Lycanthropazine (Gunnm, 1991)

Lost (and found) in the 5th Dimension

Épisode 4

 

LYCANTHROPAZINE

Gunnm (1991)

 

“– Gally ? On dirait comme un nom de fleur…
– Moi j’aime bien… C’est un ami qui l’a trouvé.

 

 

Il m’apparait que je ne parle pas assez manga ou d’anime dans ce blog, et la raison n’est pas parce que j’esquive le sujet ou que je déteste, mais tout simplement parce que cela fait un bon moment que je n’ai pas vraiment eu l’occasion de le faire jusqu’ici. La faute aussi à ces séries composées de 30 volumes de plus de 200 pages chacune. Pour être franc, j’ai énormément lâché ces médias après la conclusion de Hellsing et je n’y reviens qu’occasionnellement. Mais avec l’horrible bande-annonce de Battle Angel Alita, alias Gunnm de son vrai titre, je me sens obligé de toucher deux mots à propos de la série avant que la campagne marketing et la communauté Geek ne vienne me dégoûter d’un manga qui compte parmi l’un de mes préférés. Gunnm, l’original, remonte aux années 90 et traite d’un monde post-apocalyptique plutôt unique en son genre malgré que les éléments qui le composent font parti des lieux communs habituels. C’est en grande partie grâce à son auteur, Yukito Kishiro, narrateur accomplit qui sait parfaitement gérer son récit et ses personnages et surtout donner une véritable atmosphère à son œuvre. Ça et son graphisme ultra détaillé, toujours lisible et très dynamique. Il n’a pas son pareil pour dessiner les machineries complexes et cela tombe bien puisque Gunnm traite essentiellement de robots et de cyborgs.

 

 

Pour faire court, et parce que la série s’est étirée à travers des suites et des spin-off (Gunnm: Last Order et Gunnm: Mars Chronicles particulièrement), l’histoire part du principe que la Terre n’est plus qu’une vaste décharge occupée par des miséreux. Mendiants, prostituées, criminels et mercenaires se croisent à n’en plus finir, et l’humanité est principalement composées de cyborgs puisque la vie est difficile et que la chair est très fragile. La mort y est si fréquente et si violente que tout le monde se fout de ce qui se passe autour de lui, et la série présente un monde glauque et dépressif où les meurtres et mutilations sont aussi courant que de marcher dans une merde de chien. Des débris pleuvent constamment depuis la cité aérienne de Zalem, endroit mystérieux qui ne sera visité que dans la dernière partie de Gunnm et où vit une supposée élite. C’est en fouillant dans une nouvelle fournée de déchets que Ido, un docteur humaniste et spécialisé dans la réparation de cyborgs, découvre le buste d’une androïde. Une créature dont le corps est artificiel mais le cerveau organique et intact. Il la reconstruit et la réactive mais elle est amnésique. C’est ainsi que commence l’intrigue et que nous découvrons Gally, une adorable brune à bouche de poulpe qui se découvre progressivement un talent naturel pour le combat, la mort et la destruction. Dans un premier temps, celle-ci cherche simplement à mener une vie simple et utilise ses dons insoupçonnés en devenant chasseuse de primes, nettoyant les rues de dangereux criminels.

 

 

Bien vite le récit va prendre un tournant tragique et l’adorable jeune femme va sombrer toujours plus loin dans l’horreur et la violence, se rapprochant toujours un peu plus de la “véritable” elle mais gardant cependant un sens de l’honneur et de la justice. A partir de là je pourrai écrire 150 articles à propos des divers personnages, machines et inventions qui peuplent la saga, mais j’avais juste envie d’évoquer ce minuscule passage se déroulant durant la courte période où Gally est une Hunter-Warrior. Car malgré que son univers soit entièrement SF, Yukito Kishiro aime y caser des éléments plus traditionnel de culture ou de folklore, comme pour explorer des mythes et des éléments fantastiques en les détournant sensiblement et les adaptant au cadre Cyberpunk. Ainsi peut-on trouver l’hilarante Lycanthropazine dans un court passage du 2ème volume. Une drogue qui, comme son nom l’indique, transforme le consommateur en lycanthrope ! Voilà donc qu’un fabriquant de stupéfiant se métamorphose en bête féroce, un loup-garou titanesque et bodybuildé, lorsque Gally vient l’arrêter ! La touche Kishiro ? Il conserve ses lunettes futuristes après sa transformation ! Ce court moment, en fait juste un flash-back humoristique servant d’introduction au personnage-clé de Yugo (premier amour de Gally dont le sort tragique va la bouleverser et changer sa vision du monde), m’a forcément marqué tant l’utilisation d’un monstre classique au sein d’un univers futuriste semble étrange et décalé.

 

 

La scène présente le vilain Megil le Pharmacien (ou le Chimiste, suivant la traduction), vieillard qui fabrique une drogue mortelle ayant décimée plusieurs consommateurs dans les rues. Sa tête est désormais mise à prix et l’héroïne vient arrêter ses activités malfaisantes, terrassant aisément les gardes cyborgs qui se dresse sur son chemin. Seulement le criminel n’est pas un simple trafiquant puisque tout ces morts n’étaient que des tests pour la fabrication d’une substance bien plus dangereuse: la fameuse Lycanthropazine, qui provoque une réaction chimique dans le cerveau, équivalente à la véritable condition de la lycanthropie. L’auteur s’amuse même à expliquer son fonctionnement via une astérisque, nous apprenant que le produit déclenche une régression psychique qui libère tous les instincts primaires et agressifs. Le sujet a la conviction de redevenir une simple bête et cela entraine alors une mutation corporelle similaire à celle des loups-garous, poussant les capacités physiques à leur extrême limite. Conséquence: Megil pète un câble, tue ses propres hommes et agresse Gally qui – et c’est le gag – se débarrasse malgré tout de lui en deux ou trois coups. Voilà qui préfigure les combats humoristiques de One-Punch Man puisque l’on y retrouve le même type d’humour: l’héroïne surpuissante est presque déçue du manque de combattivité du monstre, mais parce qu’elle est tête en l’air, trébuche aussitôt pour se vautrer lamentablement en tombant dans un trou.

 

 

Cela se poursuit quelques pages plus loin lorsque, tandis que la cyborg et Yugo font connaissances, Megil se relève, en morceaux mais toujours vivant, comme le Boogeyman de films d’horreur. Voyant que le petit garçon tente instinctivement de la protéger, Gally s’amuse à jouer la jeune fille apeurée et extermine discrètement le monstre d’un simple coup de pied, lui pulvérisant le cerveau à l’en faire couler par les oreilles ! Le corps mort, mais toujours debout, sera “achevé” par Yugo qui ignore tout de la vérité et pensera avoir sauvé sa nouvelle copine. C’est drôle, mignon et un bon moyen de présenter le personnage ainsi que sa relation naissante avec l’héroïne, surpuissante mais émotionnellement fragile. Les deux vont continuer à se revoir pour quelques aventures a la finalité dépressive mais importante, tandis que Megil et sa Lycanthropazine ne reviendront plus jamais. Dommage car le concept était sympa, mais peu importe vu la foule d’éléments tout aussi intéressant et délirant qui existe au sein du manga. Concluons donc avec quelques anecdotes, à commencer par le soucis du détail de Kishiro, qui montre l’injection du produit se faire directement dans le cerveau grâce à un système installé sur la tempe du personnage. Le genre d’idée à la fois géniale et répugnante qui donne toute sa saveur à l’univers de Gunnm. Dans la version française, la drogue se nomme un peu différemment, “Lycanthropenzine”, sans que ce changement ne soit expliqué. Cependant une toute nouvelle édition du manga sortie récemment aux États-Unis supprime complètement le terme pour le remplacer par une vulgaire “werewolf pill” (pillule loup-garou).

 

 

J’avoue alors douter de l’existence même du mot “Lycanthropazine” dans la version japonaise originale, puisqu’il est certain que la version française fut réalisée d’après la version anglaise d’alors. Et ça serait dommage, car il faut avouer que ce nom est amusant et sonne plutôt bien. Un peu comme le Zombrex de Dead Rising. J’amène mes lecteurs à faire les comparaisons par eux-même, surtout s’il existe des rééditions françaises retraduite, ce que j’ignore. Tout ce que je peux dire, c’est que la scène se trouve dans le second volume de Gunnm, chapitre 8 (ou Battle 8, puisqu’ils sont ainsi nommés). La publication originale remonte à 1991, la version française à 1995 et la nouvelle version anglaise est de 2017. Enfin, et de manière intéressante, le nom Yugo sera donné à un personnage dans le jeu de combat Bloody Roar, dont le gimmick est que les joueurs peuvent transformer leurs guerriers en monstre-garou pour décupler leur puissance. On y trouve un lion-garou, un kangourou-garou, un lapin-garou et Yugo se trouve être quant à lui… le classique loup-garou ! Référence ou hasard, là encore je ne sais pas, mais je me devais de le signaler.

 

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