Quelle triste surprise que d’apprendre la disparition de Joe Lara, ancien acteur de série B qui fit les beaux jours des vidéoclubs durant les années 90 et inoubliable interprète de Tarzan aux cheveux longs et au torse musclé. Né William Joseph Lara et ancien mannequin, il aura su faire carrière grâce à son physique parfait à une époque où Arnold Schwarzenegger et Fabio représentaient le pic de la condition masculine, et devint sans grands efforts une petite star du cinéma d’Action direct-to-video avant de prendre sa retraite en 2002 pour se consacrer à d’autres occupations. Il vient malheureusement de nous quitter suite à un accident d’avion, une tragédie dans laquelle auront également trouvé la mort son épouse, son beau-fils et trois autres personnes qui voyageaient avec eux.
C’est sa femme, Gwen Shamblin Lara, qui pilotait, et si d’ordinaire j’aurai fait l’impasse sur ce détail afin de simplement rendre hommage au bonhomme en évoquant sa filmographie, il convient d’évoquer le fait que celle-ci était pour ainsi dire le gourou d’une étrange secte mêlant christianisme et programme de régime minceur (!), la Remnant Fellowship Church. Si elle n’a fait aucun remous sur le plan légal, elle n’en demeurait pas moins un personnage controversé chez les évangélistes et autres croyants, et en l’épousant Joe Lara a évidemment rejoint son culte, même si l’on ignore a quel degré il était impliqué. L’avion dans lequel le couple a trouvé la mort appartenait à leur église et les autres victimes étaient des membres de leur communauté. Pour l’heure les causes du crash ne sont pas connues.
On se souviendra néanmoins de Joe Lara pour ses films très éloignés des bonnes valeurs chrétiennes et qui faisaient surtout parler les poings et la poudre. Après une courte apparition dans le Night Wars de David Prior, improbable hybride entre Les Griffes de la Nuit et la namsploitation, il se fit connaître avec Tarzan à Manhattan en incarnant le célèbre héros d’Edgar Rice Burroughs. L’ambiance pulp des récits originaux disparaît au profit d’une comédie parfois lourdingue à la Crocodile Dundee, mais le top model était parfait dans ce rôle de surhomme élevé dans la jungle, et trouva là l’occasion de côtoyer quelques has been sympathiques comme Tony Curtis et Jan-Michael Vincent. Dans Le Feu de Minuit il rejoint un casting de rêve où se réunissent Dennis Hopper, Michael Paré, Tony Todd, Julie Strain et même Little Richard.
S.O.S. Mutants, pilote d’une série télé abandonnée et recyclée en téléfilm, l’amène pour la première fois sur le territoire du gros B et de la science-fiction dont il deviendra un habitué durant toutes les 90s. Citons American Cyborg: Steel Warrior, un clone du Cyborg d’Albert Pyun possiblement meilleur que l’original, Steel Frontier, western post-apocalyptique qui l’oppose à Brion James, et Hologram Man, qui trouve le moyen de combiner Le Cobaye avec Darkman. Il y a aussi le très hong-kongais Human Timebomb où il affronte Bryan Genesse, et Final Equinox, avec David Warner, Martin Kove et un artefact extraterrestre. Évidemment qui dit “marché vidéo” dit Nu Image et on a pu le voir sur quelques actioners au rabais signés Danny Lerner comme Warhead, avec Frank Zagarino, et Operation Delta Force 1 et 4. Le premier le place aux côtés d’Ernie Hudson et Jeff Fahey, le second n’a personne d’intéressant au générique.
La deuxième moitié des années 90 se montra un poil moins productive pour lui malgré là encore quelques productions notables, avec surtout son retour dans le rôle de Tarzan dans le téléfilm Tarzan: The Epic Adventures, réalisé par nul autre que Brian Yuzna qui lui n’hésite absolument pas à plonger dans la fantasy mêlant monstres, sorciers et même extraterrestre via un crossover avec Carson Napier of Venus. Naturellement le concept n’était pas tant d’adapter fidèlement les livres de Burroughs que de surfer sur le succès des séries Hercules et Xena, souvent copiées à l’époque (Les Aventures de Sinbad, Les Nouvelles Aventures de Robin des Bois), et l’aventure se poursuivit donc sur le petit écran pour une unique saison. Dans le même registre, Joe Lara infiltra également le Conan de Ralph Moeller le temps d’un épisode.
Plus surprenant fut son court partenariat avec Menahem Golan, ancien mogul de la Cannon alors oublié de tous depuis sa séparation avec son partenaire de longue date, Yoram Globus. Il tourna trois films avec lui, tous insignifiants: Péril Atomique, qui le réunis avec Zagarino et l’affiche avec Charles Napier et Richard Lynch, Lima: Breaking the Silence, toujours avec Lynch et Napier mais aussi Billy Drago, et Death Game, de la hoodsploitation sur laquelle il n’y a pas grand chose à dire. Et cela résume bien la fin de parcours de l’acteur durant les années 2000. Les temps ont changés, l’industrie s’essouffle et l’ambiance n’est plus la même, la mode étant désormais aux téléfilms interchangeables pondus à la chaîne.
Strike Zone le colle avec Zagarino pour la quatrième fois mais n’a rien de spécial à proposer. L’Apocalypse lui permet de rencontrer Brigitte Nielsen et Udio Kier dans un pseudo James Bond sans-le-sou, et Dead Man’s Run, un thriller avec John Savage, est si discret que personne ne semble le connaitre. Enfin il y a Starfire Mutiny, pseudo Die Hard dans un vaisseau spatial qu’il est difficile de différencier d’un Dead Fire ou d’un Sleeping Dogs. Ce fut son dernier film, et l’acteur disparu ensuite sans même se faire remarquer. Il troqua le flingue pour la guitare, se lançant dans la country pour un premier album paru en 2009, The Cry of Freedom. Il en profita également pour continuer ses autres passion comme la boxe, l’équitation et la fauconnerie, et devint indétectable jusqu’à son comeback en 2018 pour le film d’auteur Summer of ’67.
Impossible de dire si c’était une occasion unique ou s’il planifiait de renouer avec le cinéma, car cette même année il épouse Gwen Shamblin et rejoint son cheptel. Qu’importe désormais. C’est au jeune âge de 58 ans qu’il s’éteint, tué sur le coup lors de l’accident. Porté disparu le jour même, ce samedi 29, l’annonce de sa mort a été rendue officielle hier par les autorités. Une enquête est actuellement ouverte pour définir les raisons de la défaillance de l’appareil…
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