Candy Corn
(2019)
N’y allons pas par quatre chemins: Josh Hasty, le réalisateur de ce Candy Corn, est un hipster. Avec sa grosse barbe huilée et taillée, ses cheveux laqués et ses grosses lunettes, il est de ces jeunes hommes qui pensent exprimer leur personnalité avec leur look sans comprendre qu’ils obéissent à la même mode et se ressemblent tous: interchangeables et semblant sortir d’une pub pour parfum ou vêtements chics. Et l’air de rien ceci explique beaucoup de choses sur son film. Petit cinéaste débutant n’ayant pas encore fait grand chose hormis une poignée de court-métrages, un film dramatique que personne n’a jamais vu et un premier essai dans le genre horrifique (chez Brain Damage Films, donc personne n’a jamais dû le voir non plus), il est sauvé par Rob Zombie qui l’embauche pour tourner les behind the scenes de son 31. Se disant sans doute que le rockeur white trash est un génie qu’il faut à tout prix imiter, Josh Hasty retrouve son Mojo et se lance dans la production de son nouvel opus.
Lequel évoque beaucoup son précédent effort, Honeyspider, où il était déjà question d’une histoire terrifiante se déroulant à Halloween durant les années 80. Mais cette fois l’auteur soigne sa cinématographie et calque son style sur celui de son idole, contrastant une ambiance réaliste et morose avec des vilains en costumes de carnaval tape-à-l’œil et engageant de vieilles gloires oubliées pour séduire les fans. Ce projet, il y croit très fort et reconnaissons-lui au moins ça: il semble s’être lancé corps et âme dans l’affaire, assurant de multiples fonctions durant le développement: scénario, costume, mise en scène, montage, musique… Beaucoup de bonne volonté pour une œuvre qui n’a cependant rien d’originale, empruntant même un peu trop au Halloween de John Carpenter pour l’ambiance. L’intrigue s’intéresse ainsi à la petite ville morne de Grove Hill (qui sonne un peu comme Smith’s Grove) à l’approche de la fête de Samhain, où se sont installés quelques forains dirigés par l’énigmatique Dr. Death, un nain adepte de la magie noire.
La veille de la Toussaint, une bande de jeunes cons décide de passer le temps en allant coller une raclée au pauvre Jacob, jeune homme muet et autiste faisant office de fou du village. Ils ignorent que le patron de la foire s’est prit de sympathie pour cette pauvre âme et, lorsque leurs provocations causent accidentellement la mort du garçon, ils s’attirent la colère du sorcier qui ramène leur victime à la vie. Désormais vêtu d’un masque sanglant et d’un sceau à bonbons (les candy corns du titre), Jacob traque ses bourreaux pour les mettre en pièces, attirant sur lui l’attention de la police. Et à la manière de Devil’s Reject, 31 et 3 From Hell, ce qui s’ensuit n’est qu’une tragédie où les protagonistes “normaux” périssent tous sans exception tandis que les meurtriers s’en sortent blanc comme neige. Les rares innocents trouvent même une mort plus cruelle encore que celles des vrais coupables (la belle héroïne qui était contre le harcèlement de Jacob, le shérif compréhensif qui cherche à empêcher le massacre), manière de jouer avec les codes et de surprendre.
Sauf que cette pratique est une norme depuis le milieu des années 2000 et qu’elle a pour seule effet d’empêcher le spectateur de pleinement s’impliquer dans l’histoire puisqu’il sait d’avance qu’il ne faut espérer aucun rebondissement. Un peu comme un Funny Games sans la symbolique pompeuse derrière. Au moins la vengeance du croquemitaine s’avère être assez saignante et parfois même plutôt sadique: il éventre un type d’un coup de poing après l’avoir soulevé d’une seule main par la gorge (Halloween, encore), retire la colonne vertébrale d’un autre et coupe une tête qu’il transforme en citrouille décorative. A la demoiselle qui exprime souvent son inquiétude, il lui offre une ablation de la langue, et le responsable de son trépas subit un sort peu enviable: après avoir arraché ses deux bras, il le torture encore dans son agonie en prélevant toutes ses dents ! Dr. Death en fera un joli bracelet qu’il refourguera plus tard à une touriste de passage. Violent, encore que John Hasty fait parti de ces soi-disant amoureux du rétro qui répugnent à se salir les mains, ayant recours aux CGI pour simuler les gerbes de sang.
Autant dire que cela tranche pas mal avec l’atmosphère dont la note d’attention, très hipster dans l’âme, était de faire… du vintage. Il faut avouer que le boulot est soignée, avec une belle cinématographie qui sublime l’ambiance d’Halloween réaliste et jamais trop chargée même si omniprésente. Impossible de ne pas apprécier certains plans bien travaillés ou quelques décors comme la fête foraine décrépie et le cinéma de quartier projetant de vieux films de Bela Lugosi. Le générique d’ouverture imite celui d’Halloween avec sa police de caractère orange et surtout il y a le casting impeccable puisque tout le monde, des acteurs aux figurants, ont cette véritable “tronche” d’une autre époque plutôt que d’avoir l’air de comédien modernes déguisés façon 80s. Les collègues de Dr. Death permettent même à Candy Corn de flirter avec la freaksploitation, en témoigne cette femme obèse, cet Hercules de pacotille et surtout ce “loup garou » redneck plus vrai que nature. Regrettable que l’intrigue ne s’intéresse pas un peu plus à cette communauté de marginaux.
Alors oui, c’est beau et bien filmé, mais du coup il n’y a pas grand chose d’autre à se mettre sous la dent. A l’image des friandises dont elle tire son nom, l’œuvre est plus apparence que substance et seules quelques idées surnagent ici et là, comme ce nain traitant les flics d’éboueurs glorifiés du fait qu’ils n’interviennent que pour faire le ménage après un drame, l’apparence sobre mais efficace de Jacob avec son masque en forme de crâne humain et à texture de citrouille, et l’héroïne paradant en lingerie pour séduire son homme dans un cinéma désert, des images du Devil Bat avec Bela Legusi se reflétant sur sa peau. Ou ce générique de fin qui se déroule sur un gros plan de la bouche du tueur mangeant des sucreries. Hélas le scénario abandonne une piste narrative prometteuse qui aurait pu apporter un brin d’originalité à son intrigue, la police découvrant le cadavre décomposé de la mère de Jacob caché sous son lit, preuve que le gentil idiot n’était peut-être pas si innocent qu’on le croit. A la place John Hasty préfère perdre notre temps en exhibant l’opulente poitrine d’une rombière dodue et vulgaire. Question de priorité, sans doute. Il ne reste alors plus qu’à se rabattre sur l’interprétation des acteurs, qui elle est absolument irréprochable.
A commencer par Pancho Moler, personne de petite taille déjà aperçue chez Rob Zombie dans 31 et 3 From Hell, qui est ici libre de montrer l’étendu de son talent plutôt que de faire des cabrioles. Plutôt sympathique au début, son personnage dévoile progressivement sa véritable nature de freak abimé par la vie, qui ne jure plus que par ses propres lois. Son adversaire, s’il on peut dire, est le représentant de l’ordre évidemment soupçonneux mais ici particulièrement juste et humain. Un shérif joué par le trop rare Courtney Gains, qui restera pour toujours le Malachai du tout premier Children of the Corn. Candy Corn met un point d’honneur à montrer chaque mort comme une véritable tragédie, frappant une petite ville où tout le monde se connait, et l’acteur se montre efficace dans ce rôle de policier devant garder la situation sous contrôle malgré les émotions. Plus anecdotique mais appréciable est la participation de Pamela J. Soles, la Lynda de Halloween et Norma de Carrie, en gentille secrétaire.
Enfin, et parce que son nom est en tête d’affiche, citons Tony Todd. Comme c’est habituellement le cas pour ce genre de DTV, son rôle se limite à trois courtes scènes dispersées à travers le film et la présence de l’acteur est sans doute lié à un impératif commercial. Heureusement, contrairement à nombre de ses collègues lorsqu’ils sont dans la même situation, l’interprète de Candyman prend la peine de jouer son personnage avec sincérité et on se surprend à vouloir en savoir plus sur ce vieux forain fatigué qui tente en vain de raisonner son patron. Il faudra se contenter de ce qu’on nous propose, et comme il ne dure qu’à peine 80 minutes Candy Corn est de toute façon vite consommé. Au final c’est exactement comme lorsque l’on grignote ces « bonbons de maïs »: on se dit qu’il y a toujours pire et on peut même complimenter les apparences, mais dans le fond on sait pertinemment que l’on peut trouver bien mieux ailleurs…
GALERIE
Sublime poster qui m’avait attiré, puis ai vu le trailer, ai pensé à 31, et ça m’a refroidi… Je tenterai peut-être mais ta chronique est dissuasive 🙂
Non mais c’est joli parfois, et puis le nain est extra. Mais bon voilà quoi… (tu sais que j’ai vexé un hipster avec cette chro, visiblement ? 😃)
J’ai vu ça mdr Faut dire que tu attaques fort en entame 🙂
Je regrette presque et j’ai coupé certaines trucs XD
Mais en même temps hein j’avais pas spécialement tort !