ROAD TO HALLOWEEN X
Friday the 13th
(1980)
“You see, Jason was my son. And today is his birthday.”
Que reste-t-il à dire sur Vendredi 13 de nos jours ? Probablement plus grand chose tant le film a été analysé, critiqué et décrypté sous tous les angles. Livres et documentaires expliquent tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet, et il doit il y avoir des centaines d’interviews où les acteurs, maquilleurs et producteurs reviennent en détails sur le tournage. Les avis demeurent toujours aussi tranché cependant, entre ceux qui reconnaissent son importance dans la naissance du slasher, ceux qui s’amuse de sa ringardise évidente et ceux qui déteste son amateurisme et sa simplicité extrême. Et il faut bien dire que tout le monde a raison. Qu’on le veuille ou non, Friday the 13th reste une petite bande d’exploitation très limitée par son budget et l’absence d’ambitions de ses créateurs, qui avouèrent avoir juste voulu surfer sur le succès de Halloween pour empêcher quelques dollars. Mais la chose cimenta définitivement la formule, lui donnant ses lettres de “noblesses” en prenant pourtant à contrepied le style de John Carpenter.
L’histoire, tout le monde la connait. Des adolescents se rendent dans un camp de vacances abandonné afin de le retaper pour l’été, mais l’endroit à mauvaise réputation en raisons des sinistres incidents qui s’y sont autrefois déroulés. Les gens de Crystal Lake préfèreraient que l’endroit ne rouvre jamais ses portes et le fou du village pense même que les lieux sont maudits, mais les jeunes gens n’y prêtent aucune attention. Bien vite ils tombent comme des mouches, observé par une figure mystérieuse qui passe à l’attaque dès que l’un d’eux est isolé. Qui est peut bien être l’assassin ? Certainement pas Jason Voorhees, le tueur au masque de hockey, qui n’avaient pas encore été inventé à ce stade. Car alors tout nouveau et succédant au premier vrai représentant du genre, Friday the 13th conserve encore ses racines de film de psycho killers à la Psychose ou La Baie Sanglante, et propose un whodunit somme toute assez classique si ce n’est pour un petit détail: l’absence de tout suspect ! Un choix volontaire de la part du metteur en scène, qui s’en fichait éperduement.
Car avec peu d’argent en poche et encore moins d’ambitions, Sean S. Cunningham improvisa beaucoup durant le tournage. En fait on pourrait même dire que le scénario de Victor Miller lui servit plus de ligne directrice qu’autre chose, en témoigne des errances narratives et du remplissage, et bien sûr le fameux épilogue qui fut ajouté un peu au dernier moment. Sans doute conscient de ses limitations, il préféra miser sur les images chocs et les effets spéciaux, engageant un Tom Savini fraichement sorti de Zombie qui élabora des crimes sanglants rentrés depuis dans les annales de l’horreur: égorgement brutal, hache plantée en plein visage, corps cloué à une porte avec des flèches, gorge transpercée de part en part avec une pointe de métal… Rien de surprenant de la part du type qui produisit La Dernière Maison sur la Gauche de Wes Craven, et une partie de Strip Monopoly totalement gratuite témoigne également de son passif de pornocrate.
Néanmoins ce serait ignorer certaines qualités comme l’ambiance assez lugubre du lac et de la forêt. Une partie du massacre se déroule en plein orage sous une pluie battante, et l’obscurité de la nuit est totale, donnant l’impression que les protagonistes sont coupés du monde. L’assassin fait parfois preuve de théatralité comme lorsqu’il place une hache couverte de sang dans un lit ou imite la voix d’un enfant perdu pour attirer une monitrice à sa perte. Ça ne serait pas mentir que de dire qu’une partie de cette atmosphère a été créée au montage, avec ces fondus au blanc sentencieux, cet écran-titre qui explose littéralement le quatrième mur et bien sûr la fameuse trouvaille sonore de Harry Manfredini, qui provoque d’étranges échos tout au long du film. Un “ki ki ki, ma ma ma” dont la signification réelle (kill, mommy) est seulement importante pour ce premier opus, mais qui perdura pour le restant de la franchise grâce à son efficacité. Cependant ne retirons rien à Cunningham qui sait parfaitement utiliser sa caméra.
De nombreux plan-séquences suivent les personnages pour révéler un détail dont ils n’ont pas conscience, comme lorsque ce couple s’envoit en l’air sur un lit superposé sans savoir que le cadavre de leur ami se trouve au-dessus d’eux, et le meurtrier est pratiquement invisible jusqu’à la révélation finale puisqu’une vue subjective est employée dès qu’il guette ses victimes. Quant aux scénaristes (Ron Kurz opéra quelques réécritures sans être crédité au générique, gagnant en retour le poste sur Friday the 13th Part II), ils conçoivent quelques sinistres moments comme cette conversation entre Brenda et Ned qui prédit leurs morts respectives, ou lorsque Marcy raconte son rêve récurrent et quasi prémonitoire d’une tempête de sang. Mais leur meilleure contribution – si tant que c’est la leur – est le jump scare final où le petit Jason surgit des eaux pour embarquer l’utlime survivante dans les profondeurs du lac. Un dernier frisson certes totalement pompé sur Carrie, mais certainement responsable du succès de Vendredi 13 à lui tout seul.
On s’amusera aussi du twist ending désormais bien connu qui inverse celui de Psychose, avec cette mère qui assassine sous l’emprise de la personnalité de son fils. En un sens on pourrait presque dire que Jason est bien le tueur ici, en tout cas un complice actif (“Kill her, mommy”). Dommage alors que tout cela soit entâché par des séquences plus grossières, comme cette longue scène où l’héroïne se fait un café en attendant ses amis, la répétition du cache-cache avec Mme Voorhees dans les vingt dernières minutes, et cette inutile exécution d’un vrai serpent à la machette. Des scories qui rabaissent le niveau général et mettent en évidence le petit budget et tournage précipité, en plus d’affaiblir le rythme pourtant soutenu avec une première heure sans temps mort et des meurtres s’enchainant avec régularité. Reste le jeu des acteurs, certes inégale mais malgré tout effectif avec notamment un jeune Kevin Bacon au casting et Betsy Palmer (Ce N’est Qu’un au Revoir de John Ford) en guest star malgré elle.
L’actrice a beau n’avoir jamais caché son mépris pour le script, elle se donna à fond avec un brillant monologue où elle passe de l’innocence à la folie en l’espace d’une seconde. Impressionnant aussi est son physique puisqu’elle est plus baraquée qu’on ne le croit, condition obligatoire pour la rendre crédible en meurtrière. Passons sur la prestation de Harry Crosby, fils d’une célébrité oublié, pour féliciter celles de Jeannine Taylor, qui se trimballe en petite culotte et T-shirt moulant sans soutien-gorge (ses tétons pointent durant tout le film !) et de Walt Gorney (conducteur de métro dans King Kong !), qui compose un Crazy Ralph si loufoque qu’il demeure l’un des personnages les plus mémorables de la saga avec seulement quelques secondes de présence à l’écran. Adrienne King fait une final girl intéressante grâce à son apparence atypique, loin de ce qui devint le standard dans les années qui suivirent, et un Irwin Keyes déjà chevronné mais encore inconnu fait de la figuration.
Au générique apparaît aussi le nom de Steve Miner, futur réalisateur des épisodes 2 et 3, qui oeuvrait alors à la production. Pas surprenant puisqu’il était l’assistant de Cunningham sur La Dernière Maison… Il ramena une partie de l’équipe avec lui sur les prochains films et, bien que son travaille se limita globalement à refaire la même chose, il intronisa pleinement Jason Voorhees et son masque de hockey, faisant ainsi évoluer le slasher vers sa forme ultime telle qu’elle perdure encore aujourd’hui. On aimerait en dire autant de la série Vendredi 13 en elle-même, mais elle reste emmêlée dans d’incompréhensible démêlés judiciaires – en partie à cause de Victor Miller, qui n’a jamais aimé l’horreur ni les suites à son histoire mais compte bien en récupérer le juteux héritage dont Cunningham l’aurait privé depuis des décénies. A l’heure actuelle il est toujours impossible de produire un Friday the 13th contenant à la fois le masque et les noms de Jason et Voorhees, pour des raisons légales.
Peut-être qu’en utilisant le prénom Jackie, comme dans notre VF… ?
Salut Adrien !
Bizarrement, ce film je l’avais tard. Dans les années 2000.
Et comme tout le monde, je savais déja qui était l’assassin. Mais bon par curiosité, je regarde quand même. Au final, j’ai beaucoup aimé l’ambiance du film. Ca a hyper mal vieilli mais je sais pas, il me plait bien.
J’aime bien également Alice qui est une final girl très combattante, très déçu qu’elle se fasse buter dans le 2..
Mais mon Vendredi 13 préféré, c’est avec la fille qui a des supers pouvoirs. Un nouveau défi. Je le regarde de temps en temps celui là. Les autres Jason, ça a été vite oublié. Sauf pour le Jason X que j’aime bien aussi et que je trouvais innovent.
Oui il a prit un coup de vieux et le côté presque amateur / sans budget ressort de plus en plus à chaque vision. Mais comme tu dis il y a une ambiance indéniable, sans parler du côté fondateur avec le camp d’été paumé au fond des bois. Alice devait revenir à l’origine et sa mort est un peu expédiée (avec un Jason homme des cavernes qui peut se balader en pleine ville sans problème) parce que l’actrice a été harcelée par un stalker quelques temps après la sortie du film et ne voulait plus être sur le devant de la scène après ça. C’est dommage, mais elle a une petite apparition assez cool dans un fanfilm récent.
Et j’aime beaucoup The New Blood aussi, qui a le meilleur Jason, même si faut avouer qu’il a été mutilé à mort par la censure. Cherche les scènes coupées pour voir un peu, ça aurait fait une énorme différence. Et Jason X je l’adore sans ironie, il est presque gravé dans ma mémoire.
Le « long » combat final durant lequel Alice assomme la mère Voorhees à trois reprises est digne d’une comédie burlesque. The New Blood est également mon préféré, mais j’ai beaucoup plus de mal avec Jason X (je lui préfère même L’Ultime retour…).
Ah ça c’est clair, cette dernière confrontation montre bien tout l’amateurisme et la précipitation de la production.
Et je te rassure, j’aime beaucoup L’Ultime Retour aussi !