EXCELSIOR, un adieu à Stan Lee (1922-2018)

 

Le légendaire Stan Lee s’est éteint hier à l’âge impressionnant de 95 ans, touché par des complications liées à une sévère pneumonie, et en réalité par de nombreux autres problèmes. Aveugle depuis plusieurs années, partiellement sourd, les derniers moments de sa vie furent particulièrement difficile à suivre entre la mort de son épouse Joan l’an dernier, des conflits avec sa propre fille par rapport à son immense héritage et des abus de nombreuses personnes désireuses de récupérer son argent, comme ce gros connard de Keya Morgan, collectionneur s’étant attiré sa confiance durant sa période de deuil afin de détourner de nombreux biens, et même de délirantes accusations de harcèlement sexuel. Ajoutez à cela ses déplacements fréquents (en fauteuil roulant) sur les productions Disney afin de satisfaire l’obligatoire caméo sur leurs films de super-héros, et l’attitude dégueulasse de la compagnie Marvel elle-même qui l’utilisa comme bouclier durant leur lutte contre les anti-SJW leur menant la vie dure, comme si ce pauvre vieillard pouvait comprendre quoi que ce soit à la situation.
Difficile de penser qu’un nonagénaire ait eu la force d’endurer tout cela si longtemps, mais à vrai dire Stan Lee était un pilier humain ayant déjà survécu à une grande tragédie des décennies auparavant, lorsqu’en 1953 sa deuxième fille décède trois jours après être venue au monde. Une catastrophe bien plus dévastatrice que son service militaire durant la Seconde Guerre Mondiale puisqu’il ne fut pas envoyé sur le front contrairement a ce que certains fans de Captain America aime penser.

 

 

Et ainsi, même si sa disparition peut nous attrister, elle est peut-être préférable à de longs mois de souffrance physiques et psychologiques supplémentaires et à la compagnie des vautours humains n’attendant que ces derniers instants pour piller son patrimoine. Un capital colossal qu’il a construit avant même que Marvel Comics n’existe en tant que tel, puisqu’il œuvrait déjà du temps où la boite s’appelait Atlas Comics et n’avait pas de ligne éditoriale bien précise, enchainant les récits romantiques, humoristiques, horrifiques ou les histoires à suspenses. De son véritable nom Stanley Lieber, il inventa le pseudonyme de Stan Lee pour signer ses aventures de chevaliers ou de cowboys dans l’idée de garder sa véritable identité pour un travail plus noble. Cela n’arrivera jamais, et longtemps plus tard il choisira au contraire d’embrasser ce nom de plume en l’adoptant légalement. Car c’est bien dans la bande-dessinée “pour enfants” qu’il marquera l’histoire, créant – avec d’autres – de nombreux personnages et concepts devenus cultes et forgeant Marvel Comics comme l’un des géants de l’industrie américaine.
Il convient cependant de rétablir certaines vérités puisque, contrairement à ce que les médias et les lecteurs paresseux tentent de nous faire croire, il n’était pas l’unique créateur des plus grands super-héros de sa compagnie. A vrai dire il n’était même pas le meilleur écrivain de son écurie, fonctionnant plutôt comme un directeur, un showrunner, donnant de grandes lignes ou des idées bien précises autours desquelles d’autres artistes construisirent les personnages que l’on connait.

 

 

De ce fait beaucoup lui attribuent tout le mérite de ces trouvailles sans qu’il en soit nécessairement le vrai responsable. Parmi les figures célèbres qu’il a inventé citons quand même Daredevil (avec Bill Everett), Spider-Man et le Docteur Strange (avec Steve Dikto), mais aussi Les Avengers, les Quatre Fantastiques, Hulk et les X-Men avec l’aide de Jack Kirby, tout en sortant des limbes Captain America et Namor qui existaient préalablement. Enfin, avec l’aide de son propre frère, Larry Lieber, et de Kirby, ce sont Ant-Man, Iron Man et Thor qui ont pu voir le jour. Rien qui ne soient entièrement de sa propre création donc, contrairement à ce qu’on peut lire un peu partout et même ce qu’il a pu dire lui-même à propos de Spider-Man fut un temps !
Un peu magouilleur sans doute, et cela va de soit puisque bien vite Stan Lee devint le représentant de Marvel Comics, la façade publique de la compagnie. Clamer qu’il est responsables de tout ces personnages à succès est évidemment un atout pour lui comme pour son entreprise ! Pour autant cela ne fait pas de lui une ordure, contrairement à Bob Kane (le soit-disant créateur de Batman, qui a en fait tout volé à son partenaire Bill Finger), concédant finalement la responsabilité de Dikto dans le succès de Spider-Man et mettant toujours un point d’honneur à citer les autres co-créateurs dans les pages des comics – pratique qui ne se faisait pas toujours à l’époque. Reconnaissons lui au moins l’idée du génial Galactus, le Dévoreur des Mondes, et celle du bouclier rebondissant de Cap qui ne servait vraiment qu’à le protéger des balles autrefois.

 

 

Et dans sa longue carrière d’éditeur-en-chef / publieur / représentant et président de Marvel Comics, il mis au point quelques techniques professionnelles comme la Marvel Method qui consistait presque à improviser les intrigues pour gagner du temps, Lee se contentant de donner une trame générale à un illustrateur pour ensuite rajouter le texte en fonction de ses dessins. La Stan’s Soapbox était une colonne mensuelle fonctionnant comme pour n’importe quel périodique respectable, l’homme se penchant sur des problèmes de société comme l’intolérance et la discrimination, donnant au lecteur la sensation de ne pas être limité par le format BD jusqu’ici perçu comme infantile. Enfin il géra le courrier du lecteur avec des réponses franches et une volonté de faire connaitre ses collègues afin qu’ils ne soient pas juste des noms sans visages. Son approche moderne de l’écriture aida également à ringardiser l’ignoble CCA (Comics Code Authority) qui censurait l’industrie avec haine.
En parallèle il fit de nombreuses apparitions dans les conventions d’époques et développa sa fameuse expression « Excelsior » (en fait la devise de la ville de New York) en guise de signature personnelle. Il contribua grandement à populariser le format du comic-book et le genre des super-héros via des interventions, des forums, et en développant les premières adaptations cinéma ou télé à une époque où cela n’existait pas. Il prêta sa voix pour des narrations de dessins animés (The Incredible Hulk de 1982) ou de jeux vidéos (Spider-Man sur PS1, en 2000) et chercha même des talents dans d’autres pays pour quelques collaborations, comme notre Mœbius national avec Silver Surfer: Parabole.

 

 

Un CV bien rempli qui n’est pas sans contenir quelques bizarrerie, comme ce Just Imagine chez le concurrent DC Comics, série de one-shots montrant Stan Lee réinventer leurs plus célèbres personnages avec l’aide de grands dessinateurs: Superman avec John Buscema, Wonder Woman avec Jim Lee, Green Lantern avec Dave Gibbons, etc. Un concept amusant pour un résultat franchement… déconcertant. Mentionnons aussi sa participation à quelques manga comme Karakuridôji Ultimo avec Hiroyuki Takei (l’auteur de Shaman King) et Heroman, qui fut publié dans la revue Monthly Shōnen Gangan de Square Enix. Mais désormais ce que l’on retient de lui sont surtout ses apparitions régulières dans les différents films de la Marvel, qui rencontrent un tel succès que certains studios s’empressèrent de l’engager sur des licences… avec lesquelles il n’a jamais eu rien à voir ! Comme Deadpool ou Venom. La dernière en date ? Teen Titans Go! to the Movies, qui provient de chez DC. Un gag évidemment, mais qui vient justement souligner l’absurdité de cette pseudo-célébrité chez les non initiés, qui du coup doivent supposer qu’il a créé chacun de ces protagonistes sans vraiment chercher à comprendre ce qu’il en est réellement.
Ce n’est d’ailleurs pas près de s’arrêter car plusieurs scènes à venir dans de futur projet ont déjà été filmées à l’avance. Ou bien pour ménager Stan Lee de son vivant et lui éviter d’aller et venir entre son domicile et les studios, ou bien en prévoyance de ce qui pourrait arriver. Croyez bien que c’est la même chose qui guette James Earl Jones et sa voix suave pour toutes les prochaines apparitions de Darth Vader au cinéma…

 

 

Une chose est sûr, ce que personne ne demandera à John Romita, un des rares survivants du Golden Age des comics, de venir faire coucou devant la caméra. Et avec la disparition de Stan Lee, on peut enfin considérer la Maison des Idées, celle qui avait du succès et qui était à l’écoute de ses fans, comme morte et enterrée. Car la Marvel Comics actuelle n’est qu’un sale Skrull se faisant passer pour elle. Non pas un soldat du glorieux empire conquérant, mais un recalé qui aurait été laissé sur sa planète car trop incapable. Il ne risque plus de manipuler le vieil auteur pour ses propres fins, et d’ailleurs certains SJW commencent déjà à cracher sur celui-ci en prétextant qu’il fut raciste, sexiste et un sale businessman capitaliste ayant exploité ses collègues. Évidemment.
Comme quoi le bonhomme n’avait de toute façon plus vraiment sa place en ce bas monde et sa mort est pratiquement symbolique, signant la fin de plusieurs générations de créativité au profit du superficiel, du politiquement correct et de l’avarice. Bref, tout ce qui ne fait pas rêver. Finalement Stan Lee était peut-être bien un super-héros, dont l’image fut tour à tour glorifiée, détournée et piétinée par un public peu conscient de ce qu’il a vraiment accompli au cours de son existence. Triste, oui, mais comme tous les super-héros, il inspira et continue encore d’inspirer nombre de passionnés qui seront eux capable de reconnaitre sa véritable valeur.

Et alors le mot « Excelsior » devient au moins aussi magique que « Shazam ».

 

2 comments to EXCELSIOR, un adieu à Stan Lee (1922-2018)

  • Roggy Roggy  says:

    Superbe texte Adrien et très érudit sur le sujet. Sans y connaître grand-chose, je suis d’accord avec ton dernier paragraphe.

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Merci beaucoup Rog 🙂 Bien content que l’article puisse plaire du coup !

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