Frank Castle: The Punisher #71-74
Welcome to the Bayou
(2009)
Lorsque Garth Ennis présente la version définitive du Punisher en 2004, la revue s’intitule simplement The Punisher et se trouve encore liée à l’univers officiel Marvel (dit 616). Bien vite il apparait que ce nouveau Frank Castle ne peut plus vraiment co-exister avec les super-héros, et le personnage est déporté vers un label secondaire du nom de MAX. Une sorte d’équivalent de Vertigo chez DC Comics, qui permet aux auteurs de pondre des histoires plus sombres que d’ordinaire ou portant sur des thèmes plus sensibles. Et graphiquement plus osées puisque s’adressant à un public “mature”. Cette version remaniée se présente comme un véritable monstre s’attaquant à des criminels résolument humains. Point d’extraterrestres, de cyborgs ou de mutants, mais tout un tas de mercenaires, d’esclavagistes, de fascistes et surtout de psychopathes complètement pétés du bulbe commettant les pires atrocités possibles.
Le surnom de “Punisher Max”, donné à la série par les lecteurs, est pour ainsi dire parfait pour décrire ces nouvelles aventures du vigilante qui n’ont jamais parues aussi extrêmes, même durant les années 90. A tel point qu’après avoir changé de nom une première fois, passant de The Punisher à Frank Castle: The Punisher, la publication sera définitivement renommée Punisher MAX fin 2009.
Soit presque immédiatement après ce Welcome to the Bayou, qui troque le cadre urbain habituel pour les marais de la Louisiane. Je recommande d’ailleurs la bande originale de Sans Retour pour coller à l’atmosphère de cette histoire, qui n’est globalement rien d’autre que le Punisher vs. Massacre à la Tronçonneuse ! Le scénariste, Victor Gischler (Deadpool Corps, Punisher MAX: Little Black Book), livre basiquement un bon vieux film de Hicksploitation où une bande d’adolescents cons comme leurs pieds sont décimés par une famille de maniaques cannibales, mais en y rajoutant l’homme au T-shirt à tête de mort. Cela rend le présent comic-book immédiatement supérieur les 3/4 des Survivals et slashers modernes où la règle d’or semble désormais être de faire survivre les ordures sadiques plutôt que les victimes terrorisées.
Et cette fois ce n’est pas parce que la menace à la force du nombre, ou de la brutalité, qu’ils s’en sortiront sans mal face à quelqu’un de la trempe du Punisher – lequel est d’ailleurs taillé comme un culturiste, ce qui lui donne des airs de Jason Voorhees. Le résultat est un bain de sang très satisfaisant où des idiots insupportables sorti d’un film d’Eli Roth se font massacrer par des rednecks difformes et pervers, tandis que ces derniers tombent comme des mouches lorsque leur chemin croise celui de l’anti-héros.
Le point de départ évoque presque une blague, par sa simplicité. Ainsi nous sommes en pleine période de Spring Break. Avec un petit truand enfermé dans son coffre, Castle fait le trajet de Houston à la Nouvelle Orléans afin de l’échanger contre des informations importantes et préfère s’engager sur les petites routes pour éviter les problèmes. Dans un coin paumé des marais de la Louisiane, il est rattrapé par une voiture roulant à tombeau ouvert: des jeunes, en route pour une fête. Tous font un arrêt à une petite station service perdue au milieu de nulle part, et Frank est le premier à repartir. Non sans se faire la remarque que l’endroit est louche et que le tenancier semble clairement perturbé.
Parce qu’il respecte la limite de vitesse, il réalise bien vite que le groupe d’étudiants aurait dû le rattraper depuis un moment. Prit d’un doute, il s’arrête, attend, puis décide de rebrousser le chemin pour savoir ce qui leur est arrivé. Évidemment le relais est désormais désert, et son exploration le mène vers une petite maison isolée où l’accueille une bimbo ouvertement sexualisée. Une tarée qui le drague et l’éloigne l’air de rien de la zone, ce qui ne fait que lui mettre la puce à l’oreille. Le Punisher décide donc de prendre les armes et explorer les parages histoire de comprendre ce qui s’est passé entre les ploucs du Bayou et les vacanciers qui ont disparu…
En gros l’intrigue part juste du principe que le personnage se tient “au bon endroit, au bon moment” et ne cherche pas à faire plus compliqué que cela. Honnêtement le carnage aurait pu être très court, une bande de dégénérés vivant dans le trou du cul du monde n’étant évidemment pas de taille contre le soldat expérimenté, et c’est là que le scénariste limite autant que possible le personnage. D’une part celui-ci n’avait pas prévu la situation et ne possède rien d’autre qu’un petit pistolet sur sa personne. Ensuite il n’a pas le temps de planifier quoique ce soit, car son prisonnier menace de se réveiller et il ne dispose que de très peu de temps pour l’amener à bon port. Enfin, ses adversaires sont nombreux. très nombreux. Et possèdent quelques gros bras dans leurs rangs.
La famille Geauteaux ne se limite pas à un groupuscule de quelques membres, comme c’est le cas au cinéma, et cumule nombre de frères, neveux et cousins, qui servent de chair à canon pour notre plus grand plaisir. Beaucoup croulent sous les balles et les coups du Punisher, mais ça ne les empêchent pas de former une masse dangereuse qui le neutralisera.
Il faut aussi compter sur quelques piliers comme Big Daddy, le patriarche, plus intelligent que la moyenne. Sa fille, une sadique totalement folle, et surtout son fils Earl, un véritable géant si costaud qu’il met le vigilante au tapis sans effort et s’éclate même à faire du catch avec des alligators ! Mentionnons également Roy, un gringalet obsédé sexuel, General Lee, un reptile de compagnie gigantesque et probablement inspiré de la bête du Crocodile de la Mort (de Tobe Hopper, réalisateur de Massacre à la Tronçonneuse bien sûr). Enfin, et pour rejoindre le côté vraiment Bis de la Hicksploitation et des slashers campagnards, il y a Junior. Un colosse encore plus impressionnant que Earl, vivant à l’écart et cachant sa difformité à l’aide d’un sac à patate sur la tête.
Une belle brochette de tarées qui auront le temps de s’amuser un peu avant que le vent tourne, quand Frank Castle leur échappe. Ils profitent en effet de leurs nouvelles proies pour organiser un gigantesque barbecue, où viols et exécutions sont au programme. Un jeune homme est suspendu par les pieds au-dessus de l’eau, jusqu’à ce que le General le coupe en deux d’un coup de mâchoire. Un autre est littéralement empalé sur un tourne-broche, grillé au feu doux et consommé par la famille ! Les deux adolescentes sont gardées dans des cages, en sous-vêtements, pour être violées, et l’une d’elle est d’ailleurs emportée pour ne jamais être revue…
Contre toute attente, c’est l’otage de Castle qui lui sauvera la mise, le libérant après avoir été témoin de ces horreurs. Le gangster, bien qu’habitué à la violence, n’arrive pas à encaisser et va faire équipe avec son kidnappeur pour se débarrasser des cannibales. Le duo se fait prendre en chasse à travers le marécage, mais c’est comme un retour au Vietnam pour le Punisher qui devient alors un MacGyver du meurtre. Il plante des hachoirs dans des crânes, transperces des corps avec des tiges en métal, brises des cous, égorges, etc… Un vrai festival, d’autant plus jouissif que d’ordinaire ce sont les autres qui infligent ce genre de choses à leurs victimes. Peu habitué à se faire résister, ils paraissent subitement aussi vulnérable que les routards qu’ils assassinent à tour de bras.
En fait cette facilité déconcertante avec laquelle l’anti-héros se débarrasse d’eux est presque un problème, tant le scénariste efface les menaces qu’il met en place au cours de son histoire, rendant beaucoup de confrontations assez décevantes. Pourquoi introduire le General comme un alligator plus gros que la normal pour finalement le tuer si vite par un Earl qui s’ennuie ? Sans doute pour rendre celui-ci plus impressionnant avec sa force quasi surhumaine. Mais quel intérêt s’il est lui-même expédié comme un simple figurant aussitôt Castle libre ?
Peut-être pour présenter Junior comme le véritable Russe / Barracuda de service, un monstre de film d’horreur qui semble effectivement invulnérable. Pourtant c’est moins sa puissance qui le rend remarquable que son côté “grand enfant”, comme lorsqu’il pénètre dans sa cabane incendiée pour sauver son petit lapin en peluche. Bref, c’est comme s’il manquait un numéro, quelques plages supplémentaires, pour donner un peu plus d’ampleurs aux duels entre le Punisher et les soit-disant gros bras des Geautreaux, qui apparaissent finalement très secondaires.
D’un autre côté il faut admettre qu’il est amusant de voir ce clan de psychopathes être terrassé si facilement, ne serait-ce que pour prendre le contre-pied de ce qui se fait dans les films actuellement. De plus le scénariste nous gratifie de quelques bons moments en-dehors du massacre général, comme l’idée que Junior garde sa peluche dans la poche ventrale de sa salopette, le fait que Castle lui-même ne peut pas totalement haïr ce géant malheureux, plus pathétique qu’autre chose, mais tout en le craignant puisqu’il est capable de se mouvoir même après avoir été fatalement blessé. Il y a le sort de ce gangster épuisé, qui a connu des actes terriblement violent du fait d’avoir vécu dans le ghetto mais qui se retrouve ici complètement dépassé, et aussi ce regard silencieux que le Punisher donne à l’ultime survivante qu’il sauve à la fin de l’histoire – sans dire que celle-ci devient aussi folle qu’une Sally Hardesty, elle lâche une ligne de dialogue qui interroge sur sa santé mentale.
Délivrance est forcément cité (deux fois !) par un protagoniste, et si le look de Junior n’est pas sans évoquer celui de Jason dans le deuxième Vendredi 13, cela pourrait aussi bien être une référence au Chainsaw Man de Resident Evil 4 (lui-même un amalgame de Jason pré-masque de hockey et de Leatherface), ce qui me semble être confirmé par le siège de la cabane où s’est retranché Castle par les Geaudreaux, assez similaire à une scène mémorable au tout début du jeu de Capcom…
Pour anecdote, alors que le personnage de Roy est tué relativement tôt dans le comic-book, on peut retrouver plusieurs “clones” de celui-ci à travers toute l’histoire. Difficile de dire s’il s’agit d’une erreur du dessinateur ou d’un choix volontaire (frère jumeau ou ressemblance familiale lié à l’inceste), mais c’est assez perturbant lorsque l’on s’en rend compte. Aucun reproche à l’artiste, Goran Parlov, dessinateur récurrent sur la série qui sait sûrement très bien ce qu’il fait, et puisque l’on retrouve le nom de ce tocard d’Alex Alonso dans l’équipe rédactionnel je préfère lui imputer la responsabilité de tous les (petits) problèmes que l’on peut avoir avec cette BD. Ça lui fera les pieds.
S’il est évident que les fans du Punisher peuvent se jeter sur Welcome to the Bayou sans la moindre hésitation, cette story-arc conviendra tout aussi bien aux fans de Hicksploitation et autres clones de Massacre à la Tronçonneuse. Et pour être franc, ces quelques pages m’ont parues bien plus divertissantes que l’intégralité de Leatherface 2017, dernier opus officiel de la saga par laquelle tout a commencé…
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