Blades (1989)

 

Blades

(1989)

 

 

Blades, sorti chez nous sous le titre de Panique sur le Green, n’est rien d’autre qu’une parodie des Dents de la Mer se déroulant sur un terrain de golf, le requin étant replacé par une gigantesque tondeuse à gazon. On la doit à John P. Finegan, réalisateur du sympathique Girls School Screamers, qui officie cette fois comme scénariste et producteur même s’il y a visiblement eu de gros changements entre son idée de base et le résultat final. Il semblerait qu’à l’origine le film devait être une satire plutôt qu’une reprise scène par scène du film de Spielberg, mais le développement mouvementé du projet aurait changé tout ça. Difficile à prouver étant donné le manque d’informations tangibles sur le sujet et il est de toute façon compliqué de comprendre en quoi cet angle aurait été différent de celui de la caricature, car le principe repose de toute façon sur l’imitation de l’œuvre original. A moins que l’idée était de se moquer des Country Clubs et de leur clientèle, auquel cas effectivement cela passe au second plan la majorité du temps.

 

 

Dans tous les cas on se retrouve avec un récit qui détourne une histoire très connue, ce qui en fait à la fois sa force et sa faiblesse. Sa force parce que le nouvel environnement étant si particulier, il est forcément intéressant de voir quels changements ont été apportés aux séquences les plus célèbres. Sa faiblesse car aussitôt qu’il se passe quelque chose d’autre à l’écran, des passages originaux, on s’en moque éperdument puisqu’ils font simplement office de remplissage et sont ennuyeux. Car toute parodie qu’il soit, Blades n’est pas ouvertement drôle ni surchargé de gags comme dans un Y a t-il un Flic… ou Y a t-il un Pilote…, et sa première partie se montre parfois même plutôt sérieuse lorsqu’il s’agit de présenter les personnages principaux. Reconnaissons-lui quelques scènes atmosphériques, celles se déroulant dans les bois brumeux avec la lumière qui filtre par les branches tandis que le “cri” du monstre résonne, et toutes les séquences en vue subjective de la tondeuse qui parcours le gazon et les champs, évidemment reprises aux images sous-marines de Jaws où l’on se trouve la place du requin, même si l’effet évoque plutôt la fameuse shakycam de Evil Dead (la bête en reproduit même l’étrange bruit distordu).

 

 

Du reste il faut se farcir les déboires de Roy, ancien joueur de golf professionnel qui est tombé bien bas et doit désormais jouer les entraineurs dans un club minable. Dépressif, alcoolique, il s’attire même les foudres de son ex qui travaille également ici et visait le poste qu’il vient de récupérer. Bien sûr la dame en pince toujours pour lui et la série de meurtres étranges qui vont avoir lieu vont finir par les rapprocher de nouveau. Car plusieurs joueurs sont retrouvés morts sur le green, leurs corps complètement déchiquetés, et tout laisse à penser qu’un tueur en série est responsable de la situation. Un énigmatique jardiner rôde d’ailleurs dans les parages et Roy va tâcher de prévenir le propriétaire du domaine qui, bien sûr, refuse de le croire. Celui-ci n’est intéressé que par le grand tournois qui va bientôt avoir lieu, se mettant alors le chef de la police dans la poche afin de cacher les crimes sauvages qui se font toujours de plus en plus nombreux…

 

 

C’est lorsque le film décide de lâcher l’enquête mollassonne des débuts pour rejouer les moments clés de Jaws que les choses démarrent vraiment. La mort du petit Alex Kitner est détournée durant une séance de démonstration de golf, un pauvre ramasseur de balle se faisant happé dans les fourrés tandis qu’une gerbe de sang éclabousse les alentours. La chasse générale qui s’ensuit est probablement ce que le film propose de plus outrancier, puisque groupe de marins très motivé pour toucher la prime est remplacé par une véritable milice civile que les forces de l’ordre engagent solennellement devant la bannière étoilée, chacun équipant son caddie d’explosif, de fusils et de mitrailleuses. Les chasseurs bombardent et incendient le parcours de golf tandis que résonne La Chevauchée des Walkyries et qu’un hélicoptère survole la zone. Un chaos général qui prête à sourire car effectivement très proche de la scène originale malgré les exagérations.

 

 

S’ensuit la capture du faux coupable (le jardinier, ici en fait le Quint de service qui est un vétéran de la guerre de Corée) et la dissection du sac d’herbes de sa tondeuse en guise d’autopsie du requin. Et quand la créature fait son apparition devant tout le monde lors de la compétition, pulvérisant les jambes d’un tricheur qui s’apprêtait à remporter la coupe, nos héros vont devoir s’associer avec l’intendant du terrain afin de la pourchasser et de la détruire. C’est là que le film se révèle, la fameuse traque se déroulant pratiquement à l’identique de celle des Dents de la Mer sauf que l’Orca est ici un vieux van avec une passerelle sur le toit et que les flotteurs sont remplacés par des bottes de foin avec des ballons de baudruche accrochés dessus ! L’ancien soldat utilise à la fois des explosifs de la guerre et des paquets de sucre qu’il compte verser dans le réservoir de la tondeuse tandis que le fameux speech à propos de l’USS Indianapolis est remplacé par les origines nébuleuses de la bête – la création du père du jardinier qui semble s’être rebellée après vingt ans de loyaux services lorsqu’il fut décidé de la remplacer par une machine japonaise plus perfectionnée ! Car dans l’univers de Blades, il est sous-entendu que les machines ont en fait leur propre personnalité et peuvent se retourner contre leurs utilisateurs.

 

 

Ça délire pas mal et il faut reconnaitre au film un sacré atout avec la mise en scène très maitrisée du réalisateur. Pour quelqu’un dont il s’agit du tout premier essai, il n’hésite pas à faire des mouvements de caméra complexes, à exploiter visuellement le cadre du terrain de golf pour varier autant que possible ses décors, sait créer des éclairages d’ambiance lors des scènes nocturnes et au final prend véritablement exemple sur Spielberg dans la façon d’exploiter son monstre. Comme le requin, l’engin n’apparait jamais devant la caméra durant la première partie et seul de petits morceaux sont visible lors de sa grande apparition durant le tournois. C’est pendant la traque finale où la machine apparait dans toute sa splendeur avec notamment une silhouette en contre-jour lors du couché du soleil plutôt remarquable. Et la chose ne déçoit pas trop puisqu’elle évoque une sorte de mini moissonneuse-batteuse, entièrement automatisée et dotée de plusieurs rabatteurs, dont le pot d’échappement laisse s’échapper une monstrueuse fumée noire.

 

 

Un bel engin qui devient même sacrément menaçant dans la seule scène gore du film, reproduisant la mort de Quint, quand elle met en charpie les jambes de son adversaire. Dommage que Blades ne soit d’ailleurs pas plus violent car toutes les mises à mort se font malheureusement hors champ et les cadavres en bouilles ne sont jamais vraiment sanguinolent, ressemblant plus à des tas de vêtements couvert de terre qu’à autre chose. Reste quelques membres coupées ici et là dont les bras d’un couple d’amoureux se tiennant encore la main, été déchiquetés alors qu’ils s’envoyaient en l’air. Il est probable que cela soit un choix volontaire de la part des responsables qui voulaient avant tout livrer une parodie plutôt qu’une véritable série B et c’en est presque dommage tant il y avait là un véritable potentiel qui n’est jamais pleinement exploité, alors que les vannes , elles, sont moyennement drôles.

 

 

Quelques trouvailles quand même, comme ces multiples body bags pour un même cadavre avec des étiquettes approximatives quant au contenu qu’ils renferment (dont un point d’interrogation pour l’un d’entre eux), et cette scène où l’entraineuse d’un groupe se demande si elle doit faire une minute de silence pour la dernière victime en date, se voyant répondre par les autres de plutôt continuer la leçon. Un magazine Playboy remplace la plaque d’immatriculation trouvée dans le ventre du requin lorsque les héros font leur examen de la mauvaise tondeuse et il y a l’assistant du jardinier qui se nomme Jason et utilise un masque de hockey à la place d’un casque de soudure. Citons également une scène post-générique de fin montrant une possible suite intitulée Hedges à propos d’un taille-haie qui fonctionne tout seul (“Just when you thought it was safe to trim.”) tandis qu’un coup d’œil sur le casting montre qu’un acteur se cache derrière le pseudonyme d’Alan Smithee, généralement plutôt réservé aux réalisateurs…

 

 

Blades ne s’en sort pas si mal finalement, même si on ne peut que regretter que les responsables ne se soient pas laissés aller à pondre une véritable histoire de tondeuse tueuse plutôt qu’une simple reprise des Dents de la Mer entrecoupées de séquences parfois bien ennuyeuse. En tout cas, avec un sujet pareil, pas étonnant que la Troma se soit emparé de la chose pour gonfler son catalogue, le distribuant un an après sa finalisation avec une affiche exagérément comique et très “série B” dans l’esprit, pour attirer le spectateur. Comme souvent avec eux l’emballage est meilleur que le produit en lui-même, encore que dans le cas présent le film n’est quand même pas si mal !

 

 

 

         

2 comments to Blades (1989)

  • Anonyme  says:

    Que de souvenirs!!! 🙂

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