Lost (and found) in the 5th Dimension
Épisode 44
LA CHOSE DU MARAIS d’OKEFENOKEE
The Haunt of Fear (1950)
Quand on parle des créatures de EC Comics, on a tendance à penser vieux monstres, ou monstres classiques. Goules, fantômes, loups-garous, sorcières, vampires et autres créatures de train fantôme. Et pourtant la compagnie n’hésitait jamais à verser dans le moderne, sans doute influencée par les films de science-fiction populaires pleins d’extraterrestres étranges et de monstres géants. Et puis les mêmes responsables oeuvraient également sur Weird Fantasy et Weird Science qui donnaient eux aussi dans l’horreur, mais avec quelques boulons ou composants chimiques pour faire bonne mesure. Et c’est ainsi que, huit avant Le Blob, la Vieille Sorcière de The Haunt of Fear nous présentait déjà une masse gélatineuse carnivore et grandissante dans son tout premier numéro. Et c’est sous la houlette de Al Feldstein et Bill Gaines en personnes que la Chose voit le jour, dans l’histoire intitulée The Thing in the Swamp !
L’intrigue nous envoie dans le véritable refuge marécageux d’Okefenokee (1600 km² quand même) qui s’étend entre la Floride et la Georgie. C’est là que trois scientifiques se rendent afin de poursuivre leurs expériences interdites, loin de tous les regards. Leur but ? Créer une nouvelle forme de vie par leurs propres moyens ! C’est une substance protoplasmique qui devient le fruit de leurs recherches, les savants espérant la faire muter pour qu’elle puisse évoluer d’elle-même. Ne leur manque que l’élément déclencheur, qu’ils vont en vain tenter de développer pendant des mois. La matière fut ainsi exposée à tout un tas de facteurs dans l’espoir de provoquer une réaction, qui vont de l’électricité aux rayons X et UV en passant par l’uranium, sans succès.
Contre toute attente c’est dans l’environnement marécageux lui-même que le monstre va se développer, après avoir été jeté dans les eaux par l’un de ses créateurs désespéré de ces échecs répétitifs. Hors de contrôle, le protoplasme va doucement grossir et engloutir la faune locale, commençant par de petits insectes avant de s’attaquer aux poissons, aux oiseaux et mêmes aux alligators. Exactement comme le Blob, la masse gélatineuse absorbe et digère la matière organique par contact, secrétant des sucs digestives pour assimiler plus facilement ses proies. Pas de gore dans les illustrations cependant, la simple image de ces corps engloutis par une créature informe couplée à la narration suffisant à faire son effet.
Naturellement les savants fous finiront par en faire les frais, alors que l’un d’eux commence justement à remettre en question leur éthique déontologique. Alors qu’il décide de partir, il va être témoin de l’engloutissement du laboratoire – construit dans une petite hutte sur pilotis – par la Chose qui va aussitôt dévorer ses anciens collègues. Le dessin de cette main crispée émergeant de la gelatine fonctionne du tonnerre, et le texte en rajoute une couche en évoquant les hurlements hystériques des victimes qui finissent en gémissements étouffés. Et puisqu’il s’agit des EC Comics, la créature est ici triomphante, continuant tranquillement sa petite vie dans le marais pendant les 25 ans à venir ! Car l’intro et la conclusion de la BD montre un vieillard, en fait le chercheur survivant, raconter son histoire aux touristes de passage dans l’espoir de les mettre en garde.
Peine perdu, personne ne le croit jamais et nombreux sont ceux qui disparaissent dans la région, absorbés par le protoplasme dont la taille finale n’est pas dévoilée mais doit certainement être gigantesque. Du EC Comics pur jus qui fonctionne à merveille encore aujourd’hui, et on pourrait sans mal imaginer cette intrigue être reprise dans un numéro de Swamp Thing pour donner un nouvel adversaire à l’avatar de la Sève. Quant au monstre, il évite idéalement les comparaisons avec son petit frère Blob grâce à son environnement, désolé et isolé, ainsi que sa couleur, qui passe d’un liquide clair à une gélatine au ton orangé (hideusement changé en marron caca à la recolorisation des éditions modernes). Si jamais HBO décidait un jour de ressusciter la série Tales From the Crypt, elle pourrait totalement piocher dans cette histoire et n’aurait pas grand chose à moderniser pour se trouver un épisode…
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