Wanted (2008)

 

Wanted

(2008)

 

 

Du comic book original, il n’en reste plus grand chose dans cette adaptation Hollywoodienne standard, du genre blockbuster bêta et superficiel. Et c’est quelque part tant mieux puisque la BD de Mark Millar est une sacrée purge. Une satire très mal branlée de l’univers des super-héros, bien souvent mis à mal par les auteurs british à l’esprit punk souvent issu de l’école 2000AD: Alan Moore à son Watchmen, Garth Ennis à son The Boys, Pat Mills à son Marshal Law et Warren Ellis à son Black Summer… Des œuvres qui rentrent dans le lard aux Big Two que sont DC et Marvel, mais qui demeurent malgré tout plaisantes parce qu’elles sont drôles, pertinentes, caricaturales tout en proposant des histoires et des personnages intéressant. Millar, lui, n’a ni le talent ni même l’envie de déconstruire le genre et son Wanted version papier n’est qu’un délire immature et volontairement méchant qui crache sur tout et tout le monde juste pour être edgy, provoc, comme un adolescent con qui pense être génial.

 

 

Capable du pire lorsque l’occasion se présente (Nemesis, Trouble, The Unfunnies), l’homme n’est pas franchement un modèle de subtilité et semble même se complaire dans la bêtise grasse et beauf, en témoigne son improbable héros qui ressemble à un sosie du rappeur Eminem. Plutôt que d’en faire un individu normal et innocent pour mieux le projeter dans une origin story maléfique le transformant progressivement en super vilain, sorte chemin inverse prit par les protagonistes habituels de ce type d’histoire, l’écrivain se contente de nous présenter un petit con détestable qui chie sur tout ce qui l’entoure et maudit sa vie ordinaire qui n’est pourtant pas si mal. Un crétin fini rendu invulnérable à toutes les situations par son créateur qui veut désespérément le rendre cool auprès des jeunes lecteurs grâce à ses mauvaises actions, gores, irrévérencieuses et donc forcément rebelles. Sauf que l’époque “extrême” des années 90 est dépassée depuis longtemps et que le concept fonctionne mieux avec un vigilante qu’un vulgaire psychopathe.

 

 

Une sacré tare qui n’est guère rattrapée par l’intrigue dont le point de départ n’est jamais vraiment développé: l’idée est que dans les années 80, tous les super criminels se sont réunis pour former une armée et décimer la totalité de leurs adversaires, prenant ainsi le contrôle du monde en se le partageant. Mais malgré que les pires monstres et tyrans soient au pouvoir, la civilisation reste inchangée et l’humanité a même oubliée l’existence de tous ces surhommes en seulement vingt ans. Quant aux méchants, pourtant fous et sanguinaires, jamais ils ne se battent entre eux et tous respectent des règles de bonnes conduites pour ne pas éveiller les soupçons. Le Joker en rirait certainement. Évidemment ce concept est trop difficile à représenter au cinéma, entre le budget, les costumes et le risque que posent certains personnages trop proche de leurs équivalents chez DC et Marvel. Tout cela est donc totalement balayé au profit d’une simple société secrète d’assassins, la Fraternité, qui existe depuis un millier d’années à l’insu de tous.

 

 

Ni mercenaires ni tueurs à gages, les membres de ce groupe ont pour tâche de préserver l’équilibre “d’un monde sur le point de sombrer dans le chaos” en supprimant certaines personnes choisies par le Destin lui-même, rien que ça. Un peu comme si la Mort de Destination Finale faisait de la sous-traitance. Leur méthode d’opération est cependant si absurde qu’il est étrange qu’aucun d’eux n’ait jamais cru bon de la remettre en question: leur chef Sloan doit décrypter le noms des cibles à travers un code crypté généré… par la toile d’un métier à tisser ! Il faut voir Morgan Freeman expliquer avec sériosité comment il arrive à lire le message dans le tissu en fonction de la disposition des fibres… La référence aux Moires de la mythologie grecque n’échappe pas, mais n’est pas Grant Morrison qui veut et l’idée fait franchement tâche dans cet univers où seules importent les scènes d’action beaufs et m’as-tu-vu visant réalisée à grand renfort de CGI high tech. Le public visé est loin d’être cérébral et le décalage qui en résulte devient assez ahurissant.

 

 

D’autant plus que le metteur en scène n’est autre que le russe Timur Bekmambetov, auteur des pas très fins Nigth Watch et Day Watch où la forme a plus d’importance que le fond, au point où l’absurdité totale des cascades et des scènes d’action transforment parfois le film en un vidéoclip. Chez lui toutes les lois élémentaires de la physique et de la logique sont à jeter par la fenêtre et ici les personnages développent des compétences surhumaines sans la moindre explication, juste pour faire cool et éventuellement rappeler les racines “super (anti) héroïque” du Wanted original. Tout est à l’excès, avec des effets visuels tape-à-l’œil (bullet time, fisheye, ralentis, montage cut, un vrai best of de Matrix, Requiem for a Dream et de la filmo de Edgar Wright) comme bien souvent d’ailleurs dans ces blockbusters russes du genre. Pas surprenant d’apprendre que c’est la propre boite du cinéaste qui s’est occupée de la majorité des effets spéciaux. Le résultat est aussi clinquant et vulgaire qu’un clip de gangsta rap, avec belles voitures et nanas sexy et tatouées à l’appuie.

 

 

Au moins l’image très soignée, les CGI et autres incrustations en fond vert tiennent encore bien la route même en HD, reconnaissons au moins cela. On peut même dire que l’esthétisme et l’arrogance toute particulière du film en fait autant une force qu’une faiblesse, puisque du coup Wanted s’éloigne un peu des standards Hollywoodien et de leurs productions insipides et similaires au point de la confusion, tel un Hitman ou un Max Payne. Ici les balles et les armes ont un aspect rétro / art déco plutôt appréciable, les balles se percutent les unes aux autres comme dans un anime japonais et le protagoniste apprend à tirer sur des cadavres suspendus à des crochets d’abattoir. On retient cette scène où un clavier d’ordinateur sert à exploser la tronche d’un faux ami dont les dents volent en éclat autant que les touches, celles-ci affichant “fuck you” dans les airs, et où le héros envoie chier sa patronne en plein boulot avec un hargne qui fait plaisir à voir – séquence bien plus réussi que dans la BD au passage.

 

 

Hélas il n’y a pas grand chose à retenir de l’intrigue plutôt plan-plan qui est raconté ici, avec ce jeune paumé qui se découvre une nouvelle vie lorsqu’une femme fatale débarque un beau jour pour lui annoncer qu’il est le fils d’un légendaire tireur d’élite tout juste assassiné. Alors que son meurtrier en a désormais après lui, le jeune homme est engagé par la Fraternité pour devenir le remplaçant de ce père qu’il n’a jamais connu et venger sa mort. Vite grisé par l’appât du gain et du pouvoir (sous le stress son cerveau fonctionne au ralenti, lui permettant de viser à la perfection avec une arme à feu), il endure un entrainement à la dure à base de passage à tabac et de combats au couteau. Mais les apparences sont évidemment trompeuse et alors qu’il rattrape sa cible, il découvre qu’on lui a menti afin de se débarrasser d’un agent ayant découvert une vérité bien dérangeante à propos de l’organisation. Un fuyard qui se trouve d’ailleurs être son papa, toujours en vie et déterminé à sauver son enfant des griffes d’une belle bande de salopards réinterprétant à leurs guises les propos du Destin…

 

 

Pas mauvais mais rien de transcendant non plus, d’autant que ce twist arrivant à mi-film désengage Wanted de son parti pris original (l’émergence d’un super vilain) au profit d’une aventure plus classique et au dénouement somme toute moral. Mais à l’arrivé tout le monde s’en fout, du spectateur au réalisateur plus intéressé par la stylisation rococo des scènes d’action, et jusqu’à Mark Millar qui profita surtout que le tournage ait lieu juste à côté de celui de Dark Knight pour s’y faufiler en douce et mater le Batpod avant tout le monde. Grillé par un producteur en visite, il fut expulsé pour sa peine, ce qui l’embêta sans doute bien plus que les multiples réécritures apportées à sa bande-dessinées. Entres autres modification, citons ceux exigés par Angelina Jolie, en mode bimbo pouffiasse par excellence avec son physique à la Jessica Rabbit, qui demanda à ce que ses scènes soient modifiées afin de mieux lui correspondre et ainsi flatter son égo. Dans son délire mégalo, celle-ci affirma avoir joué son rôle à la manière de Clint Eastwood.

 

 

La réalité est tout autre et on retient surtout qu’elle nous y montre son cul au final, son personnage de tueuse arrogante et forcément géniale n’étant ni convaincant ni intéressant, et très proche de celui que Milla Jovovich s’est conçu avec la saga des ignobles Resident Evil. Heureusement il reste du beau monde pour rattraper tout ça, a commencer par son partenaire de scène James McAvoy, alors jeune et inconnu mais déjà très convaincant. Morgan Freeman n’a rien besoin de faire pour être charismatique et Terence Stamp fait une courte mais solide apparition. On y retrouve même Chris Pratt, un peu dodu et pour un rôle secondaire mais déjà très divertissant. Et a ce propos il convient de mentionner le grand final qui verse pour le coup dans la vraie série B avec des rats explosifs, un boucher capable de couper les balles qui lui sont tirés dessus avec ses gros couteaux, quelques plans gores (une tête traversée par une balle, le canon du flingue se plantant ensuite la blessure pour continuer à tirer sur d’autres cibles) et Morgan Freeman s’écriant “motherfucker”.

 

 

De quoi rattraper un peu les errances narratives et la futilité de la stylisation à outrance du film, mais pas assez pour combler les vides d’une œuvre fondamentalement creuse et insolente. Le modeste résultat au box office posa un temps la question d’une suite, mais le projet fut finalement abandonné. Contre toute attente c’est le jeu vidéo Wanted: Weapons of Fate qui fit office de séquelle, raccrochant même les wagons avec le comic original en plus d’être un excellent shooter à la troisième personne. Un titre pour le coup bien plus recommandable que son grand frère. Quant à Mark Millar, il s’en remit bien vite puisque Kick-Ass débarqua quelques temps plus tard avec un succès bien plus fulgurant. Jamais le dernier pour piller ses propres idées, il recycla le concept d’unification des super-vilains comme toile de fond pour son sympathique Old Man Logan (même si l’idée y fonctionne encore moins: comment Magneto, Juif rescapé des camps de la mort, pourrait faire alliance avec ce Nazi de Red Skull ?) tandis que pas mal d’éléments de Wanted furent incorporés dans Kingsman: Services Secrets.

 

Mark Millar licks goats.

 

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