Mirror Mirror
(1990)
On a tendance à dire que l’Horreur est l’apanage de la gent masculine. C’est évidemment faux et Mirror Mirror est là pour le prouver avec son équipe constituée à 60% de femmes tant devant que derrière la caméra. Initialement titré The Black Glass, le film traite de thèmes résolument féminins sans pour autant oublier le quota d’atrocité qu’il est censé livrer, présenté dans des visuels assez sanglants et démonstratifs. Il n’y a donc pas tromperie sur la marchandise et le résultat fonctionne beaucoup mieux que nombre de productions modernes du même genre, tellement préoccupées à mettre leurs messages sociaux en avant qu’elles se vautrent dans un pseudo-intellectualisme creux et insupportable. Une vraie série B en somme, et efficace, même si son originalité reste à débattre puisque l’histoire nous refait le coup de l’adolescent brimé par son entourage et corrompu par des forces obscures qui va prendre sa revanche avant de connaître une fin tragique. Et arrivé en 1990 tout a déjà été dit sur le sujet, de Carrie à Christine en passant par Evilspeak et 976-EVIL.
L’intrigue s’intéresse à Megan, une jeune goth de Los Angeles qui emménage dans une petite ville suite au décès de son papa. Sa mère, toujours perturbée par l’évènement, ne s’occupe plus vraiment d’elle et la jeune fille n’a aucun ami vers qui se tourner. Pour ne rien arranger les choses, elle devient rapidement la cible de ses camarades de classe qui la trouve bizarrent, à l’exception de la gentille Nikki qui va la prendre sous son aile. Mais les choses vont prendre un sale tournant lorsque Megan découvre dans sa nouvelle maison un miroir maléfique dont l’ancienne propriétaire aurait été une sorcière. Réveillant les pouvoirs de l’objet, elle découvre que tout ceux qui se comportent mal avec elle sont aussitôt puni par une force surnaturelle et va utiliser ce pouvoir pour se débarasser de ses enemis et obtenir tout ce qu’elle souhaite. Mais elle ignore que l’artefact est en vérité contrôlé par un démon qui cherche à l’amadouer afin de s’emparer de son âme, et lorsque Nikki met fin à leur amitié, elle va se laisser envahir par le Mal sans comprendre son erreur…
Tout critique digne de ce nom pourra faire le choix facile d’analyser Mirror Mirror sous l’angle de la métaphore, la transformation de Megan représentant évidemment la puberté et le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Ce n’est pas comme si le script se montrait subtil à ce niveau là, le miroir faisant couler du sang sur sa surface comme pour bien représenter les règles, accompagnant la scène d’une imagerie sexuelle hautement blasphématoire où l’héroïne se met à lécher le liquide à-même la glace avant de caresser l’objet, tandis qu’un monstre viril sort littéralement du reflet pour répondre à ses attentes. L’instant d’après, Megan abandonne son look de d’ado timide pour devenir une vraie femme ayant pleinement conscience de son sex appeal. Et puis si ce n’était pas assez clair il y a les rivalités à l’école où les demoiselles comparent la taille de leurs poitrines et se disputent l’attention de leurs petits copains, effrayant Megan jusqu’à ce qu’elle finisse par adopter le même genre de comportement une fois transformée.
Plus intéressant est le personnage de la mère qui soulève elle-aussi des thèmes féminins assez forts même si son personnage est malheureusement peu élaboré. Dévastée par son deuil, celle-ci a abandonné son rôle de maman pour tenter de se retrouver, passant par divers phases finalement très immatures qui vont du relooking à la séduction du premier venu, en passant par l’adoption de chiens dont elle s’occupe à peine. Elle communique même plus avec son psy que sa propre fille, mais c’est finalement de voir cette dernière changer si drastiquement qui va la remettre sur les rails. Et par ce biais c’est ainsi que Megan, même corrompue jusqu’au trognon, va retrouver son innocence lorsqu’elle comprend que le démon va vouloir tuer sa mère pour la briser complètement. Très sympa, même si hélas un peu survolé dans le produit final. On se rattrapera alors avec l’aspect horreur, certes plus léger que dans certains films similaires des années 80 (au hasard, Prom Night II avec son étudiante possédée aux pouvoirs surnaturels) mais appréciable.
Le miroir tue un chien qui voulait lui pisser dessus, ramène le père de Megan à sa demande mais sous la forme d’un zombie décomposé et accuseur, provoque une crise d’asthme presque fatale chez un enseignant moqueur (Stephen Tobolowsky, le Ned tête à claques de Un Jour Sans Fin) et fait abondamment saigner du nez la tortionnaire de l’héroïne. Le meilleur reste sans doute l’attaque de la pauvre mère qui se retrouve avec la main dans le broyeur de l’évier pour une scène ultra sanglante, mais hélas un rien ruiné par ce bref plan du membre maquillé à la place de ce qui devrait être un moignon déchiqueté. Déception aussi durant le meurtre de ce bellâtre qui en pince pour Megan mais se dérobe en la voyant parler à son miroir, et qui se retrouve aspiré à travers la glace pour se faire bouffer la tête par le démon qui habite de l’autre côté. La séquence dure longtemps, le jeune homme hurle beaucoup, mais aucune mutilation ou croquage de crâne en vue, l’acteur étant simplement couvert de faux sang avant de s’écrouler au sol.
La faute au budget on imagine, ou peut-être au manque d’expérience de la réalisatrice dont il s’agissait du premier boulot (sauf si vous comptez le making of d’un concert de U2 comme un véritable film). Néanmoins Mirror Mirror propose d’autres séquences très réussies, à commencer par cette fille nue brûlée au dernier degré par la vapeur d’une canalisation cassée dans les douches d’un gymnase, ces aiguilles de verre qui surgissent du miroir pour percer des mains posées contre sa surface, donnant à la victime comme des stigmates, et la création de ce doppelgänger de Nikky qui séduit son amoureux dans la salle de bain pour mieux le noyer et lui dévorer le visage avec ses baisers ! Ajoutez à cela des plans du point de vue distordu de la glace, une bande-son agréable ainsi qu’une mise en scène soignée à base de grands angles et de mouvements de caméra fluides, et vous obtenez une petite série B un rien limitée mais tout à fait respectable.
On pourra tempérer sur quelques inspirations trop voyantes (la musique d’intro à des accents de Hellraiser, Megan est un sosie de Winona Ryder dans Beetlejuice, un essaim de mouches évoque Amityville et le miroir déverse des flots de sang au ralenti comme l’ascenseur de l’Hôtel Overlook), mais le mélange passe plutôt bien et le casting nous distrait facilement avec toutes ses jolies filles: la sexy Charlie Spradling (Bad Channel, Puppet Master II) qui se déshabille un peu, la méconnue mais mignonne Kristin Dattilo (Inspecteur Gianna dans Dexter et Janie dans le clip Janie’s Got a Gun d’Aerosmith), une Dorit Sauer qui n’a quasiment rien fait d’autre mais tape bien dans l’oeil quand même, et dans le rôle de Megan, une jeune femme au véritable nom de Harvest Rainbow (moisson d’arc-en-ciel !) qui a depuis quitté l’industrie du cinéma pour rejoindre celle des ascenseurs chez Otis. Du côté des vieux on est encore plus gâté puique l’on retrouve Karen Black dans le rôle de la maman et William Sanderson en employé des pompes funèbres qui porte une horrible queue de rat.
Supposément la petite Zelda Rubenstein devait aussi être là avant de se désister pour des raisons inconnues. Elle devait probablement incarner cette antiquaire fouineuse qui espérait récupérer le miroir pour son business avant de découvrir le pot au rose et tenter d’avertir la famille. Elle aurait été un gros plus non négligeable, mais cela n’empêcha pas Mirror Mirror de connaître un succès modéré à sa sortie, au point qu’il engendra pas moins de trois séquelles sur les dix années qui suivirent. Le troisième film est notamment remarquable pour son sous-titre amusant (Mirror Mirror III: The Voyeur) et la présence d’un Mark Ruffalo encore inconnu. Il figure aussi au générique du second opus d’ailleurs, mais le type étant à l’heure actuelle un épouvantable moralisateur, on lui préfèrera facilement ses partenaires de scène Billy Drago et Roddy McDowall.
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