Les lois liées aux droits d’auteur et à la propriété intellectuelle ne sont pas les mêmes pour tout le monde, et elles peuvent devenir très floues d’un pays à l’autre. Ce qui est interdit quelque part peut être autorisé ailleurs via de quelconques failles de documents, et ainsi il est possible de copier ouvertement sans voisin sans s’exposer à trop de risques si ce n’est une interdiction d’exploitation sur certains territoires. C’est entre autre ce qui a permis aux Italiens de pondre des Terminator 2 et des Jaws 5 sans aucun rapports avec leur modèles et surtout sans l’intervention des studios détenteurs de ces franchises. Même chose avec la Turquie, tellement isolée qu’elle a pu créer des films patchwork en combinant des images déjà tournées par Hollywood et celles de leurs cinéastes, donnant lieux à d’improbables OVNI filmique comme Turkish Star Wars. Cette situation se retrouve également dans le milieu du jouet et de la musique, avec parfois l’appellation bootleg pour parler de contrefaçon, ou la plus polie “non officielle” afin de prévenir de l’absence d’autorisation de la part des ayants-droits.
Longtemps invisibles si fabriquées dans un pays étranger, ces œuvres non licenciées sont désormais exhumées grâce à Internet et à la passion de nombreux fans en quête de perles pour leurs collections. Car quoi d’autre de plus intéressant qu’un produit dérivé rare et inconnu ? Un produit dérivé rare et inconnu conçu dans un autre pays, forcément plus exotique ! Le problème est alors la barrière du langage. Car bien souvent ces trouvailles se font dans des pays non-anglophone, telle la Russie ou la Chine, et qu’il n’existe aucune traduction officielle. Même dans un cadre amateur, peu sont ceux qui sont prêt à dépenser le temps ou l’argent nécessaire à ce travail, et donc ces objets de curiosités ne dépassent jamais complètement les frontières. Voir par exemple ces adaptations des Dents de la Mer au Japon, ces Tortues Ninjas soviétiques et nombre de fumetti ou d’historietas volant des personnages connus le temps d’un détournement souvent sanglant et / ou pornographique…
De cette manière les sagas Aliens et Predator, déjà bien enrichie par un nombre incroyable de comics chez Dark Horse, possèdent une quantité non négligeable de romans exclusifs en Hongrie ! La plupart ont vu le jour durant les années 90, justement à la même période où les bandes-dessinées américaines se sont faite remarquée grâce à l’invention du crossover Aliens vs. Predator, tout en coïncidant avec la sortie en grandes pompes de Alien 3. On trouve alors, et chez un certains nombres d’éditeurs différents, plusieurs bouquins qui n’hésitent pas à repiquer non seulement les créatures, mais aussi les héros qui les combattent, créant tout un tas de séquelles qui tiennent finalement beaucoup de la fanfiction. Après tout n’importe qui peut ainsi développer une nouvelle intrigue mettant en scène Ripley ou un nouvel hybride Xénomorphe.
La saga Aliens (en Hongrois Halál, qui signifie La Mort) est sans doute la moins intéressante en terme de contenu what the fuck puisque l’on retrouve deux romans sur trois racontant une histoire totalement originale et presque indépendante des films, à la manière de nombreux ouvrages officiels (Aliens: La Ruche Terrestre, Aliens: Hors des Ombres, etc). Dans Aliens: Death Lives in You (Benned él a Halál, 1998), d’un Stuart Herrington qui est très certainement un pseudonyme, on ne retrouve que la planète Acheron. Y atterrit le York, un vaisseau scientifique dont l’équipage y est évidemment attaquée par un Alien qui ne laissera qu’un seul survivant, Gebra. Celui-ci rejoint l’astéroïde Nostradamus sans réaliser qu’il est habité par le monstre tant mentalement (son traumatisme) que physiquement (un embryon)… Notez que j’ai établi ce résumé à partir de textes générés par Google Traduction et qu’il n’est pas viable à 100%. Notamment en ce qui concerne Nostradamus et Acheron, qui sont peut-être le même planétoïde avec une erreur de nomination, allez savoir !
Aliens: Alliance with Death (Szövetségben a Halállal, 1999) de Thobias T. Seabay en est la suite directe. Elle met en scène une puissance politique baptisée la United Joint Conference of Government, qui s’occupe de couvrir les attaques Xénomorphes à travers la galaxie. En réalité, ils s’emparent de plusieurs Reines qu’ils utilisent pour infester des planètes. Bien sûr, les monstres finissent par s’échapper et menacent alors la Terre. De manière amusante, le résumé officiel raconte cela comme si les Xénomorphes choisissaient consciemment de s’attaquer à notre planète, comme dans Critters ! Aussi, sont évoqués 2-3 Reines et 5-600 guerriers, et apparemment les traits d’union ne servent pas d’approximation. Ma numérologie hongroise laisse vraiment à désirer.
Enfin, et plus amusant, vient Alien: The Ultimate Loss (Idegen: A Végső Vesztes, 2002) de Torkos Attila, qui opère comme une alternative à Alien 3 où Hicks et Newt n’auraient pas été tué. Ici Bishop, Ripley et le Space Marine retournent sur Acheron (nommé LV-426, parce que l’auteur semble avoir oublié le baptême de la planète dans Aliens) pour empêcher la Weyland-Yutani d’y récupérer les Xénomorphes survivants. Si nos héros sont déterminés à exterminer une bonne fois pour toutes les parasites extraterrestres, leurs plans vont être mis à mal par une entité cosmique non identifié, un être mystérieux qui serait à l’origine de la création des Aliens… Où comment combiner Prometheus et le projet abandonné d’Alien 5 par Neill Blomkamp ! Notez au passage que la couverture est une illustration de Den Beauvais, à l’origine produite pour le quatrième numéro de Aliens: Nightmare Asylum chez Dark Horse ! On leur pardonnera cette fois, puisqu’elle futde toute façon déjà recyclée dans Aliens Magazine #2 et Aliens: Countdown…
C’est tout pour les cafards de l’espace, mais il faut quand même mentionner deux autres ouvrages totalement improbables mais malgré tout liés à la saga. Le premier est le roman Voyage to the City of the Dead, de Alan Dean Foster, publié là-bas sous le titre de… Alien: Voyage to the Planet of Death ! Un retitrage jouant simplement sur le fait que l’écrivain à pondu les (très bonnes) novélisations des deux premiers films à l’époque. Son livre n’a pas été modifié pour l’occasion et seule la couverture vient tromper son monde en affichant un Alien en grosses lettres, suivit de Utazás a Halál Bolygójára dans une plus petite police de caractères… L’autre, c’est un mystérieux Hová Lett a Nyolcadik Utas ? (que l’on pourrait traduire par D’où Vient le 8ème Passager ?) d’un certain Stanley Steel. Un nom de porn star. Écrit en 1998, il s’agirait d’une parodie du premier Alien, bien que les extraits lisibles sur Internet soient peu compréhensible sous la traduction artificielle de Google, et donc pas vraiment marrant… La couverture, elle, est plutôt délirante et limite absurde, avec une illustration qui semble plutôt vieille pour l’époque.
Moins célébré que son frère ennemi, le Predator n’en demeure pas moins intéressant et prometteur pour ce qui est des livres pirates le mettant en scène. Comme son pendant cinéma, il ne possède ici que deux opus, mais ceux-ci forment globalement les Predator 3 et Predator 4 que nous avons toujours voulu ! Même Dark Horse n’osa pas aller aussi loin, se contentant de créer un frère au Dutch du premier film plutôt que de le reprendre comme protagoniste ! Mais c’est surtout aux fans de Predator 2 que ces aventures hongroises vont plaire, puisqu’elles ramènent Mike Harrigan sur le devant. Predator: 2017 – Heatwave in New York (2017 – Hőhullám New Yorkban, 1993) de Kyle Sternhagen est globalement un remake du film de Stephen Hopkins. On y retrouve, vingt ans plus tard, le policier dans une autre jungle de béton: celle de New York, totalement rongée par le crime. Cette fois c’est tout un groupe de Predators qui va passer à l’attaque, profitant de la vague de chaleur qui s’abat sur la ville… Le synopsis est quasi inexistant, mais totalement suffisant en même temps, et les critiques des lecteurs sont elles carrément élogieuses !
Plus dingue, vient Predator 3: New Hunters (Ragadozó 3: Új Vadászok, 1995), en fait une préquelle à 2017 réalisée un peu plus tard par Rick Fraser. L’intrigue se déroule trois ans après Predator 2 (donc techniquement en 2000, mais le bouquin est un peu confus et pense que le film se déroulait en 1995 au lieu de 1997) et Harrigan, est désormais à la retraite. De nouveaux Yautjas sont à sa recherche, désireux de découvrir celui qui a pu les battre et de tester leurs talents contre lui. Mais l’ancien flic s’est préparé, ayant toujours su qu’ils reviendraient un jour. Avec son ancienne partenaire Leona (la flic enceinte de Predator 2), il va faire équipe avec un agent du FBI nommé… Dutch Schaefer ! Et oui, il revient également, lui aussi prêt à en découdre ! La petite équipe s’érige alors en chasseurs, décidant de contre-attaquer une bonne fois pour toute !
Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois que l’on retrouve Arnold Schwarzenegger dans ces déclinaisons étrangères, et il faut maintenant mentionner le crossover Aliens vs. Predator, à l’époque une invention de Dark Horse pour ces bandes-dessinées. En effet, la compagnie possédant les droits d’exploitation pour les deux licences, rien ne l’empêchait légalement d’unifier les deux univers. Pour le cinéma, il fallu naturellement attendre longtemps et pour un résultat très décevant, mais les comics, eux, devinrent populaire extrêmement vite, générant ses propres produits dérivés comme une ligne de jouets chez Kenner, un jeu vidéo ultra fun par Capcom, et même des novélisations qui furent d’ailleurs publiées en Hongrie de façon réglementaire.
Il était évident que quelques avatars moins officiels voient le jour, et dans le genre bootleg, ceux-ci sont plutôt gratiné ! En effet, plutôt que de simplement confronter les deux monstres dans une époque donnée (le futur, comme dans les BD, ou le présent, comme dans les films) et de partir sur une intrigue totalement indépendante par rapport aux films, ce Aliens vs. Predator choisi de tout lier et de tout emmêler en dépit du bon sens, cherchant désespérément à relier les différents films entre eux et les associer à sa « nouvelle » intrigue. Une intrigue en fait totalement reprise aux premiers comics américains, ceux racontant l’histoire de Machiko Noguchi, l’humaine qui devient un membre des Yautjas après avoir prouvée sa valeur au combat contre les Xénomorphes ! Elle est ici remplacée par une certaine Carrie Wong et son histoire est à peine transformée, mais les différences sont de tailles…
Si l’intrigue demeure la même (une colonie humaine est envahie d’Aliens tandis que des Predators se rendent sur place, les survivants se retrouvant coincé entre les deux, puis l’héroïne fait alliance avec l’unique Yautja restant qui lui offrira la marque de son clan en signe de respect), et si certaines modifications sont totalement anecdotiques (les noms des planètes, des vaisseaux et des personnages diffèrent), des rajouts incroyables viennent se greffer au récit: on y retrouve un androïde Bishop, qui comme dans Aliens se montre plus humain que ceux qui l’on conçu, la Weyland-Yutani est impliquée dans l’affaire, remplaçant la Chigusa Corporation des BD, et surtout nous découvrons pourquoi la Compagnie tient à ce point à étudier les Xénomorphes: son dirigeant y voit l’arme parfaite pour lutter contre les Predators, à qui il voue une haine féroce.
Et l’idée totalement délirante de ce crossover, c’est que cet homme n’est autre que Dutch Schaeffer, qui a je ne sais comment survécu au fil des siècles ! Devenu à moitié fou, il a semble t-il transformé son corps en échangeant tous ses organes avec des implants cybernétiques… exactement comme un Terminator ! Il n’est d’ailleurs pas le seul à revenir, et son équipe pourtant décimée dans Predator intervient également: Billy, Blain, Dillon, Hawkins, Mac et Poncho… Ceux-ci servent parfois de narrateurs dans certains chapitres, et ont ainsi une incidence sur les évènements. Laquelle ? Je n’en sais foutrement rien ! Honnêtement tout cela parait trop délirant, trop insensé pour fonctionner, même avec une éventuelle excuse type “répliques androïdes” ou clonage. Mais au moins cela permet une couverture hilarante où apparait un Arnie vieillissant en power armor, prenant la pose façon T-800 devant quelques Xénomorphes égarés. “I’m old, not obsolete.”
Si tout cela vous semble confus, je vous épargne ma tentative de recherche pour connaitre l’ordre et la date des deux volumes. Les informations diffèrent selon les sites et puisque je ne possède pas les romans, je ne peux faire la vérification moi-même. A vrai dire même l’identité des auteurs n’est pas claire: si le nom de Damien Forrestal apparait à chaque fois, il s’agit en fait d’un pseudonyme collectif employé par l’éditeur, et que l’on retrouve entre autre sur des livres adaptés des jeux Doom. Les auteurs seraient ici Árpád János Galántai pour le premier livre, Aliens vs. Predator: The Survivors (A Túlélők) et Tamás Szemerey pour le second, Aliens vs. Predator: The Trap (A Kelepce). Manque de bol, une recherche m’indique aussi un dénommé András Gáspár comme auteur potentiel des deux volumes.
Et c’est encore pire pour les dates de parution et les titres des œuvres: si les noms en hongrois sont correct et que la versions anglaise est une traduction littérale que j’ai effectué avec un dictionnaire, certains sites évoquent d’autres titres anglais pour chacun, totalement différent. Il n’y a pourtant ni traduction officielle, ni inscription nulle part sur les couvertures. D’où sortent-ils alors ? Aucune idée, mais voyez plutôt:
Aliens: Benned él a Halál | Aliens: Death Lives in You | Aliens: In the Poignancy of Death |
Aliens: Szövetségben a Halállal | Aliens: Alliance with Death | Aliens: The Federation of Death |
Idegen: A Végső Vesztes | Alien: The Ultimate Loss | Alien: Destiny |
Predator: 2017 – Hőhullám New Yorkban | Predator: 2017 – Heatwave in New York | Predator: 2017 – Dead Heat in New York |
Ragadozó 3: Új Vadászok | Predator 3: New Hunters | — |
Aliens vs. Predator: A Túlélő | Aliens vs. Predator: The Survivors | Aliens vs. Predator: The Surviving Game |
Aliens vs. Predator: A Kelepce | Aliens vs. Predator: The Trap | Aliens vs Predator: The Hydra Factor |
Aliens vs. Predator: A Túlélő serait ainsi daté de 1993, mais aussi de 1991 sous le titre de Surviving Games, et A Kelepce serait de 1994, ou de 1992 en tant que The Hydra Factor…
Avec tout ça, je n’ai même plus la force de parler de l’ultime roman AvP, car tout à fait ordinaire et ne méritant finalement pas vraiment l’attention. Il s’agit du très récent Alien vs. Predator: Forced Chase (Idegen vs. Ragadozó:Kényszerhajsza) qui date de 2012, par Ren Wargner. Celui-ci est tout simplement l’adaptation, sans doute assez libre, du jeu vidéo PC Aliens vs. Predator 2 sorti en 2001, par Monolith Productions. Je serais bien en peine de vous dire si l’expansion pack Primal Hunt a été intégré au récit ou non !
Voilà donc pour tour d’horizon, somme toute plutôt exhaustif, des différents livres Aliens et / ou Predator officieux et hongrois. Des bouquins forcément trop fous pour être validé par la 20th Century Fox et les autres boites qui ont leurs mots à dire concernant le précieux merchandising des deux franchises, mais qui demeurent très attirant justement pour cette raison. Car après tout, quand les derniers films en date sont les horribles Alien: Convenant et The Predator, qui traitent leur sujet comme de la merde et n’hésitent pas à offrir des séquences totalement absurdes (une scène de douche façon Vendredi 13 dans un vaisseau spatial, un Predator géant qui fout en l’air toute notion de camouflage, un androïde psychopathe qui joue de la flûtine avec son double et un gamin autiste qui pirate une technologie alien hyper avancée), finalement, où est la différence ?
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