M. et Mme Creedmore (The Haunt of Fear, 1950)

Lost (and found) in the 5th Dimension

Épisode 58

 

M. ET MME CREEDMORE

The Haunt of Fear (1950)

 

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Aujourd’hui encore Television Terror demeure un épisode très efficace de Tales From the Crypt, qui faisait du Project Blair Witch avant l’heure avec le génialement détestable Morton Downey Jr. dans le rôle d’un animateur télé qui explore une maison hanté pour une émission en direct. L’histoire originale a beau datée de 1950, provenant des pages de The Haunt of Fear #3, elle utilise elle aussi le concept du found footage bien avant que celui-ci ne soit même rêvé par les cinéastes ! Une idée géniale que l’on doit entièrement à Harvey Kurtzman (co-créateur de Mad Magazine), qui écrit et dessine cette petite BD très en avance sur son temps. Car si les contes des trois GouhLunatics pullulent de monstres et de zombies, ceux-ci sont généralement des créatures de train fantôme se dévoilant sans aucune retenue et avec bonne humeur. Ici au contraire, il est question de revenants que l’on ne verra jamais, l’intrigue misant plus sur le suspense que l’horreur.

 

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S’inspirant des récits gothiques d’autrefois et du murder mystery, l’histoire nous présence Monsieur et Madame Creedmore, qui hanteraient une bâtisse restée inhabitée depuis soixante ans. C’est en 1897 que le couple s’y installa, fraichement marié, et les choses se gâtèrent bien vite après cela dû à la différence d’âge entre les deux amoureux. L’époux, beaucoup plus âgé et d’apparence sévère si l’on en juge son portrait, fut retrouvé pendu à l’une des chambres de l’étage, et bien vite des rumeurs coururent que sa mort ne fut pas un suicide mais un meurtre maquillé, orchestré par sa femme et son amant – personnage anonyme et invisible, mais dont le fantôme rôderait lui aussi dans le manoir. Quelques temps plus tard nos suspects s’installèrent définitivement dans la maison et finirent par se marier. A peine un mois plus tard, la tragédie frappa de nouveau et ils finirent par être pendu à la même poutre dans de mystérieuses circonstances…

 

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L’affaire fut suffisante pour convaincre le voisinage que la demeure était hantée et celle-ci resta à l’abandon pendant plusieurs décénies, jusqu’à ce que le jovial Al Hunt, animateur vedette de Hunting With Hunt, ne s’y intéresse pour l’une de ses émissions. Retransmit à l’échelle nationale, son direct du 20h montra à des millions de téléspectateur sa tentative d’explorer la maison à l’aide d’une caméra portative, avec pour seule compagnie la présence du Professeur John Poltergeist de la London Society of Psychic Research. Ne prenant pas vraiment les choses au sérieux, le présentateur va ignorer les avertissements de son invité et plaisanter comme à son habitude, mais les choses vont déraper. Pressentant fortement quelque chose, Poltergeist va partir seul à l’étage, abandonnant Hunt qui va bientôt paniquer en raison de bruits étranges qu’il ne cesse d’entendre venant d’au-dessus, et du froid pénétrant qui se fait de plus en plus ressentir.

 

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Des spectres, la BD ne montre rien si ce n’est les portraits peu rassurant des deux Creedmore et la sensation que quelque chose de glacé touche la joue du reporter. Cherchant à rejoindre le Professeur, Hunt va grimper les escaliers et se tenir sur le pas d’une porte avant de refermer violemment la porte, terrifié par ce qu’il y a vu. L’illustrateur ne dévoile rien et seule une remarque du personnage nous indique que des fantômes se trouvent de l’autre côté: « The professor ! Those people ! My brain is whirling… I-I…« . Derrière lui on pourra remarquer que la porte est de nouveau ouverte. Puis, d’une façon très lovecraftienne, Hunt va perdre la raison d’une case à l’autre, abandonnant la caméra à qui il s’adressait pour retourner dans la chambre obscure. Ses dernières paroles identifient clairement M. et Mme Creedmore, et même l’amant de cette dernière.

 

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Dans un éclat de rire, il accepte à leur demande de grimper sur un tabouret et de se passer la corde au cou, sans doute à la même poutre où se balancèrent ses prédecesseurs, et où doit déjà se trouver Poltergeist, tué littéralement hors-caméra. L’histoire se termine sur la réaction incrédule des téléspectateurs tandis que le cadavre de Hunt apparaît à travers l’encadrement de la porte, l’émission se retrouvant bientôt interrompue par la production. Pas de procession spectrale, pas de morts-vivants blagueurs ni de twist ending ironique, rien que les ténèbres et l’inconnu. Si Television Terror, l’épisode, retrouve un peu de cette ambiance, il n’hésitait cependant pas à verser dans le grand guignol avec ses revenants armées de tronçonneuses et cette défenestration finale sensationnelle dans tous les sens du terme. Television Terror !, le comic-book, se montre beaucoup plus simple en comparaison, mais aussi plus efficace.

 

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Les Creedmore sont plus effectif que les autres ectoplasmes des EC Comics du fait qu’on ne les voient pas et que, de leur activité, juste le son de ce que Hunt croit être le vent est entendu. Alors que ce bruit devait être celui de la pendaison de Poltergeist. Une simplicité et un non-dit qui ramène aux vieilles histoires d’horreur que l’on se racontait autrefois, au coin du feu, comme celle du couple perdu dans la forêt et attaqué par le maniaque au crochet (et ses dizaines de variations, dont celle avec un pendu dont les pieds frotent contre le toit de la voiture ou de la caravane). Néanmoins cela n’empêcha pas Kurtzman de dessiner un fantôme plus traditionel, peut-être par fun ou à la demande de l’éditeur, en guise d’illustration introductive sur la toute première case. Un être squelettique aux cheveux longs et à la corde au cou qui pourrait autant être Monsieur que Madame Creedmore. Un rien démonstratif et totalement inutile, mais pourquoi pas ?

De toute façon la qualité de l’écriture – associée à cette narration en proto-found footage – nous le fait vite oublier et les Creedmore fonctionnent bien mieux en tant que présence malfaisante générale, à la manière du Hugh Crain de La Maison du Diable. Il conviendra juste de ne pas trop penser qu’après les faits, le manoir abrite peut-être un quatrième fantôme du nom de Poltergeist, ce qui est un rien ridicule il faut bien l’admettre.

 

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