Suburban Gothic (2014)

ROAD TO HALLOWEEN II

 

 

Suburban Gothic

(2014)

 

 

Voilà une comédie fantastique bien singulière que ce Suburban Gothic, très différent de ce que l’on pourrait en attendre. A priori le film semble banal, une farce narrant les déboires de médiums maladroits et de fantômes facétieux, quelque chose d’inoffensif et de très accessible pour le grand public. Le genre de produit tellement simpliste et prévisible qu’on peut deviner à l’avance tout ce qui va arriver. Sauf qu’en réalité ce n’est pas du tout le cas et beaucoup seront totalement largués devant ce long métrage inclassable.
Écrit essentiellement par un inconnu provenant de la télévision, et qui compte à son actif un épisode de la série Esprits Criminels dont on retrouve au casting l’un des acteurs principaux (Matthew Gray Gubler, le jeune hipster tête à claque), le scénario ne tape pas du tout dans l’humour habituel des films américains et ne possède pour ainsi dire pas véritablement de gags en tant que tel. Ce qui est amusant ici ce sont les personnages et les situations loufoques, extravagants et semblant provenir de chez les frères Coen voir de David Lynch. Plutôt osé et franchement inattendu, d’ailleurs le département marketing à fait tout ce qui était en son pouvoir pour camoufler ce parti-pris et faire croire que Suburban Gothic fait montre d’un humour bien plus “normal”.

 

 

L’intrigue justifie pourtant pas mal cet aspect délirant puisqu’elle préfère suivre ses protagonistes de cas sociaux et d’allumés plutôt que d’explorer les phénomènes paranormaux qui leur arrive. D’ailleurs ceux-ci n’ont rien d’extraordinaire, ont déjà été vu des centaines de fois auparavant, et c’est clairement le traitement qui donne son originalité au film, lui évitant de tourner à la parodie façon Scary Movie / Haunted House, ou à la pâle imitation de Ghostbusters. Pas de frissons non plus car les revenants se montrent plus étranges que menaçant, et ils donnent aux séquences surnaturelles un côté atmosphérique intéressant plutôt que donner dans la mode du jump scare. Vraiment l’histoire ne s’embarrasse pas de ces éléments et préfère explorer la vie chaotique de son héros, sorte de “Freak” qui connait une mauvaise passe et qui est contraint de retourner dans sa ville natale, où n’habitent que des gens aussi décalés que lui.
Raymond, jeune homme insolite au style vestimentaire “alternatif”, ne trouve pas de boulot et doit rentrer chez ses parents faute de mieux. Malheureusement pour lui l’endroit est une véritable source de stress en raison d’un père odieux, parfaite représentation de l’américain moyen, et d’un entourage totalement névrosé. Sa mère passe son temps à fantasmer sur le gros ouvrier mexicain qui s’occupe du jardin, son cousin a été banni de la maison depuis son coming out et semble faire une dépression, le médecin de famille refuse de l’examiner en prétextant que la condition médicale dont il souffre depuis son enfance à subitement disparu, et seule Becca, la belle mais très rock’n roll barmaid semble lui faire oublier ses tracas.

 

 

Cependant les problèmes ne font que commencer: les “pouvoirs” médiumniques qu’il possédait étant enfant, et qui avaient disparu avec l’âge, finissent par lui revenir et il se met à faire d’étranges rêves. Et pour cause puisque les travailleurs hispaniques qui entretiennent son espace vert découvrent le cadavre d’une petite fille durant leurs travaux: une gamine assassinée il y a plus d’un siècle et dont le fantôme hante les parages… C’est-à-dire la maison de Raymond et de ses parents ! Assaillis par les apparitions spectrales de l’enfant et de son paternel, lui-aussi mort violemment, le jeune homme se décide à prendre les choses en mains afin de comprendre les circonstances de leurs décès et pour trouver un moyen de leur donner le repos éternel.
Évidemment son comportement alarme sa famille, notamment son père qui le prend pour un drogué ou un malade mental. Toutefois cette expérience va lui permettre de grandir, de s’assumer, de se lier d’affection avec Becca et même de faire la lumière sur certaines vérités à propos de son enfance… L’habituel récit du passage à l’âge adulte en somme et il faut avouer que cela fonctionne plutôt bien, en particulier grâce aux interactions entre le héros, Becca et son géniteur. Les échanges, souvent caustiques, valent à eux seuls la vision du film et peuvent se montrer très drôles pour peu que l’on apprécie les répliques sarcastiques, les coups fourrés et les personnalités hautes en couleur.

 

 

Kat Dennings ne se promène jamais sans son pied de biche, affiche son opinion sans détour, toujours brutalement, et évoque de temps à autres ses mœurs sexuelles très libérées. Lorsque la tragédie des fantômes est dévoilées et qu’elle se montre émotive, la jeune femme soupire de sa réaction et espère ne pas être de nouveau tombée enceinte. La jolie petite punk devient très vite attachante et sans conteste l’une des plus grandes attractions du film, buvant, prenant de la drogue, n’hésitant pas à taper dans les couilles de quiconque lui déplait. Elle détonne des rôles féminins passives et / ou terrorisés, que l’on retrouve fréquemment dans ce type d’histoire. Dans le même ordre d’idée, le génial Ray Wise incarne un père très loin de la représentation fantasmée par les belles valeurs des États-Unis: prof de sport homophobe, il a son fils en horreur et ne perd aucune occasion pour l’insulter ou l’humilier. Et Raymond le lui rend plutôt bien, ce qui donne lieu à de constantes joutes verbales où chacun tente de lancer la pique la plus humiliante.
Le film n’est cependant pas dénué de cœur et si les deux semblent se détester cordialement, le fiston ne cherche finalement qu’à être accepté par son papa, allant jusqu’à faire le premier pas pour avoir une véritable conversation. Pas de chance pour lui, le vieux salopard n’a pas une once de sentiment pour son rejeton ! On se marre, n’empêche que ce thème de l’amour père / enfant est au centre du film puisque toute la relation entre ces deux là est mise en parallèle avec les fantômes. Si les vivants sont incapable de se témoigner la moindre affection, les revenants n’ont au contraire que ça pour supporter leurs tourments.

 

 

Alors qu’on ne les voit que très peu, ces derniers se montrent beaucoup plus tendre et humains que les vivants ! Et si le père de Raymond se moque bien de son fils, celui de la fillette cherche à l’apaiser comme il peut même au-delà de la mort ! Une tâche impossible bien sûr, aussi s’en prend t-il au médium afin qu’il puisse effectuer les rites nécessaires qui les libéreront de leur triste condition. L’air de rien, aussi simples et “faciles” soit-ils, les moments impliquant les deux spectres (le flashback expliquant leurs origines et leurs retrouvailles à la fin du film) sont très tendres et effectifs, et rendent crédibles la façon dont Raymond va s’affranchir de son géniteur au final.
Cependant tout n’est pas fleur bleu et les ectoplasmes ont leur façon à eux de s’exprimer. Becca se retrouve avec un trou dans la main qui s’ouvre et se referme tout seul, puis elle vomie des globes oculaires toujours vivaces. Un jeune Raymond se fait offrir un striptease par une revenante au faciès abîmé, laquelle conclue son spectacle en s’arrachant la langue. Bien plus tard, se masturbant secrètement devant Internet, il se retrouve avec un bon litre de sperme sur le visage avant d’être attaqué par une tête coupée volante (et visuellement rétro façon vieux film en noir et blanc, comme si elle sortait du flashback vu plus tôt). Et si on peut regretter l’utilisation trop fréquente d’une horrible brume noire en CGI, Suburban Gothic sait jouer dans l’humour gothique à la Famille Addams en montrant les ongles de pieds du héros se soulever et se remettre au rythme d’une mélodie jouée au piano dans une autre pièce.
Au contrario de ces blagues d’outre-tombes, très démonstratives, une séquence bien plus sobre se démarque car d’un sérieux mortuaire et très tendue. Ainsi une fillette sensible aux esprits traverse l’au-delà pour contacter l’esprit de la jeune défunte, racontant son escapade à travers le son d’un vieux phonographe. Cependant ce n’est pas la petite qu’elle retrouve, mais un autre revenant beaucoup plus en colère…

 

 

Avec tout ça, il parait étrange que le réalisateur ait choisi de donner à l’œuvre un côté faussement trash, trop forcé pour paraître naturel et ne convenant pas vraiment au ton général. Et donc la caméra s’attarde sur une merde laissée dans une cuvette dont on a pas tiré la chasse, tente de nous faire rire en montrant une érection chez un vieil homme et couvre son héros de sperme sans que cela ne soit vraiment nécessaire. Il ne s’agit que de quelques passages ici et là, mais jamais ils ne s’intègrent à l’ensemble. Difficile d’expliquer leur présence mais peut-être s’agit-il que d’un mauvais choix de la part d’un réalisateur débutant…
Ou peut-être était-ce volontaire et assumé, afin encore une fois de démarquer le film des autres histoires de fantômes insipides qui pullulent sur les écrans actuellement ? D’ailleurs ce n’est probablement pas un hasard si le toujours classe John Waters vient faire une apparition, demandant d’un sourire pervers à ce que Raymond lui offre une fellation. Un guest surprenant mais bienvenu, et il n’est pas le seul ! Le Re-Animator lui-même, Jeffrey Combs, intervient dans le rôle d’un docteur (quoi d’autre ?) si vulgaire et énervé que c’en est hilarant. Moins connues ou fameuses, les Soska Sisters sont visibles quelques secondes lors d’un enterrement. Enfin, le Bisseux attentif pourra reconnaitre dans le rôle du papa spectral le méconnu Muse Watson, qui n’était autre que le Ben Willis des Souviens-toi… l’Été Dernier ! S’il n’était pas très menaçant dans l’original, l’acteur est ici bien plus imposant et tire une mine si lugubre qu’il bat à plat de couture son remplaçant ectoplasmique du Souviens-toi… n°3.

Que du beau monde pour un film qui sort de l’ordinaire. Inutile de dire que cela donne toujours plus d’intérêt à Suburban Gothic, qui s’impose à force de choix étranges et audacieux. Bien loin des Paranormal Activity et autres aberrations contemporaines à base d’exorcisme / possession, mais aussi très différent de Crimson Peak et son esthétisme rétro, cette histoire de fantômes fera une expérience intéressante pour quiconque voudrait tester quelque chose de différent. Ça ne plaira pas à tout le monde, c’est certain, mais au moins cela à le mérite d’être unique en son genre !

 

 

Sinon j’ai trouvé ça et, j’avoue, j’ai ri.

Sometimes there are hidden easter eggs of sorts in movie’s graphics.
This is one of them but not a very good one.

 

VERDICT: TREAT

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