John Carl Buechler (1952-2019)

 

Il y a peu de temps, je vous avais annoncé que John Carl Buechler était atteint d’un cancer, maladie qu’il avait préféré taire jusqu’à ce que les lourds traitements ne l’accable tant physiquement que moralement. Après une longue décision, John et sa femme Lynn avaient choisi de lancer une campagne de participation financière afin de préserver leur famille des nombreuses factures à payer et à venir, mais le message n’était pas vraiment porteur d’espoir, Lynn se contentant de dire qu’un miracle était toujours possible. Hélas ce foutu Crabe n’aura pas perdu de temps pour faire ses ravages et John est tragiquement décédé à l’âge de 66 ans, ce lundi 18 Mars. C’est le cœur lourd que la communauté fantastique, des fans aux collègues de ce vétéran de la série B, ont présentés leurs condoléances et hommages à travers de nombreux messages. Car cette disparition est un coup dur qui frappe aussi fort que le décès de quelques noms plus célèbre du milieu. John Buechler était un homme sans pareil: barbu, géant et toujours – toujours – souriant. Il émanait de lui une gentillesse et une passion véritable qui se ressentait dans le design de ses multiples créatures. Il suffit de jeter un œil à Torok de Troll, à l’ogre de Cellar Dweller ou au chat dodu de Ghoulies III pour voir qu’il mettait beaucoup de lui et de sa bonne humeur en eux. Comme lui, les monstres apparaissaient souvent grassouillet, souriant et finalement bien peu cruel ou effrayant.

 

 

Son style, unique et inimitable, évoquait le côté « train fantôme » fun et coloré qu’avaient souvent les films d’horreur au milieu des années 80. Une sorte de marque de fabrique qui non seulement le départageait de ses nombreux concurrents mais témoignait d’un état d’esprit tout particulier et désormais loin derrière nous. Et c’est ainsi que sa contribution à la saga Vendredi 13 apparait comme l’une des plus importantes qu’il soit, le maquilleur devenu réalisateur pour l’occasion offrant au personnage de Jason Voorhees à la fois son interprète fétiche (le cascadeur Kane Hodder dont la carrière va décoller grâce à cela) et ce qui reste à ce jour encore son meilleur look: une sorte de cadavre titanesque à moitié squelettique qui expose chacune de ses cicatrices comme un trophée de guerre, Buechler ayant revu tous les épisodes pour recenser la moindre blessure sur son design ! Regrettable du coup que ce Chapitre VII, qu’il voulait extrêmement sanglant et démonstratif, ait été mutilé par la censure qui a fait disparaitre pratiquement chaque morceau de bravoure ! Cela n’empêche pas le côté divertissant de ressortir dans la dernière partie, lorsqu’un sosie de Carrie utilise la télékinésie pour malmener comme jamais le zombie de Crystal Lake.

 

 

Il serait bon également de rappeler que notre homme est indirectement responsable de la grande saga Harry Potter, puisque son Troll (tragiquement déconsidéré par beaucoup en raison de l’existence de Troll 2, fausse suite italienne qui n’entretient aucun rapport avec l’original) fait parti des œuvres que J.K. Rowling aura pillée sans vergogne pour écrire son premier livre… Tout particulièrement en volant le nom du jeune héros ! Heureusement le film vaut bien plus que pour cette anecdote, racontant la fable assez délirante d’un Troll provenant d’une époque féérique qui a survécu en cachette dans les caves d’un immeuble de banlieue. Décidé à recréer la forêt magique de son temps, il utilise une bague magique pour recycler la force vitale de ses victimes, lesquelles se transforment en cocon qui éclosent en libérant une faune et une flore mystique toujours plus envahissante. Produit par ce radin de Charles Band à l’époque d’Empire, le résultat pèche par un manque évident de budget et le réalisateur aura plusieurs fois tenté de revisiter le concept, se retrouvant hélas stoppé à chaque occasion pour différentes raisons… dont l’intervention J.K. Rowling elle-même, peu encline à lui laisser le nom de “Harry Potter” maintenant qu’elle s’en est emparée.

 

 

Ce n’est pas de chance, mais voilà qui n’aura jamais freiné les ardeurs du bonhomme qui participa de nombreux autres projets. Il recycla l’une de ses marionnettes de Troll pour les besoins de The Dungeonmaster, une anthologie où le protagoniste explore différents mondes après avoir été aspiré dans un jeu vidéo de sa création, réalise le troisième opus de Ghoulies qu’il fusionne grossièrement à Revenge of the Nerds, le blindant de gags stupides (“Les Ghoulies n’a pas d’zizi !”) et y déshabillant légèrement la très jolie Eva LaRue. Le résultat est forcément génial. Il apporte sa contribution à la saga Watchers, où chaque suite est un remake simplifié de l’original, avec Watchers Reborn qui sort ce pauvre Mark Hammil des limbes pour l’occasion et humanise énormément son monstre. Deep Freeze, classique sous-Alien avec de gros insectes, est une série B très généreuse en gloumoutes gluants qui se montre parfaitement recommandable. Notons encore The Eden Formula, qui est basiquement Carnosaur 5, une adaptation de L’Étrange Cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde avec le toujours excellent Tony Todd et le slasher Curse of the Forty-Niner avec son mineur zombie satanique, chroniqué ici même. Il y en a honnêtement trop pour tous les citer, preuve d’une filmographie foisonnante.

 

 

Mais comment ignorer ce chien mutant plutonien dans TerrorVision ? Ces aliens végétaux dans Glutors, une version au rabais de Invasion of the Body Snatchers ? Ou ce loup-garou en métal aux allures de porc-épique géant dans MetalBeast ? Pêle-mêle, John Buechler aura travaillé avec quelques pointures comme Stuart Gordon, Adam Green, Fred Olen Ray, Jim Wynorski, Donald F. Glut et même un certain Steven Spielberg sur Indiana Jones et la Dernière Croisade où, étrangement, il n’est pas crédité au générique. Il maquilla les légendaires Paul Nashy et Klaus Kinski, et bossa aussi bien sur Re-Animator que Les Crados: Le Film. Non content d’avoir œuvré sur un Vendredi 13, on le retrouve également derrière les méfaits de Michael Myers (Halloween 4 et 6) et de Freddy Krueger (Le Cauchemar de Freddy). Il donne à un bonhomme de pain d’épice homicide la sale tronche de Gary Busey (Gingerdead Man), conçoit les adorables dinosaures de Carnosaur et fabrique quelques immondices lovecratiennes pour From Beyond. Enfin, il est aussi à l’origine des jouets de Demonic Toys, qui certes ne sont pas du niveau d’un Puppet Master mais comptent au moins ce mémorable vers-clown rieur aussi terrifiant que dégoûtant.

Bref, John Carl Buechler c’était la quantité, mais jamais au détriment de la qualité puisque ses créations étaient toujours soignées et convaincantes malgré les budgets dérisoires avec lesquels il devait travailler. Il n’a d’ailleurs jamais cherché à monter en grade contrairement à beaucoup de ses collègues, aimant visiblement beaucoup cet univers cheap et peu glorieux aux yeux du commun des mortels, mais toujours plein de créativité et d’amusement. Sa carrière et ses exploits mériteraient un bon bouquin. Il nous manquera.

 

Illustration par Travis Falligant (IBTrav Artworks)

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