Twisted Nightmare
(1985)
“Hey fuck you, Miss Perfect ! And don’t you EVER call me a pussy !”
– Dean, détruisant un lit de camp
Il y a, au sein de la communauté Horreur / Fantastique, une légende urbaine autour du support magnétique, le présentant comme meilleur à ce qui se fait actuellement. Beaucoup de mes collègues préfèrent d’ailleurs la VHS de leur jeunesse au Blu-Ray moderne, y trouvant une image plus brut, plus crue, plus approprié pour les films qu’ils regardent. Cela devient même un gage d’élitisme car le passionné qui aura la malchance d’avoir été trop jeune pour connaitre cela ne sera jamais considéré de la même manière. Toutefois je me dois de dénoncer cette rumeur qui n’est en fait qu’une simple préférence, une idée déformée par le prisme de la nostalgie.
Car les cassettes vidéos étaient loin d’être parfaites et même un des pires moyens de découvrir un film tant le format et les éditeurs cumulaient les scories: colorimétrie variable d’une copie à l’autre et faiblissant au fil du temps, matériel de qualité inférieur mourant plus rapidement et engendrant parasites et neige à force de visions (et parfois, même neuf !), soucis de contraste ou de luminosité rendant certains titres inregardable (quiconque a fait l’expérience de Gunhed saura de quoi je parle), format d’origine souvent modifié pour correspondre aux écrans carrés des téléviseurs d’époques, et puis n’oublions pas le Pan & Scan…
Tout simplement, les films sur cassettes vidéos étaient souvent dotés d’une image merdique, flou, trop sombre ou perturbée par des artefacts, rendant bon nombre de visionnages très pénibles. On s’y habituait, on apprenait à deviner ou discerner ce qui se déroulaient sous nos yeux, mais la vision initiale du cinéaste s’en retrouvait généralement meurtrie.
Ce qui m’amène à Twisted Nightmare, chez nous Au-Delà du Cauchemar, jusqu’ici complètement inédit depuis les années 80 et jamais ressorti de quelque manière que ce soit depuis son run original. Entre la petitesse du film, à faible budget, et le fait que les bandes magnétiques vieillissent très mal, les rares copies disponibles de ce slasher méconnu étaient toutes dans un état déplorable et difficile à supporter pour les yeux. J’ai fait l’expérience avec la chose en 2013, lorsque je pratiquais mon anglais en écrivant des fiches de monstres plutôt que de recopier des passages ennuyeux de vieux romans British, et, comme le prouvent les captures d’écran, ce fut une véritable épreuve.
C’est donc avec une grande surprise et une certaine joie que j’ai découvert le nouveau transfert HD effectué par Code Red, pour le Blu-ray sorti l’été dernier. L’œuvre est enfin disponible dans son format d’origine avec une image nettoyée, et quand bien même le résultat est loin d’être parfait (restauration faite à partir de l’unique copie 35mm restante, qui devait être dans un sale état comme le prouve les multiples griffures et artefacts) c’est quand même le jour et la nuit. Et quiconque tente de me prouver que l’ancienne version est supérieur est soit de mauvaise fois, soit en proie au délire. Alors évidemment, certains diront que Twisted Nightmare ne mérite de toute manière pas un traitement HD et, dans un sens, leur argument se tient. Voici un slasher qui débarque lorsque le genre s’épuise avec la disparition des années 80. Il est fade, sans aucune originalité, recycle de nombreux éléments déjà vu, en mieux, auparavant et n’a pour lui que deux ou trois idées qui n’impressionneront pas grand monde.
C’est le fond du panier, là où vous vous égarez quand vous avez vu tous les classiques, les perles, les cultes et les méconnus qu’il convient de retrouver. C’est moins un film que du bruit de fond, pas dérangeant mais auquel vous ne prêtez pas vraiment attention. Du coup quelle importance qu’un tel navet soit réédité dans des conditions respectables ?
Je répondrai que, au contraire, il est plutôt hallucinant et bienvenu de voir même la dernière des merdes être traitée avec un minimum de respect, comme véritable film, et obtenir une nouvelle sortie, pour des titres que ont parfois sautés la case DVD et auraient pu disparaitre dans les limbes pour toujours. C’est encore plus important quand ils n’ont pas de noms connus pour la soutenir, d’effets spéciaux novateur pour sortir du lot, ne pouvant alors recevoir aucune faveur, aucune préférence. Pouvoir disposer d’une copie nouvelle génération, les sauvant de l’oublie ou leur offrant une seconde chance via des conditions de vue plus confortables, est un aubaine qu’il serait bête de refuser.
Et donc qu’en est-il de Twisted Nightmare maintenant qu’il apparait au mieux de sa forme ? Pas grand chose en effet, toutefois il est bon de souligner deux-trois petits détails qui furent à un moment ses seuls arguments de vente. D’une part il a été dit et répété que le film a connu une très mauvaise distribution, datant en fait de 1982 et ayant été bloqué dans les tiroirs du producteurs pendant cinq ans. C’est en partie vrai, mais il y a beaucoup de faux: d’une part il suffit de regarder la filmographie de ceux qui ont participé pour voir que la plupart d’entre eux n’ont pas commencé a travailler dans l’industrie avant la deuxième moitié des années 80.
Ensuite, une interview présente sur le Blu-ray vient confirmer qu’il s’agit d’une rumeur déformée. Le film date de 1985 et n’aura attendu que deux ans avant de sortir, via une minuscule distribution cinéma tout d’abord, avant de finir sa course au rayon vidéo. Voilà une information importante au regard de l’autre anecdote qui est rapportée fréquemment et qui concerne le lieu de tournage, une petite ferme avec une grange effectivement très reconnaissable puisqu’elle est celle de Vendredi 13 n°3. Il y avait ainsi beaucoup de spéculation sur le fait que Twisted Nightmare aurait pu être tourné au même moment. Une demi-vérité puisque, si les deux films partagent le même décors (le Veluzat Motion Picture Ranch, en Californie), les dates ne correspondent désormais plus. Qui plus est, l’endroit a abrité bien d’autres productions, de L’Agence Tous Risques où la bâtisse apparait dans plusieurs épisode, à House 4, en passant par Warlock, La Maison des 1000 Morts ou encore The Last Man Standing de Walter Hill et tout un tas d’autres trucs !
La vérité étant rétablit, le film parait maintenant beaucoup moins intéressant et il y a effectivement une raison pour laquelle il a sombré dans l’oublie jusqu’à 30 ans plus tard: il s’agit d’une production qui sent l’amateurisme à plein nez, quand bien même son réalisateur, Paul Hunt, est un vétéran ayant une quinzaine de film – et pas un seul de notable – à son actif. Pire, il fallu l’intervention d’une seconde personne pour que le résultat ait l’air un minimum présentable: Charles Philip Moore, parfois crédité comme co-réalisateur même si sa contribution est bien plus modeste que ça. Le futur réalisateur de Demon Wind et du Blackbelt avec Don “The Dragon” Wilson y trouve ici son premier job, tant au script que derrière la caméra, et dû intervenir pour confectionner quelques scènes additionnelles pour relever un peu la catastrophe soporifique qu’était Twisted Nightmare.
Il faut dire que Hunt se moque totalement de ce qu’il fait: “I personally hate horror films and did Twisted Nightmare as a favor for Ed De Priest.” Déjà pas un grand metteur en scène, son manque d’intérêt pour le projet est frappant et le slasher ressemble presque au premier film d’un novice qui n’y connait rien tant il accumule les erreurs. Coiffures et perruques changent de style d’une scène à l’autre, la plupart des acteurs ne le sont en fait pas et peinent à déclamer leurs lignes, la cinématographie (signée Hunt) est inexistante et l’image est alors constamment plongée dans le noir ! Même en Blu-ray beaucoup de scènes demeurent difficiles à discerner et il faut parfois plisser les yeux pour retrouver les silhouettes des personnages perdus dans le décor nocturne.
Intervenant après coup, Moore ne garde pas non plus un bon souvenir du tournage et possède une certaine rancune envers son collègue: “When Hunt wasn’t bombed on coke he was coming down with hash. Hunt hired inexperienced wannabes just so he could screw them out of their pay.” Traduction: Quand Hunt n’était pas sous excité par la cocaïne, il était couché par le hashich et il engageait des wannabes sans expériences juste pour pouvoir les arnaquer sur leurs salaires. Pas tendre, mais sans doute très vrai. Le résultat est une aberration qui mélange ainsi de grands moments d’ennuis avec quelques scénettes excitantes qui semblent provenir d’un film complètement différent ! C’est surtout les vingt dernières minutes qui deviennent intéressante, Twisted Nightmare se décidant enfin à s’amuser un peu en tapant dans le gore spectaculaire et les meurtres invraisemblables: un crâne est perforé d’un bon coup de pioche, un autre est éclaté à l’aide d’une masse gigantesque tandis qu’un visage est écrasé contre les pierres chauffantes d’un sauna.
Un couple entrain de faire l’amour se fait coincer les pieds sous une machine agricole et reste alors en position de coït tandis que le tueur empale leur deux corps en même temps – un meurtre déjà vu dans La Baie Sanglante et reprit dans Vendredi 13 n°2. Même chose lorsque cette blonde est empalée sur les cornes de trophées de chasses, scène pompée sur l’un des meilleurs meurtres de Silent Night, Deadly Night. De l’improvisation de dernière minute sans doute car, lorsque ce slasher se montre original, cela donne des scènes invraisemblables comme l’électrocution: une victime fuit le tueur et parvient à grimper de l’autre côté d’une clôture, tendant alors le majeur à son poursuivant qui ne peut l’atteindre. L’assassin, d’origine surnaturelle, touche le métal de la barrière tout en levant l’autre bras, comme pour faire paratonnerre: la foudre vient frapper le monstre puis la palissade et le pauvre type qui croyait s’en être sorti et qui avait laissé une main sur celle-ci !
Le problème c’est qu’il n’y a aucun orage a déclarer durant cette scène, et jamais aucun éclair ne vient tomber sur le bras levé par le Boogeyman. L’électricité sort de nulle part, rien n’est expliqué et tout cela se déroule dans l’obscurité la plus totale, laissant le spectateur bien embêté pour comprendre ce qui vient de se passer… Heureusement le film possède une petite perle qui mérite presque sa vision à elle seule, lorsque l’antagoniste arrache à mains nues la tête du shérif (joué par acteur tellement âgé qu’il peine à se déplacer et semble si charmant qu’on est bien embêté pour lui). Le corps décapité continue de bouger, presse la détente de son pistolet et tir une balle en plein dans sa propre caboche tombée au sol ! Tellement grand-guignolesque que l’on se croirait dans un Hatchet…
Hélas avant d’en arriver là, il faut malheureusement se farcir les longs préliminaires habituels et seul le choix de faire de l’héroïne la véritable antagoniste permet d’attiser un minimum la curiosité. Il y a effectivement un twist final qui, s’il se grille à des kilomètres, reste intriguant. Pour le dire sans le dire, imaginez si le premier Vendredi 13 avait Betsy Palmer pour héroïne à la place d’Adrienne King, mais tout en gardant le final où Mme Voorhees se révèle être la meurtrière… Du reste l’intrigue nous rabâche les clichés habituels: le camp de vacances de Friday the 13th est là, incluant la mort d’un jeune handicapé mental plus ou moins causées par une bande de jeunes ne le surveillant pas, au Crazy Ralph de service qui rôde constamment dans les parages. Un peu de Madman pour le colosse difforme à la force surhumaine et de The Burning pour le grand brûlé qui veut sa revanche, mais aussi la malédiction indienne de Ghost Dance et du Scalps de Fred Olen Ray, avec ce mauvais esprit qui cherche vengeance contre les Blancs (et les Noirs et les Asiatiques aussi apparemment).
Et malgré toutes ses reprises, le scénario demeure extrêmement confus. L’histoire raconte comment une bande d’amis, qui avaient pour habitude de se retrouver l’été à Camp Paradise (où l’on ne voit jamais ni gamins, ni moniteurs et qui évoque plus un gîte simplement loué pour l’occasion). Parmi eux, Matthew, un attardé timide qui n’est là que parce que sa sœur Lisa fait partie de la bande. Lorsque celle-ci est absente, le groupe se moque du garçon au point de le faire pleurer et fuir. Il se cache dans une grange et se retrouve témoin d’un phénomène surnaturel: une lueur étrange apparait. L’instant d’après il est victime de combustion spontanée. Lisa arrive juste à temps pour voir son frère s’enfuir dans les bois, transformé en torche humaine. Son corps ne sera jamais retrouvé et le groupe se sépare pour de bon…
Deux ans plus tard, tous reçoivent une mystérieuse invitation au camp de vacance et chacun décide d’y revenir, sans trop se poser de question. Le petit ami de Lisa, qui ignore son passé, va comprendre que quelque chose cloche entre les cachoterie de sa copine, les menaces du gardien des lieux et, bien sûr, de la disparition progressive de chacun. Jusqu’ici tout va bien… Sauf que le script tente de brouiller les pistes quant à l’identité du tueur, comme s’il hésitait à jouer le whodunit réaliste (Lisa est à l’origine des invitations et des meurtres) et l’habituel slasher à base de Boogeyman (Matthew, désormais un monstre difforme, se venge de ceux qui se sont moqué de lui même s’ils ne sont pas techniquement responsable de son sort). Des scènes montrent la jeune femme pratiquer des rituels de magie noire et avoir une emprise sur son frère, d’autre présentent Matthew comme l’avatar de l’esprit indien tué sur ces terres un siècle plus tôt, revenant hanter les lieux. L’introduction le décrit d’ailleurs comme un Medecine Man maléfique ayant été exécuté par son propre peuple, mais le concierge, son descendant direct, raconte que ce sont les Blancs qui l’ont assassiné avec son clan lors d’un génocide…
Il y a aussi cette jeune femme qui est très amie avec Lisa. Elle semble être épargnée par celle-ci, qui veut continuer à la côtoyer une fois sa revanche terminée, et Matthew l’enferme dans une chambre froide plutôt que de la tuer. Seulement elle fini par s’en sortir et, lorsque Lisa la retrouve, elle ordonne immédiatement à son frère de l’assassiner. Et c’est finalement son petit ami qui se retrouve avec le choix de les rejoindre vers le côté obscur pour vivre tranquillement ensemble après les meurtres. C’est un peu comme si le scénariste s’était mélangé les pinceaux et les motivations des antagonistes deviennent illogiques: pourquoi inviter à Camp Paradise ceux qu’ils désirent épargner ?
Bref, Twisted Nightmare ne sait pas où donner de la tête et ne s’apprécie que dans ses détails saugrenus. Comme le générique de fin, se déroulant sous les crépitements d’un feu de camp comme si le film lui-même passait au bûcher. Sa fausse héroïne qui se dénude devant un autel de sorcellerie dressé sur des toilettes, et dont les yeux très clairs sont intéressant tant ils contrastent avec sa peau foncé et ses cheveux noirs. Et puis n’oublions pas cet acteur asiatique et bodybuildé qui part en colonie de vacances avec un véritable arsenal (couteau, fusil, arbalète, nunchaku !) ou les démonstrations de force physique de Matthew qui tord un fusil comme le ferait Superman et arrache le bras d’une victime en tirant dessus. Il y a aussi cette ambiance à la Evil Dead avec ces cabanes baignées d’une lueur bleutée et d’une brume constante, et ces plans en vue subjective de l’assassin dans la forêt. Et surtout il y a la nudité, plutôt impressionnante puisque bon nombre des actrices se retrouvent totalement nue, la caméra s’attardant aussi bien sur les énormes poitrines que sur les minous !
Est-ce que cela suffit pour compenser les gros problèmes de rythmes, le montage hasardeux, l’image si sombre qu’elle demeure toujours à peine visible et la qualité audio dégueulasse et chaotique ? Sans doute pas. Il faut dire qu’outre le manque d’argent et d’intérêt de la part du réalisateur, Twisted Nightmare a subit quelques changements involontaires en cours de production. La MPAA a fait couper beaucoup de nudité et de plans gore élaborés par l’extravagant Cleve Hall (Troll, TerrorVision mais surtout Evil Spawn et Alienator) et on ne fait malheureusement qu’entrevoir son boulot sur le personnage du croquemitaine.
Celui-ci semblait avoir un destin différent dans le scénario original, qui portait alors le titre de Ancient Evil, et en l’état la sous-intrigue à base de magie indienne semble anecdotique et non résolue. Hall et son groupe avaient également écrit une chanson pour le film qui devait servir de theme song, mais elle ne fut pas retenue, laissant place a une composition si générique qu’elle s’oublie aussitôt qu’elle s’entend. Au final non seulement son réalisateur n’aime pas le film, mais son compagnon Charles Moore non plus, déclarant que “Twisted Nightmare (…) is the sorriest piece of drek ever put on film”. Et si cela n’empêcha pas les deux hommes de travailler de nouveau ensemble avec Demon Wind en 1990, le duo ne sembla pas se réconcilier pour autant. Outre les propos négatif de l’un pour l’autre reporté plus haut, Hunt dit également tout le bien qu’il pense de son compère: “He’s best known for shooting himself in the arm while cleaning his gun and probably one of the most negative people I have ever met. He hates himself more than anyone else that knows him”. Traduction: Il est surtout connu pour s’être tiré dans le bras en nettoyant son arme et se trouve être l’une des personnages les plus négatives que j’ai pu rencontrer. Il se déteste encore plus que tout ceux qui l’on connu. A ce stade, on peut vraiment dire que la disponibilité de Twisted Nightmare, à notre époque et en haute définition, relève d’un véritable miracle…
GALERIE
[…] A lire aussi, la chro de l’ami Adrien sur Perdu dans la cinquième dimension! […]
Oh, oui oui. Lisez donc ma chronique ! 😀 Et lisez aussi celle de Rigs du coup, dans la Toxic Crypt. Nos avis diffèrent sur certains points, mais pas sur la qualité générale du film.