The Beach Ball Alien (Dark Star, 1974)

Lost (and found) in the 5th Dimension

Épisode 15

 

THE BEACH BALL ALIEN

Dark Star (1974)

 

 

Il n’en a pas l’air avec sa tronche de ballon de plage (non réellement, c’est un ballon de plage – à peine maquillé), mais ce petit monstre est basiquement l’ancêtre du célèbre Xénomorphe de Ridley Scott. Alors attention, il n’est pas tellement brouillon de la créature elle-même, telle qu’elle fut désignée par H.R. Giger, mais plutôt un prototype de Alien – le film, le concept de l’extraterrestre ramené à bord d’un vaisseau spatial et qui cause bien des problèmes. Tout le monde connait la petite histoire: Dark Star fut le film d’étudiants de John Carpenter et Dan O’Bannon, et lorsque le duo se sépara pour divergences artistiques et poursuite de carrière, le second en recycla une petite partie pour la développer plus conséquemment et en faire un long-métrage à part. Et s’il y a quelque chose d’amusant dans le fait qu’il y ait une connexion véritable en ce film sans budget et l’une des plus célèbres franchises d’Hollywood, il est encore plus drôle de trouver un lien entre ce morceau de plastique gonflé à la pompe à vélo et le fantastique dragon de l’espace que nous connaissons tous. Ses origines n’ont évidemment pas d’importances (tout comme dans le premier Alien), mais quelques dialogues révèlent la raison de sa présence sur le vaisseau spatial des protagonistes.

 

 

L’intrigue retrace l’odyssée du Dark Star, une navette spécialement construite pour l’exploration des recoins sombres de la galaxie. La mission de l’équipage est de voyager de secteurs en secteurs à la recherche de zones habitables pour de futur colonies, avec pour ordre de détruire toutes planètes “instables” pouvant causer des risques. Leur objectif secondaire est de s’intéresser à celles susceptibles d’abriter d’autres formes de vie, et ainsi, dans la région spatiale des Nuages de Magellan, le Commandant Powell détecta un astre correspondant à cette directive. Leur découverte fut un être étrange ayant la forme d’un cucurbitacée doté d’une paire de pattes griffues et palmées, et que l’équipage décrit comme une sorte de “légume pourri qui pète”. Une déception, et la chose aurait été laissée sur place si ce n’était pour l’insistance du Sergent Pinback de la ramener à bord. L’explorateur insista en effet pour l’adopter car la trouvant mignonne, et jugeant que le vaisseau avait besoin d’une mascotte ! Et l’alien d’être enfermé dans une petite pièce de stockage pendant ce qui semble être plusieurs années. Car lorsque le film commence, le Dark Star est en mission depuis vingt ans déjà, et Powell a trouvé accidentellement la mort depuis au moins une dizaine d’années.

 

 

Le but du film est justement de montrer l’instabilité de l’équipage, leur manque de confiance et leur perte de repères. A force de dérive et d’isolement, de missions répétitives et d’une communication de moins en moins fréquente avec la Terre, les membres sombrent dans une forme de léthargie et de dépression qui confine à la folie. Doolitle s’accroche au boulot de destruction mais ignore le reste de ses obligations, Talby reste à la vigie et passe son temps à contempler les étoiles tout en se coupant du monde, et Boiler s’amuse à tirer au fusil thermique sur des portes blindées sans se soucier des règles de sécurité. Quant à Pinback, en fait un imposteur qui s’est retrouvé là par un coup du sort, il agace tout le monde, dénigre ses compagnons et se sent méprisé par ceux-ci en retour. Et bien sûr il a perdu toute affection pour son petit compagnon extraterrestre, le voyant désormais comme une corvée dont il se passerait bien… Tout le segment “Alien” de Dark Star se concentre donc sur la dernière interaction entre le Sergent et son monstre, les deux se disputant suite à un problème de nourriture. La navette est à court du type de ration dont l’animal raffole et celui-ci se rebelle alors, quittant sa cellule et s’attaquant à son gardien.

 

 

Ce qui s’ensuit est pratiquement le brouillon de la scène où Brett (Harry Dean Stanton) traque le chat dans la salle des machines du Nostromo avant de tomber sur le Xénomorphe. Mais si ce n’était pour la musique de John Carpenter, comme toujours prenante et jouant ici sur la tension, ce qui apparait ici est plus proche du splastick que de l’Horreur pur. En fait on pense moins à Alien qu’à Evil Dead 2, lorsque Bruce Campbell part à la recherche de sa main coupée et s’en prend plein la tronche ! Pinback est un idiot fini et sa poursuite de l’extraterrestre à des allures de cartoon façon Looney Tunes ou Tex Avery: quand l’humain prend un balai pour repousser son adversaire, celui-ci lui arrache des mains pour lui taper sur la tête avec. L’un utilise une planche pour franchir une cage d’ascenseur vide, l’autre la retire pour le piéger et l’obliger à passer par une corniche minuscule. Lorsque le personnage manque de tomber et se raccroche au dernier moment, le monstre le chatouille pour lui faire lâcher prise. Au final, l’astronaute tuera la bête à l’aide d’un fusil anesthésiant, la fléchette trouant la cible qui se dégonfle comme un ballon de baudruche en voltigeant dans tous les sens !

 

 

Nous sommes donc très loin de Alien, quand bien même tous les ingrédient son là: les coursives du vaisseaux recèlent de coins sombres, la créature vindicative se cache partout et se trouve capable de grimper sur les parois verticales, Pinback se défend avec les moyens du bord tandis que le Dark Star se prend des dégâts dans la lutte. Et l’air de rien, il y a même une volonté de rendre la créature “organique” malgré son apparence très limitée. On peut ainsi la voir respirer, le ballon oscillant de bas en haut constamment mais se figeant aussitôt que quelque chose retient son attention. Il tapote ses griffes contre le sol lorsqu’il réfléchit et émet des bruits constants, qui ressemblent à la fois à ceux du Cousin Machin de La Famille Addams et à des sifflements de jeux vidéos d’époque. A vrai dire la créature est même “jouée” par Nick Castle (Michael Myers dans Halloween !), lequel a certainement dû animer les pattes et jeter la balle à la tronche de Dan O’Bannon… Enfin l’aspect “ballon” du design, hautement ridicule, est pleinement reconnu par le film qui va jusqu’à expliquer que la bête était remplie de gaz, d’où son allure improbable.

 

 

Notons également une envie de développer son comportement à travers quelques réactions: la raison de la rébellion de l’alien est plutôt drôle si l’on regarde bien ce que Pinback lui donne à manger: un petit légume tout rond qui lui ressemble ! La créature s’immobilise immédiatement et son refus de manger est compréhensible. Il y a également cette petite souris en caoutchouc qui lui sert habituellement de jouet, et qu’elle finira par gober faute de mieux. Peu d’infos côté behind-the-scenes en revanche, si ce n’est qu’un bref plan révèle que la balle utilisée était blanche à l’origine, la peinture s’étant écaillée. Les conditions de tournages étaient si limitées que Carpenter et O’Bannon n’avaient même pas de storyboards pour les séquences avec l’alien. Le duo savait pertinemment que leur monstre était limite inacceptable, et George Lucas lui-même, qui passait visiblement par là, s’est permis de les critiquer ! Le gros binoclard, la tête pas encore totalement dans les étoiles, aurait déclaré que l’extraterrestre était bien trop cheap et aurait dû être représenté différemment.

 

 

Et s’il est vrai que celui-ci parait risible face aux créatures que l’on trouvera dans le Star Wars original (et dont la moitié ont depuis été remplacées par des trucs immondes au CGI, via les éditions spéciales), c’est quand même oublier que Dark Star n’est pas le type de film qui aurait bénéficié d’un “beau” monstre. Car voilà un petit projet d’étudiant essentiellement humoristique, dont les délires sont bien souvent proches de ceux d’un Terry Gilliam. Le ballon de plage y est totalement à sa place, et la bagarre entre Pinback et son animal aurait été totalement hors propos si la bête avaient été plus réaliste ou agressive. Quoiqu’il en soit, O’Bannon s’est bien rattrapé par la suite et son concept a donné naissance à l’un des plus mémorables représentants d’outre-espace. Le légume extraterrestre, lui, ne se limite pas juste à son rôle de prototype et on peut même lui trouver sa propre histoire avec un avant et un après Dark Star. En quelque sorte. Ainsi, des années plus tôt, la série Le Prisonnier (1967) avait déjà fait la même chose avec Rover, une entité d’origine inconnue représentée par une grosse boule blanche qui s’attaquait à ceux voulant fuir le Village. De nos jours, un fan s’est amusé à recréer la chose pour la version PC de Fallout: New Vegas. Un mod téléchargeable qui le rajoute comme ennemi pour le joueur. La créature y est reproduite avec un soucis du détail plutôt impressionnant et se trouve même dotée d’un environnement unique: des toilettes appartenant au Dark Star, qui se sont présumablement écrasées sur la planète et où l’on peut notamment retrouver la combinaison du Sergent Pinback !

 

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