérons maintenant qu’il soit le premier venu d’une longue lignée de creepers à venir…

 

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