Kid Safe: The Video
(1988)
On pourra se demander ce qui poussa Stuart Gordon, alors au sommet de son succès après avoir enchainé Re-Animator, From Beyond et Dolls, à tourner cette vidéo éducative pour le compte de la American Academy of Pediatrics. Un travail d’intérêt général peut-être, ce qui expliquerait pourquoi il s’est autant investi dans le projet en produisant, écrivant et réalisant ce shot-on-video ultra cheap dédié à des consignes de sécurité pour jeunes enfants. Créé en association avec l’organisme pédagogique National Kid Safe Project, ce moyen métrage d’une trentaine de minutes n’a donc a priori rien d’artistique et une grande partie du film montre simplement quelques adultes prodiguer des conseils sur divers sujets pour informer les gamins. Mais ce serait oublier la créativité et la… bizarrerie… du réalisateur, qui décide sans aucune raison de lier la chose au genre horrifique. Ou presque. Ainsi plutôt que d’entrer dans le vif du sujet, il introduit Kid Safe par le biais d’un horror host déguisé en vampire, en fait le comédien Joe Flaherty qui reprend là son personnage de Count Floyd, une parodie de Dracula qu’il jouait régulièrement dans l’émission canadienne SCTV (leur équivalent du Saturday Night Live).
Comme dans ses sketches il prétend animer une émission, le Monster Horror Chiller Theater, et présente le cas d’une petite fille livrée à elle-même car ses parents sont absent pour la nuit. L’idée est bien sûr de montrer les craintes et les bêtises que peut engenrer une telle situation, et d’expliquer comment éviter les problèmes en se montrant responsable. L’héroïne se retrouve ainsi effrayée par un orage et des jeux d’ombres, alerte le détecteur de fumée avec des toasts grillés et s’électrocute en mettant une fourchette dans le grille-pain. Débarque alors trois spécialistes en sécurité – un médecin, un policier et un pompier – qui vont lui éviter comment éviter les ennuis. En résulte un interlude musical, plutôt commun dans ce genre de production s’adressant à un jeune public, et des leçons sur les incendies, les premiers soins et les possibles intrus qui voudraient s’introduire au domicile en prétendant connaître les parents. En bref du contenu informatif qu’il n’y a pas lieu de critiquer. A part peut-être cette étrange décision de choisir une actrice adulte pour jouer la môme (Andrea Martin, une autre transfuge de SCTV qu’on a aussi pu voir dans Black Christmas et Cannibal Girls), ce qui donne la désagréable impression de voir une attardée mentale se donner en spectacle.
La comédienne n’est pas aidée par son costume caricatural avec couettes et appareil dentaire, et ses interminables monologues dans la première partie peuvent taper sur les nerfs. Stuart Gordon se rattrape avec une conclusion inattendue où la fillette refuse d’ouvrir la porte à un inconnu, et bien lui en prend car c’est Jason Voorhees qui l’attendait de l’autre côté, machette en main et accompagné d’un extraterrestre, d’un loup-garou, d’une momie et d’une sorcière ! Dépités, ceux-ci finissent par se retirer, espérant tenter leur chance avec le voisin… Le réalisateur se fait plaisir comme il peut et cela se ressent aussi sur le casting puisque l’on y retrouve Stephen Lee (le héros pétochard de Dolls) dans le rôle du policier. Citons aussi Meshach Taylor (le docteur coupé en deux dans La Malédiction 2) dans celui du pompier qui évoque un peu le tueur de Massacre à la Saint Valentin lorsqu’il débarque hache en main et respirateur sur le visage, et la jolie Shuko Akune dans celui du médecin. Sa filmographie n’a rien de remarquable mais elle retrouva Stuart Gordon des années plus tard pour Stuck et King of the Ants. Bizarrement le trio s’emballe dans un étrange concours de drague pour savoir qui ramènera la demoiselle chez elle après leur intervention, et les garçons semblent visiblement affamés, au point que les parents spectateurs auront sans doute du mal à expliquer à leurs bambins se dont il en retourne.
Quant aux monstres et maquillages ils sont signés Greg Cannom, une pointure des effets spéciaux qui oeuvrait dans la série B à l’époque (Freddy 3, Génération Perdue, Hurlements) avant de dériver dans les hautes sphères d’Hollywood via des trucs comme Titanic ou La Passion du Christ. Pas de doutes, Kid Safe: The Video est bien un film de Stuart Gordon malgré ses humbles intentions, et ce fut probablement un Saint Graal pour quelques fans d’alors puisque la VHS n’a pas été distribuée sur le marché: sponsorisée par le fabriquant des médicaments Triaminic, elle était uniquement disponible sur commande via coupon cadeau. Désormais la vidéo est trouvable en quelques clics sur Youtube.
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