Jack-O (1995)

ROAD TO HALLOWEEN IX

 

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Jack-O

(1995)

 

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Réalisé pour le marché vidéo et avec un budget dérisoire, Jack-O constitue en quelque sorte le dernier volet d’une trilogie produite par Fred Olen Ray et tournée par son compère Steve Latshaw. Après Dark Universe (1993) et Biohazard: The Alien Force (1994), le duo abandonne les extraterrestres au profit d’un monstre surnaturel qui se comporte cependant de la même manière, massacrant quiconque croise son chemin. A l’origine du projet: des stock shots des acteurs John Carradine et Cameron Mitchell, tous les deux décédés à l’époque, dont Fred Olen Ray aimerait bien faire quelque chose. Il convoque alors son vieux copain Brad Linaweaver (acteur et scénariste sur son tout premier film, The Brain Leeches) et développe avec lui une histoire improbable de sorcier et de démon avec pour objectif de caser quelques uns de ces extraits vidéos dans l’affaire. Ils ne rédigent même pas le scénario final, abandonnant la tâche à l’un de leurs amis qui obtint pour seule récompense d’endosser la défroque de l’homme-citrouille…

 

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Le résultat n’a de ce fait rien d’extraordinaire, et si ce n’était pour son manque flagrant de moyens qui ajoute une plus-value indéniable à l’ensemble, le film demeure un anecdotique petit slasher aux meurtres peu élaborés, aux effets spéciaux risibles et à l’acting hasardeux. N’aide pas non plus que le milieu des années 90 était une période assez difficile pour le genre, Jack-O ne pouvant ainsi compter sur un charme rétro ou sur une vague de renaissance créative, et le produit se retrouve dépourvu d’âme ou d’identité à l’image de son propre monstre, qui n’est que l’instrument de vengeance d’un vilain personnage déjà mort bien avant que les choses ne commencent. Ainsi au début du XXème siècle, un ensorceleur débarque dans une petite ville de campagne afin de commettre ses méfaits, provoquant la disparition de plusieurs personnes. Arrêté et condamné, il invoque alors une créature maléfique qui va continuer à tuer en son nom. Seul un brave fermier s’y opposera, pourfendant le monstre au prix de sa propre vie.

 

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Malheureusement ce héros n’a pas vraiment tué la bête et l’a simplement scellé grâce à une croix magique, l’enterrant vivant dans le cimetière local. Quelques quatre-vingts ans plus tard l’histoire est devenu une légende et Jack-O un personnage de comptine pour enfant, la population ne croyant aucunement à son sinistre passé. Mais une nuit d’Halloween quelques voyous alcoolisé vont partir à la recherche de la tombe et profaner la scepulture pour s’amuser, réveillant aussitôt l’homme-citrouille qui va se saisir de sa grande faux pour éliminer quiconque, mais surtout retrouver le descendant de son ennemi. Celui-ci n’étant qu’un petit garçon, il est évidemment très vulnérable aux assaults du monstre, mais il pourra compter sur deux choses: des visions d’avertissement, qui lui viennent possiblement de son aïeul depuis l’au-delà, et une adulte de passage, en fait la petite-fille du sorcier venu enquêter sur sa généalogie et qui désaprouve fortement les actions de son grand-père même si elle en gagne une protection contre la créature…

 

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En un déroulement typique de la petite série B sans le sou, Jack-O accuse d’un rythme mou où il faut attendre une quarantaine de minutes pour que le monstre soit enfin exhumé, les protagonistes et les flashbacks nous répétant les mêmes détails narratifs en boucle entre-temps, avec les habituelles séquences mondaines où chacun vaque à ses occupations. Un problème habituel et même inhérent au slasher que l’on pardonnerait sans problème si l’homme-citrouille se mettait aussitôt au boulot une fois ramené à la vie, mais celui-ci erre dans les rues tel Michael Myers pendant des plombes, n’agissant qu’une fois de temps en temps pour garder le spectateur éveillé. Et si le bodycount final s’élève quand même à une bonne huitaine de morts, certaines sont tellement similaires que l’impression est moindre. Il faut dire que le réalisateur n’a pas le temps ou l’argent pour taper dans le gore, le suspense ou l’inventif, et la majorité des séquences meurtrières se retrouvent torchées de la façon la plus flemmarde possible avec hors-champ et maquillages limités.

 

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Quelques visages sont griffés, quelques gorges tranchées, et en règle générale la grande faux empale ou éventre sans jamais montrer de tripes ou ressortir de l’autre côté. Seuls trois moments sortent un peu du lot: une décapitation complète où la tête d’un macho roule jusqu’entre les jambes de sa copine asisse un peu plus loin, une électrocution accidentelle où une idiote s’empare d’un couteau pour se défendre mais glisse et fini la lame dans un toaster defectueux, se transformant en un squelette carbonisé avec cheveux ébouriffés, et la mort d’un des personnages principaux, empalé avec force, soulevé dans les airs puis projeté d’un mouvement de lame, devenant un hilarant mannequin en mousse pour l’occasion. C’est toujours mieux que rien et à cela s’ajoute le thème d’Halloween qui permet à Jack-O de se promener librement en ville sans provoquer d’émeutes, et même de tuer en toute impunité puisque certains pensent qu’il s’agit d’une mise en scène. Et puis son look lui-même force la sympathie tant il ressemble à une décoration vivante.

 

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Le démon ressemble à un épouvantail avec une grosse citrouille en plastique en guise de tête et son design évoque ouvertement la série Chair de Poule (l’épisode Attack of the Jack-O’-Lanterns en particulier). R.L. Stine s’en inspira peut-être puisque son bouquin sorti justement l’année suivante ! Muet et pataud, il fini par attendrir et on en viendrait même à l’aider à enterrer un gamin vivant lorsqu’on le voit utiliser sa petite faux peu effective à la place d’une pelle. Tel Freddy Krueger et Pumpkinhead il est également le héros d’une petite comptine qui rime à peine. Et c’est finalement bien sous le prisme du nanar qu’il faut regarder le film pour lui trouver son intérêt, le bas budget et les mauvaises décisions des responsables venant amuser. Comme ce petit garçon qui est bien mignon mais joue comme une patate (“No…” soupire t-il quand Jack-O tente de l’inhumer), la première apparition de Linnea Quigley qui débarque toute nue, sans prévenir, pour prendre une douche, ou les images très Ed Wood dans l’âme de John Carradine.

 

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Celui-ci se tient immobile, emmitouflé dans un capuchon noir en regardant autour de lui sans rien faire, tandis qu’une voix off est utilisé pour ses dialogues. A sa décharge l’acteur devait être aux portes de la mort et terriblement douloureux en raison de sa maladie, mais impossible de ne pas penser aux derniers moments de Bela Lugosi, qui tourna quelques scenettes sans contexte pour faciliter leurs insertions dans diverses productions après son décès. Cameron Mitchell ne s’en sort guère mieux, jouant ici l’hôte d’une émission télé qui présente quelques films pour un marathon d’Halloween (Dr. Cadaver’s Monster Movie Madness) et apparaissant le cul visé sur sa chaise à lire ses lignes depuis une feuille de papier qu’il tient dans les mains. Cinq ans plus tôt ces mêmes images apparaissaient dans le navrant Demon Cop et Fred Olen Ray n’en retient que quelques secondes, préférant injecter de faux extraits de films d’horreur à la place: dans l’un Brinke Stevens se balade dans un cimetière, dans l’autre un zombie se prend une baffe par une Dawn Wildsmith déguisée en vampiresse sexy.

 

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Du reste il y a quelques CGI primitif durant la destruction du monstre, le générique d’intro se plante et annonce un tout autre titre (Jacko Lantern), un comédien se grime en une version grassouillette du Fantôme de l’Opéra, la mignonne Rachel Carter (Night Orchid, et euh…) montre ses seins pour notre plus grand plaisir et un fakeout bien maitrisé nous laisse croire à la mort du petit héros lorsque sa main apparaît à une fenêtre accompagné d’un gros jet de sang, qui se révèlera être une simple briquette de jus écrasée durant son kidnapping. Marrant aussi à quel point le titre de Jack-O semble avoir été choisi au dernier moment puisque le monstre est surnommé Pumpkin Man par les personnages, tandis que le générique de fin utilise le nom de Jack-O-Lantern. Encore une fois c’est mieux que rien, mais honnêtement le film n’est pas vraiment bon. En revanche Jack-O s’illumine complètement si on le regarde… avec son commentaire audio ! Enregistré en 2005 pour le 10th Anniversary Edition DVD, et également présent sur le récent Blu-ray, celui oppose (c’est le mot) Fred Olen Ray et Steve Latshaw puisque ce dernier fini par s’agacer des moqueries constantes de son partenaire.

 

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Car Latshaw s’insurge de la nudité gratuite qu’offre la scène de douche de Linnea Quigley, se lamente constamment du manque de temps et d’argent dont il a souffert durant le tournage et critique l’attitude de son producteur qui ne semble jamais rien prendre au sérieux. Surpris mais amusé par ce comportement de prima donna, son compagnon le vanne tout au long du visionnage au point que de le rendre parfois furieux. “You specifically stated you would not make any reference to the Shit Pickle comment” s’écrit le metteur en scène lorsque Ray évoque une critique négative du film faisant référence à un certain personnage de James “AVGN” Rolfe. Latshaw fini par quitter la pièce en claquant la porte avant de revenir quelques instants plus tard parce qu’il a oublié ses clés, provoquant l’hilarité de son ami. Et lorsque celui-ci critique la croix en caoutchouc utilisée pour tuer le monstre dans le final, le réalisateur retorque encore une fois avoir fait en fonction des conditions. « Un vrai bout de bois n’aurait pas été moins cher ?” demande Ray, tandis qu’un petit silence s’installe. “Je… n’avais pas pensé à ça” avoue honteusement Latshaw.

 

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Bref, cette conversation permet de profiter des rares bons moments du film tout en zappant les baisses de rythmes et autres scènes fastidieuses. D’ordinaire loin de moi est l’idée de regarder un film dans une version trafiquée, comme ces insupportables RiffTrax influencées par Mystery Science Theater 3000 où une bande de comédiens tentent d’épater la galerie en se moquant ouvertement de l’oeuvre (à ce point là autant voir la chose avec ses potes, non ?), mais dans le cas présent je ferais une exception, d’autant que cela met en lumière la sympathique personnalité de Fred Olen Ray. Un mec bien qui a grandit dans le monde du catch et des forains, et qui n’a aucune prétention quant aux types de films qu’il produit. Et ça, ça vaut bien tous les hommes-citrouilles du monde.

 

Fred Olen Ray: “Oh, fuck you…
Steve Latshaw: “Fuck you too !
– Derniers mots du commentaire audio

 

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GALERIE

 

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