Massacre Mafia Style
(1974)
“You’re in, or you’re in the way”
Une vie bien remplie que celle de Duke Mitchell, un crooner italo-américain qui fit ses débuts sur la scène comique avec Sammy Petrillo pour un duo dont la spécialité était d’imiter une autre paire de rigolos: les biens plus célèbres Dean Martin et Jerry Lewis. Après un film (Bela Lugosi Meets a Brooklyn Gorilla, avec Lugosi et un costume de gorille) et une poursuite devant les tribunaux par leurs rivaux, les deux hommes se séparèrent et Mitchell poursuivit sa carrière dans la musique et le stand-up dans les nightclubs de Las Vegas et Los Angeles. Fréquentant le gratin du spectacle (dont Doug McClure et Frank Sinatra), il se gagna le surnom de “Roi de Palm Springs”, fut brièvement la voix de Fred Pierrafeu pour la Hanna-Barbera, et son égo s’envola si haut qu’il se persuada qu’il pourrait devenir Hollywood à lui tout seul. Inspiré par Le Parrain, il monta un projet similaire centré autour de sa personne, produisant, écrivant, réalisant, jouant et poussant la chansonnette quand l’envie lui en prend. Le résultat est ce Massacre Mafia Style, alias Like Father, Like Son, alias aussi The Executioner mais à ne pas confondre avec celui de Sonny Chiba de la même époque…
En guise de Don Corleone, nous avons Don Miceli, un Sicilien qui s’expatria à Los Angeles où il devint l’un des plus grands parrains de la mafia jusqu’à sa chute. Désormais vieux, il mène une vie paisible en Italie avec son fils Mimi et son petit fils encore tout jeune, ne désirant pas remuer le passé. Mais Mimi, qui a connu la grande vie dans sa jeunesse, n’a jamais digéré son retour au pays. Désormais veuf et libre, il décide de retourner en Amérique afin de devenir lui-même un caïd et reconnecte avec un ami d’enfance qui va devenir son bras droit. Le territoire étant désormais occupé par une autre organisation – celle de l’ancien lieutenant de Miceli, les compères vont devoir frapper très fort pour se faire remarquer, quitte à massacrer absolument tout le monde afin d’y parvenir ! Et c’est à peu près tout pour l’intrigue, Mitchell n’ayant visiblement retenu du film de Coppola que les exécutions sanglantes et autres moments de violence qu’il n’a de cesse de vouloir surpasser, quitte à sombrer dans le grotesque. Et heureusement d’ailleurs, car à défaut de faire preuve d’intelligence, Massacre Mafia Style arrive au moins à divertir !
Soyons clair: si il y a une histoire, elle n’importe pas. C’est la brutalité incessante qui est l’intérêt principal, et cela ne s’arrête jamais. De la séquence d’ouverture où les héros flinguent tout le staff d’un bâtiment professionnel, du patronat au personnel d’entretien, à la conclusion où Mimi est trahi par sa propre famille sans que cela n’est la moindre logique ou explication, les morts pleuvent par dizaines avec de belles giclées de sang. Une prostituée est retrouvée étranglée dans sa douche, le fils d’un mafieux reçoit le doigt de son père par courrier, un maquereau est crucifié tandis qu’une chorale entamme un Alléluia dans le lointain, et un traitre se retrouve planté à un crochet à viande par la tête dans ce qui doit être une référence graphique à Massacre à la Tronçonneuse. La scène du cheval est reprise avec un chien, le propriétaire se faisant servir l’animal au restaurant avant d’être abattu et de mourir la tête dans le plat, et un opposant à la mafia est tué d’une balle dans la tête en plein direct à la télévision, à la surprise générale – y compris du spectateur du film. Une bombe à retardement fait un massacre durant des funérailles et un repas heureux tourne mal avec un fusil à quatre canons caché dans une baguette de pain…
Une débauche de brutalité qui tient plus de H.G. Lewis que de F.F. Coppola et qui honnêtement sauve Massacre Mafia Style. Car Duke Mitchell n’est pas le meilleur écrivain du monde, et il se rend coupable d’un rythme en dents de scie plutôt frustrant où chaque moment de bravoure est contrebalancé par des séquences de remplissages où il ne se passe rien, avec numéros de chant ou de danse qui pèsent sur la patience. Une manière d’imiter Le Parrain avec sa cérémonie de mariage sans doute, mais distillé tout au long de l’intrigue à travers anniversaires, dîners, réunions et spectacles qui n’apportent rien à l’affaire et finissent par ennuyer. Il n’aide pas que l’intrigue elle-même tourne en rond, Mimi jouant les laquais et partant en croisade à droite et à gauche sans pour autant gagner la moindre influence ni le moindre personnel. Il demeure seul ou avec son ami à mener les mêmes opérations années après années, et qu’il soit sans-le-sou ou lieutenant du Parrain en place, il n’y a aucune évolution visible dans sa carrière. Cela fini même par porter préjudice au personnage puisque à force de tuer tout le monde sans raisons discernables, lui et son compagnon finissent par ressembler à deux psychopathes en roue libre.
Seule exception amusante est cette parenthèse dans leur vie où ils sont contraint de devenir producteurs de films pornos, un meurtre de trop les obligeant à avoir un business légitime pendant quelques temps. L’occasion pour le réalisateur d’évoquer un peu le milieu du X, alors en pleine effervescence (Gorge Profonde est évoqué au détour d’une blague) et bien dans les mains dans la mafia à l’époque. Duke Mitchell s’en amuse (et en profite pour jouer avec quelques avec de jolies filles dénudées) et préfigure presque Boogie Night lorque où lui et son partenaires observent le tournage d’une scène de cul, papotant sans arrêt en se tenant juste devant le caméraman qui n’arrive plus à filmer les actrices. Si Massacre Mafia Style avait été de ce niveau tout le long, il aurait été un véritable chef d’oeuvre. Malheureusement il s’embrouille dans les délires égotiques de son créateur qui n’est parfois pas loin d’un Neil Breen dans certains monologues. Dans l’un il fait l’éloge de la mama italienne, et ses mains de cuisinières, qui représenterait l’âme du pays mais ne recevrait en retour que mort et déshonneur par la Mafia.
Dans l’autre il déplore à l’inverse le monde moderne qui n’a plus besoin du crime organisé, critiquant hippies droguées, politiciens malhonnêtes et même prostituées sans maques, qui se vendraient désormais bien trop jeune comparé à avant. Un vrai délire qui se retrouve aussi dans le déroulement de l’intrigue: a son arrivée aux États-Unis, Mimi kidnappe le Parrain et lui tranche un doigt en guise de menace envers ses hommes. Quelques scènes plus tard, il s’invite durant une fête privé du mafiosi libéré et lui propose ses services au nom du bon vieux temps, sans même penser une seconde que l’autre pourrait lui en vouloir ! “You lose a finger but you gained a right arm” déclare t-il tandis que l’autre accepte sans broncher. A cela se rajoutent quelques bizarreries comme l’esthétisme seventies bizarre (un distributeur de boules de gomme en plein salon d’une maison bourgeoise), des surnoms étrangement choisi (appeler son héros “Mimi” était une sacré erreur, en revanche Superspook est un pseudo plutôt cool pour un maquereau) et la musique qui semble par endroit avoir été rajoutée sur le tard par Grindhouse Releasing, la boite de Sage Stallone et Bob Murawski qui retrouva et restaura le film.
Ainsi le thème musical du protagoniste évoque les années 80 avec ce synthé qui sonne comme du Brad Fiede,l et il est impossible de ne pas penser à Terminator dès que Mimi débarque (les pistes Arm & Eye Surgery et The Terminator’s Arrival en particulier). Quand on sait que Gone With the Pope, l’autre œuvre de Duke Mitchell proposée par l’éditeur, était incomplet et fut spécialement monté pour sa sortie, on pourra penser que Massacre Mafia Style a lui aussi subit quelques arrangements de dernière minute tant ce son tranche avec le reste. Cela fera toujours un petit détail amusant en plus cela dit, même si cela n’était pas franchement nécessaire lorsquse l’on reconnaît subitement George “Buck” Flower un bref instant, celui-ci jouant un mafieux bien sapé mais un peu à côté de la plaque, comme il a eu tendance à jouer ses habituels rôles clochards et d’ivrognes. Soyez donc prévenu: Massacre Mafia Style n’est pas le nanar de haut vol ni la série B survoltée que certains tentent de nous vendre et il faudra supporter quelques déconvenues pour pouvoir profiter de ses atouts.
Cela étant dit le jeu en vaut plutôt la chandelle, et il ne serait pas surprenant d’apprendre que Quentin Tarantino a grandit avec ce film tant le duo formé par Mimi et son camarade évoque les tueurs en costards du réalisateur, notamment ceux joués par John Travolta et Samuel L. Jackson dans Pulp Fiction. Le meilleur exemple demeure certainement la scène où ils vident leurs flingues sur un garde du corps très costaud sans même se lever de leurs fauteuils, avant de sortir de la pièce en blaguant. Encore une fois, si tout le film avait été de ce niveau il n’aurait pas fallu attendre quarante ans pour en parler. Comme c’est regrettable.
GALERIE
Et sinon ça tient debout visuellement ? Ça fait pas trop « Z » niveau photographie ? Il m’intrigue ce film, jamais entendu parlé…
Et bien c’est un peu oui à tes deux questions en fait. D’un côté c’est filmé sur pellicule, ce qui donne un certain cachet, et il n’y a pas d’erreurs techniques, de faux raccords, de nuits américaines ou ce genre de chose. Ça ressemble bien à un film, même s’il ne faut pas espérer une cinématographie extra, ce qui me fait penser que le réal a bien investi du fric dans l’affaire pour être confortable.
Mais la plupart des acteurs ne sont pas professionnel,t avec tout le côté nanar que tu peux imaginer des sur/sous-réactions. Le montage caffouille un peu avec des soucis de rythmes ou d’enchainements et surtout le script est totalement foutraque avec des séquences et des répétitions assez délirantes. Donc même si c’est pas dans le tréfond du Z façon Ted V. Mikels, les lacunes demeurent.
Après sa rareté est pas trop étonnante vu que Duke Mitchell n’a fait que deux films, et le second n’a même pas été monté de son vivant. La chose est rapidement tombée dans l’obscurité vu l’époque (pas de vidéoclub, juste de brèves exploitations limitées en salles) et il a fallu attendre que le fils de Stallone et son partenaire de Grindhouse Releasing le retrouve et le dépoussière, avec je pense quelques retouches. Et puis Duke Mitchell est vraiment une célébrité d’un autre temps sur laquelle très peu auront gardé un oeil de nos jours.
Ok, merci pour les infos !
J’ai jeté un œil à la B.A, c’est impayable. 30 morts en 2m15s, dont un gars électrocuté dans un urinoir; ça me parle, forcément.
Je vais essayer de trouver ce petit bijou.
Thanx. 😉
Haha oui, c’est globalement toute l’intro avec une musique rigolote rajoutée dessus. Bonne chasse !