Dead Above Ground
(2002)
Cela faisait un moment que je n’avais pas parlé de Slasher tout pourri, alors sans attendre voici ce Dead Above Ground qui remonte à 2002. Cette date est celle où le genre “Neo” touche à sa fin, avec Scream 3, Urban Legend 2 et Mortelle Saint-Valentin en derniers véritables représentant à apparaître sur grand écran. Pour le marché vidéo en revanche c’est une autre histoire, puisque de nombreux opus vont continuer à apparaître après ça, incorporant progressivement des éléments provenant des nouvelles modes et se séparant ainsi du style “à la Scream” pour devenir quelque chose d’autre au fil du temps. Il y a beaucoup trop de titres pour les nommer mais on en trouve à la pelle, au point d’en déterrer de nouveaux même encore maintenant, comme c’est le cas ici.
Cette entrée reste encore dans la continuité de la mode d’alors, qui est de se prétendre intelligent en citant constamment d’autres œuvres de pop-culture et de critiquer l’air de rien le cinéma de genre à travers son propre film. Ici par exemple, les héros sont les enfants de personnalités d’Hollywood, metteurs en scène, acteurs ou scénaristes, et une partie de l’intrigue tourne autour de l’existence d’une vidéo fauchée, sorte de film d’horreur amateur, que le réalisateur espère pouvoir présenter à Sundance pour être connu. Un personnage est présenté comme ayant passé son enfance au Skywalker Ranch et naturellement divers titres de long métrage sont évoqués par les personnages.
Ce qui est sidérant avec ce Dead Above Ground, c’est qu’il réussi l’exploit de livrer une histoire à la fois simpliste et confuse ! En l’état il est simplement question d’une bande de jeunes qui se fait trucider par un tueur mystérieux se cachant peut-être parmi eux, et chacun cherche des réponses forcément liés à un évènement passé tandis que la police mène l’enquête. Mais lorsqu’il s’agit de parler des motivations de l’assassin, son identité et son éventuel complice, alors cela part dans le n’importe quoi au point que le scénariste se contredit plus d’une fois dans les révélations. Il va sans dire que la chose a été écrite en vitesse, mais un Slasher a simplement besoin de bons meurtres et d’un tueur impressionnant pour fonctionner. Ici, à vouloir complexifier inutilement les choses, le déroulement du film en devient rébarbatif et s’enlise dans les rapports suspects/flics plutôt que de jouer sur le suspense et l’horreur.
En fait il apparait évident que ce Slasher tient plus du Thriller qu’autre chose, la faute aux responsables qui n’ont travaillés que pour la télévision et semblent n’avoir aucun sens du rythme pour un long métrage. Si meurtres et tueur masqué il y a, ils apparaissent plutôt secondaires par rapport à l’enquête criminelle et le thème du satanisme / surnaturel de l’intrigue. Du coup on a parfois l’impression de regarder un simple téléfilm sans saveur, sans violence et sans intérêt, vaguement déguisé en film d’horreur en raison du tueur à la hache qui sévit et des dialogues délirant à propos de sorcellerie, d’âmes et de mauvais esprit…
L’intrigue se déroule à Bay City, en Californie, où vivent pas mal de personnalités du cinéma comme Mark Mallory, un réalisateur qui se fait assassiner chez lui par un mystérieux individu vêtu d’une tunique noire. Pratiquement six mois après les évènements, un autre fait divers tragique a lieu près du campus, où un élève en difficulté, Jeff Lucas, trouve la mort accidentellement. Jeune Goth passionné par l’occulte, celui-ci a réalisé un court-métrage dans la maison désormais abandonnée de Mallory, espérant utiliser les contacts de son actrice afin de projeter son film au Festival de Sundance. Comme personne n’aime vraiment le garçon, trop violent et délirant, il se met à dos ses professeurs comme ses camarades et un conflit éclate: Provoquant Dillon, beau gosse de service, Jeff se lance dans une course poursuite qui s’achève par le crash de sa voiture.
Un an plus tard, Dillon est toujours suspecté d’avoir assassiné l’adolescent et se retrouve à son tour isolé de ses amis. Chip, un nouveau venu qui s’est installé dans la maison Mallory, intègre la classe et prêtant faire d’étranges rêves à propos des deux garçons. Au même moment, un tueur mystérieux décime professeurs et élèves qui étaient là le jour de l’accident.
La police suspecte immédiatement Dillon, trop heureuse de pouvoir lui coller d’autres meurtres sur le dos, mais Chip et ses amis pensent que l’esprit de Jeff est revenu se venger. Ils organisent une séance afin de calmer celui-ci, mais les morts continuent de s’empiler…
Si le script n’a rien d’original et qu’il reprend divers éléments déjà vu auparavant, il reste tout de même difficile à appréhender en raison du nombre d’évènements et de personnages qui gravitent autour de l’assassin. Avoir un meurtre pré-générique est une chose, mais rajouter un long prologue après ça pour faire encore bond temporel en avant ensuite, ça commence à rendre les choses très floues. La multiplication des suspects n’est pas une chose dérangeante en soit, mais les différentes pistes semblent toutes provenir d’histoires différentes (le suspect idéal que l’on ne peut coffrer faute de preuves, l’inconnu au passé trouble qui débarque à la date anniversaire, le fantôme, le meurtrier inconnu de Mallory) et ont vite fait de faire se perdre même le spectateur le plus attentif.
A cela se rajoute Zara, jeune Goth qui adulait Jeff et qui pratique des séances pour “apaiser les mauvais esprits”, et toute une sous-intrigue montrant que l’ordre des meurtres et les indices laissés sur place, censés indiquer la victime suivante, sont inspirées de la vidéo filmée dans chez Mallory. Bref, on ne sait plus du tout si Dead Above Ground est un Slasher, un film fantastique traitant de possession et de réincarnation ou une banale histoire de crime et de revanche qu’un policier doit résoudre, d’une ambiance plutôt relaxe et bon enfant. C’est dire toute la confusion qui règne dans ce long métrage, d’autant que les réponses apportent encore plus de questions au final !
La conclusion montre que le tueur est bel et bien Jeff Lucas, revenu pour se venger de ceux qui se sont moqués de lui ou qui ne croyait pas en ses capacités. Mais s’il a bien brûlé vif dans sa voiture après l’accident, affichant désormais une apparence très similaire au Cropsy de The Burning, l’adolescent n’est pas vraiment mort. Puisque la police avoue, très tard, qu’ils n’ont jamais retrouvés le corps, on apprend ainsi que le jeune homme a disparu de la circulation en utilisant les cendres de sa propre mère, décédée il y a longtemps, pour faire croire à son incinération. S’installant dans la maison Mallory après le drame, il a préparé sa vengeance pendant une année entière, prenant alors l’identité de Chip et cachant sa difformité derrière un incroyable costume qui trompe tout le monde.
Mais ça ne s’arrête pas là ! Jeff / Chip est en réalité Ricky Mallory, le fils de Mark. Schizophrène psychopathe, il fut interné à l’asile pendant toute sa jeunesse avant de s’échapper et de se venger de son paternel, errant ensuite dans les quartiers sombres de la ville parmi les clochards pour se cacher et inventant Jeff afin d’avoir une vie sociale.
Point de surnaturel dans Dead Above Ground donc, l’épilogue venant même rationaliser la présence du corbeau malfaisant qui accompagnait tout le temps l’assassin: il s’agissait de deux oiseaux apprivoisés par Ricky, que celui-ci utilisait comme un moyen d’effrayer ses victimes. Quant à Zara, il semble claire qu’elle était sa complice, pratiquant les séances afin de semer la terreur et la zizanie et de donner de faux conseils aux victimes.
Et pourtant ! Alors que Rick a été abattu, gisant au pied d’une falaise, le corps transpercé en plusieurs endroit, celui-ci… Disparait. Comme par magie. Quelques instants avant, l’inspecteur en charge de l’enquête montrait le cadavre à Zara, laquelle prenait quelques instants pour se recueillir, partant dans un petit discours où elle assimilait le blessé à un fantôme… Et alors que le générique de fin s’enclenche, un corbeau apparaît en surimpression sur la lune, symbolisant l’évasion de Rick sous forme spirituelle…
Toute la scène apparaît évidemment comme un twist final afin de surprendre l’audience, cliché ultime du tueur supposé mort mais qui se relève malgré tout. Un effet facile, balancé au dernier moment afin de donner l’impression qu’il s’est passé quelque chose d’important dans les derniers instants du film. Lequel vient pourtant jeter par la fenêtre tout ce qui a été apporté dans le dernier acte, qui démontrait par A plus B qu’il n’y avait rien d’occulte dans cette affaire, sans se soucier de la moindre cohérence.
Cela résume parfaitement le type de production qu’est Dead Above Ground, vulgaire machin fabriqué en toute hâte afin de profiter d’une mode mourante, sans la moindre implication de la part de ses créateurs, qui n’en avait sûrement rien à foutre. Un véritable mauvais film, sans aucune scène-choc ou sanglante.Toutefois, et comme beaucoup d’autres dans le même cas, l’œuvre est sauvée par son facteur nanar, qui est ici sacrément élevé.
Le générique de début, alternant écritures et stock-shots d’une cérémonie, est constamment interrompu par le tueur qui apparait à travers les fondus pour trancher l’image d’un coup de hache. Les protagonistes sont des adolescents dont la richesse frôle incandescence, et lorsque Dillon vient pleurer d’être différent et plus pauvre que les autres, ne pouvant se permettre qu’une “vieille voiture”, celle-ci apparait pourtant être un véhicule sportif que n’importe qui envierait ! Le film est ignorant au point de mélanger culture Goth, le satanisme, le paganisme et les légendes Celtes dans le même panier, ce qui s’avère particulièrement frustrant ou hilarant selon votre sensibilités pour ces sujets, et le montage tente de jouer l’angle MTV en caviardant le métrage de stupides morceaux infecte qui sont complètement à côté de la plaque en terme d’ambiance: alors que la conclusion apporte une note sombre en révélant que Ricky s’est échappé et se trouve être un mauvais esprit, la musique choisie en accompagnement est de style romantique !
Je retiens également une scène de sexe où on ne voit rien, laquelle multiplie les fondus enchainés sur les visages, et ça pendant des plombes, ainsi que ce passage où l’inspecteur de police aux prises avec Ricky fini par lui arracher une oreille, la lui montrant avant de la jeter négligemment par-dessus son épaule, par pur méchanceté. Enfin l’aspect du tueur a été un minimum soigné car, même s’il demeure invisible sous sa robe, on aperçoit tout de même ses mains brûlées, en indice de sa véritable nature.
Et puis, tout simplement, il y a l’inénarrable Antonio Sabato, Jr. (de Melrose Place et Amour, Gloire et Beauté), protagoniste improbable et tout simplement le flic le plus nul du monde ! Doté de répliques “blagues” absolument navrantes (exemple lorsque Zara parle des corbeaux de la mythologie Celte et du fait qu’ils dévoraient les nouveaux nés, celui-ci lâche un consternant “Maybe that’s why Disney passed on a cartoon.”) et semble être incapable de faire son travail.
Le plus drôle intervient lorsque la psychologue doute de la culpabilité d’un des suspects en raison d’une preuve trop arrangeante. “But why would he leave his picture behind to implicate himself ? That sounds pretty stupid.” ; la réponse: “Don’t mess-up my slamdunk murder with psychology”. La crème de la crème, mesdames et messieurs !
L’air de rien, ce sont ces inepties qui sauvent Dead Above Ground du néant. Le film est nul, impossible à recommander, mais l’incompétence générale, le manque d’intérêt des responsables pour la production, a généré des séquences improbables qui ne manquent pas d’interpeller et de faire travailler le cerveau dans le futile espoir de comprendre où ils voulaient en venir. La nullité de ce Slasher devient intrigante et on se surprend à suivre les péripéties justes pour voir jusqu’à quel point le personnage d’Antonio Sabato, Jr. va passer pour un demeuré.
Et puis si ça ne vous suffit pas, Mark Mallory est lui incarné par un Corbin Bernsen vulgaire à souhait, souhaitant utiliser son Oscar fraichement reçu comme d’un sex-toy sur sa maîtresse ! Alors rien que pour ça…
VERDICT: TRICK
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