The Rift (1989) | Endless Descent

 

The Rift

(1989)

 

And here we have nothing but darkness… and goosebumps.

 

 

Voilà un film dont les origines sont au moins aussi obscures que les abysses sous-marines auxquelles il fait référence. Sorti à l’international en 1989 sous le titre de The Rift, il n’est exploité qu’un an plus tard aux USA sous le celui de Endless Descent, ce qui est peut-être lié à son producteur principal, Dino De Laurentiis, qui décida de financer la chose anonymement. Pas de bol pour lui, le nom de sa fille se trouve au générique et cela facilite les recherches. Cette série B aquatique surfe sur la même vague que Deep Star Six, Lords of the Deep, The Evil Below et surtout le très cool Leviathan, justement produit par le même homme – autant de petits poissons cherchant à profiter du succès du raz-de-marée Abyss de James Cameron.
Ici pourtant le projet n’a pas commencé sous l’eau, et un premier script pondu par Colin Wilson, scénariste de Lifeforce, établit l’intrigue dans l’espace. Ce n’est pas tant qu’une énième copie d’Alien dérange le producteur, mais il veut vraiment continuer sur la mode Coquillages et Crustacés avant qu’elle ne disparaisse. Il demande alors à David Coleman, un inconnu, de réécrire le scénario. Celui-ci s’exécute et livre une version finale qu’il doit alors traduire à la fois en Italien, pour le producteur, et en Espagnol, pour le réalisateur qui ne parle pas du tout la langue de Shakespeare. Et celui-ci n’est autre que le Juan Piquer Simón, le visionnaire derrière Supersonic Man et Le Sadique à la Tronçonneuse !

 

 

Le choix pourra paraître étrange, et même si Dino De Laurentiis est lui-même coupable de nanars de très haute volée (citons Red Sonja et le King Kong de 1976, qui furent la risée de tous), il demeure un grand ponte du milieu Hollywoodien. A des années-lumières du petit Bisseux dont les films ne sortent qu’en catimini dans les vidéos-clubs. Comment une telle association est-elle possible ? C’est tout simplement grâce à sa fille Francesca, qui s’est essayée à la production l’an précédent avec un tout petit film de limaces mutantes: le célèbre Slugs.
C’est par son intermédiaire que tout se fait et elle reprend son rôle de productrice avec The Rift, comme pour protéger son papa en cas d’échec au box office. Un titre honorifique certainement. Tout comme celui de “Mark Klein”, nom qui apparait à côté de Simón sous le crédit “Story by” et qui désigne une personne qui n’existe tout simplement pas. Peut-être un pseudonyme pour De Laurentiis, ou bien Colin Wilson, allez savoir. Le générique va même jusqu’à présenter une “dialogue coach” à leurs côtés, ce que je crois n’avoir jamais vu auparavant.
Il très commun pour un film de petite ampleur d’avoir une histoire de production chaotique et difficile à retracer car pleine d’improvisations, de décisions de dernière minute et de coups du hasard, mais on associe rarement ces choses là avec un grand nom du cinéma comme De Laurentiis. D’un autre côté il s’agit aussi du gars qui a validé la construction d’un robot King Kong taille réelle pour son remake, alors ce n’est peut-être pas si étonnant…

 

 

On penserait que la non maitrise de la langue anglaise serait un handicap au sein d’un tournage américain, mais le metteur en scène est débrouillard et s’est entouré de quelques collaborateurs hispaniques pour gagner du temps: la quasi totalité des techniciens, pas mal de monde dans le management, et même quelques complices réguliers comme son directeur de la photographie. The Rift est en fait une co-production américano-espagnole et le résultat – s’il ne change pas fondamentalement des habituelles copies d’Alien ou de The Thing – peut se targuer d’avoir une touche “Européenne” qui le rend un peu plus exotique, moins routinier que ses congénères. En fait quiconque verrait des images du film hors contexte jurerait qu’il s’agit là d’un Bis italien ! Plus d’une fois les visuels renvoient à quelques classiques du genre comme Contamination ou Alien From the Deep, entre les combinaisons blanches anti-virus à la Zombi 3, les monstres qui pourraient provenir d’un Lamberto Bava et la multiplication de mauvais accents qui rappel les doublages douteux de cette époque bénie.
Même chose pour les dialogues qui sonnent très faux, très artificiels, comme pour bien rappeler que nous sommes dans un univers factice (d’où la nécessité du coach ?). Un peu comme si nous avions affaire à un jeu vidéo. Et justement cela tombe bien puisque, en essence, l’intrigue n’est rien d’autre qu’un prototype de… Resident Evil ! Remplacez le cadre terrestre par une grotte sous-marine et vous avez là pratiquement une copie carbone du tout premier volet de la saga de Capcom.

 

 

L’histoire tourne autour de la disparition mystérieuse de l’USS Siren-1, un sous-marin révolutionnaire développé par Wick Hayes pour explorer les profondeurs de l’océan jusqu’ici jamais atteinte. Hélas pour l’inventeur, son projet fut détourné par la compagnie financière à des fins militaires. Dégoûté, il démissionne, et divorce même, puisque sa femme préfère continuer à travailler avec la firme malgré cette trahison. Ironiquement, Wick n’est plus qu’une épave qui noie sa colère dans l’alcool et le tabac, jusqu’au jour où son ancien employeur fait appel à lui pour signaler la perte du sous-marin: un supposé accident dans une zone abyssale, la coupure radio empêchant de savoir exactement ce qui s’est passé.
On lui demande alors de prendre part à la mission de sauvetage à bord de Siren-2, afin de secourir les éventuels survivants, mais Wick refuse. La compagnie le manipule alors et le présente comme coupable de la situation puisque c’est lui qui a développé le sous-marin à l’origine. Contraint de participer à l’aventure, il prend place dans le deuxième submersible où l’équipage le croit effectivement en faute. Pour rajouter aux tensions, il y retrouve également son ex-femme qui est en froid avec lui et un Capitaine de la Navy ayant très peu d’égard pour lui…

 

 

Jusqu’ici voilà un parfait clone d’Abyss et ce n’est sans doute pas un hasard si les 45 premières minutes du film sont un peu ennuyeuses, montrant essentiellement les personnages bavarder dans les trois pièces servant de décors au navire et quelques plans flous de celui-ci flottant dans un bassin. Toutefois les choses changent lorsque le groupe s’engage dans la fosse océanique où repose Siren-1, découvrant d’étranges algues qui ne devraient pas se trouver là. Un plongeur par en éclaireur afin de rapporter un spécimen, mais il est immédiatement broyé, ou déchiqueté, par les plantes qui s’animent alors (merci au stock-shot du tentacule de pieuvre pour simuler l’attaque).
Non seulement ça, mais tandis que l’échantillon rapporté en laboratoire commence lui-même à dégénérer, tuant les poissons de son bocal à coup de toxines mortelles et grandissant démesurément au point d’envahir toute la pièce, Siren-2 est attaquée par une étrange créature gigantesque, sorte d’amibe mutante aussi grosse que le sous-marin !
Dans ce qui doit être un hommage à 20.000 Lieues Sous les Mers, l’équipage se débarrasse du monstre par des chocs électriques. Et après quelques péripéties de navigation montrant le submersible devoir se poser sur une corniche minuscule ou naviguer dans un tunnel en éruption, The Rift abandonne enfin Abyss pour retrouver le schéma traditionnel d’Alien.

 

 

Et c’est d’ailleurs là qu’il devient pleinement divertissant, enchainant les séquences folles et rythmées les unes à la suite des autres, sans temps mort. Ainsi l’équipe détecte un appel de détresse lancé depuis un campement de fortune, établit dans une grotte sous-marine dotée d’une poche d’air. L’endroit est cependant saturé de gaz toxique et surtout de mutants venimeux et carnivores. Car il se trouve que Siren-1 n’a jamais eu l’accident et que toute la zone est un vaste laboratoire visant à créer des armes biologiques, à la manière d’Umbrella dans les Resident Evil. Comme dans les jeux, un accident de laboratoire a provoqué une contamination totale de la zone, tuant les chercheurs et laissant leurs créatures libres de pulluler et de se reproduire.
La mission de secours devient une lutte pour la survie, beaucoup succombant sous les attaques des différents monstres tels les S.T.A.R.S. dans le jeu original: de gros insectes aux yeux à facettes sortent des parois de la cave pour mordre les explorateurs, provoquant un effet similaire aux cocons de Contamination, un petit serpent de mer poursuit un radeau en poussant des cris de perroquet ; on y croise des mutants aussi variés qu’un tentacule géant à tête de sangsue, un adorable poisson sur pattes gros comme un chien et des bébés Gill-Men enfermés dans des œufs de poisson, dont l’un va éclore. L’algue se développant dans le submersible rappelle un peu Plant 42 et transforme tout ce qu’elle touche en végétation visqueuse, y compris l’équipage…

 

 

Et puis bien sûr il y a l’équivalent de la Reine d’Aliens, ici une sorte d’étoile de mer géante collée au plafond de la grotte et veillant sur l’incubateur artificiel ayant servi à créer les hybrides hommes-poissons. La chose possède une bouche-tentacules qu’elle envoie promener pour gober un des sauveteurs à la manière du Sarlaac du Retour du Jedi. De mémoire, Juan Piquer Simón voulait déjà une mère pondeuse géante pour son Slugs, donc il est possible que ce rajout soit de lui.
Bref, si The Rift est votre habituel clone de vidéo-club et il n’invente rien, mais il sait cependant se montrer très généreux en bestioles gluantes et en effet gore: des têtes explosent dans des déluges de sang, des jambes sont arrachées, et les créatures rendent l’âme dans de belles giclées rouges. Et avec ses fusillades, son bestiaire ultra varié, son boss de fin, son laboratoire ravagé et sa course contre la montre avant l’explosion finale, le film est une véritable check-list pour les joueurs de Resident Evil. Sans surprise, on retrouve même un traitre de service chargé de récupérer les données des recherches, à la manière d’Albert Wesker, et qui trouvera une mort horrible alors qu’il pensait triompher. Voilà donc un film bien plus plaisant, recommandable et représentatif de la saga que les horreurs pondues par Paul W.S. Anderson ces vingt dernières années !

 

 

Malgré le parrainage de De Laurentiis et la présence de très grands acteurs comme R. Lee Emrey, qui savait très bien dans quoi il s’engageait et ne pouvait pas être plus désintéressé, mais resta professionnel au point de livrer une performance solide, et Ray Wise dans un rôle qui lui va a merveille (sans rire, cet homme a t-il déjà joué autre chose que les ordures ?), il convient de rappeler que cette production est avant tout un film Bis. Un vrai, bien cheap, avec ses bricolages, ses nombreux défauts et ses bizarreries. Pas surprenant alors de se retrouver avec des maquettes de sous-marins qui évoquent des jouets (surtout avec ce jaune poussin), le cliché du Black grande gueule qui passe son temps à blaguer ou à geindre (“Oooooh shiiiiiiit !!” dit-il quand une anémone de mer géante l’avale) et un “Son of a bitch !” répété en boucle vaut bien le “Bastard !” de Pieces. Le film est court, 83 minutes en tout, les monstres ne sont pas toujours bien visibles et il manque peut-être un autre mutant ou une mort plus marquante pour rendre The Rift véritablement mémorable.
Pas de quoi bouder son plaisir pour autant car voilà un Bis injustement oublié, fun et nostalgique, qui en plus se regarde très rapidement. Simón lui-même n’y a sans doute pas passé un mauvais moment puisqu’il réunira le scénariste et sa coach de répliques pourries pour les besoins de son prochain opus, Cthulhu Mansion. Quant à Francesca De Laurentiis, sa carrière s’arrêtera globalement là puisqu’elle ne fera rien d’autre que gérer la série Les Nouvelles Aventures de Zorro après cela. Comme quoi, le pistonage ne paie pas toujours !

 

 

 

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