Hell Asylum (2002)

ROAD TO HALLOWEEN II

 

 

Hell Asylum

(2002)

 

 

Les origines de Hell Asylum remontent à une époque très trouble pour la série B, le marché vidéo et pour Charles Band, grand manitou de la Full Moon. A la fin des années 90, celui-ci est dans une période sombre qui enterre pratiquement sa compagnie. Fini l’époque des Puppet Master, de Dollman et de pleins d’autres petites productions DTV qui étaient pour la plupart quand même soignées et mémorables. Ses partenaires financiers l’abandonnent et la qualité des films diminuent d’années en années. On touche le fond à partir de 1998 mais les choses vont continuer à empirer pendant quelques temps, l’obligeant à capitaliser sur des franchises connues (Puppet Master, qui ne s’en relèvera jamais), des produits dérivés (notamment des jouets) et sur un mode de fonctionnement à l’économie. Extrême.
Les tournages s’enchainent avec des plannings ridiculement court, du matériel bas de gamme et avec des équipes de plus en plus réduites. Si quelques perles voient miraculeusement le jour de temps à autres (Blood Dolls), les Shriek, Witchouse et autres Talisman ne brillent plus vraiment par leurs extravagances. La boite qui était connue pour ses histoires folles et fun se rabaisse à enchainer des petits films d’horreur basiques sans le moindre intérêt pour survivre.
Mais l’âge sombre vient à partir de l’an 2000 avec des titres moins connues comme Demonicus, Jigsaw, Deathbed, Killjoy ou encore ce Hell Asylum, qui date de 2002. Des “films” qui n’en sont pas vraiment, confiés à des artisans inconnus issus du milieu Z, et tournés en digital avec de simples caméscopes dont la résolution est abominable. Pire que de vieilles VHS parfois, et on sait que le format ne permet même pas de restauration. Il n’est de toute façon plus question de sortir quelques titres avec l’espoir qu’ils deviennent culte, et la plupart de ces pelloches ont désormais disparues des mémoires, tel Ragdoll. La situation est si mauvaise que certains films sont de simples Z que Charles Band rachète à bas prix pour en changer le titre, comme Ancient Evil 2 ou Witchouse 3

 

 

Dans le cas présent c’est Danny Draven, responsable des plus que moyen Cryptz et Deathbed qui est sélectionné pour le projet. Fait intéressant, si Band fabrique de fausses séquelles afin de mieux vendre certaines productions, c’est ici tout le contraire ! A l’origine le film devait être Prison of the Dead 2, la suite d’une œuvre fauchée de David DeCoteau datant l’an 2000. Il s’agissait d’un remake grossier de House on Haunted Hill, dont le remake signé William Malone venait juste de sortir au cinéma, un an plus tôt. C’est encore le cas ici mais, pour une raison obscure, peut-être parce que Prison of the Dead a finalement glissé dans les limbes, ou parce que le script de ce second opus n’entretient aucun lien avec l’original, Charles Band a opté pour vendre la chose comme un stand alone. De manière amusante, l’intrigue n’a pas du tout été retouchée et on retrouve aussi bien les “fantômes” à capuches (similaires aux Templiers morts-vivants du premier film, hommage probable à la saga de Amando de Ossorio) qu’une réplique contenant le titre du film: “This is a prison of the dead, too.
Dans tous les cas cela ne change rien à l’affaire et le produit est vite emballé par Draven, qui n’a absolument aucun égard pour son travail. En fait Hell Asylum ressemble moins à un film qu’à une vidéo, un “truc” qui ne dure que 72 minutes auxquelles il faut retirer au moins 7 minutes de générique de fin. L’image est tellement moche qu’on aperçoit plus qu’on ne voit les personnages et les évènements qui se déroulent à l’écran, le tournage précipité fait que le cadrage est parfois aléatoire, et la qualité audio est déplorable, avec un son parfois trop sourd, parfois trafiqué au montage avec des échos, et rendant l’écoute très difficile. Avec un casque cela passe encore, mais aux enceintes, cela devient un supplice. Enfin, puisque Draven est aussi mauvais monteur que metteur en scène, le film est caviardé de filtres de couleurs et d’effets différents, jouant un style censé collé avec le thème “émission télé réalité” du scénario mais rendant le tout très difficile à suivre.

 

 

Techniquement parlant, Hell Asylum est pathétique, mal foutu et il faudra vraiment s’accrocher au début pour ne pas arrêter le film tant il pue l’amateurisme. Si ce n’était pour les quelques autres personnes impliqué dans la production, ce Full Moon serait tout simplement à jeter à la poubelle. En revanche tout n’est pas complètement mauvais ! Et cela grâce à l’autre personne derrière le long métrage, le scénariste Trent Haaga. Figure connue des fans de la Troma, personnalité hors norme et encline à s’amuser, réalisateur du très sympa Chop et scénariste du génial Toxic Avenger IV, celui-ci sait injecter l’humour et les idées folles qui manquait au projet. Le fond rattrape la forme, et le spectateur qui serrera les dents pour encaisser les quarante premières minutes peu palpitantes sera récompensé de son attente.
Attention, pas beaucoup ! Hell Asylum ne dispose pas des moyens nécessaires pour obtenir une véritable rédemption et offrir un spectacle satisfaisant. Toutefois, alors que l’ennui et la colère guettent, les quelques rebondissements et blagues macabres finissent par prêter à sourire et à accepter la chose malgré tout. Éventuellement. Et ça c’est déjà miraculeux. Mais il faut dire qu’il y a une réelle volonté de la part de Haaga de s’amuser et de communiquer avec le fan de série B. La vidéo behind the scenes présente sur le DVD (et sur YouTube) le prouve, montrant le bonhomme s’amuser clairement sur le tournage avec ses collègues et faire l’animateur pour la caméra, tandis que Draven apparaît prostré dans un coin, inexpressif, ayant l’air de se faire royalement chier…
Ce n’était pas gagné pourtant, vu son scénario. Une histoire simple, peu engageante, qui se contente de reprendre le postulat de House on Haunted Hill, où les participants d’un jeu se réunissent dans une bâtisse hantée afin d’y passer la nuit et peut-être gagner 1 millions de dollars s’ils tiennent jusqu’au levé du jour. Le “twist” c’est qu’ici il s’agit du principe d’un jeu de télé réalité, baptisé Chill Challenge, et complètement repompé sur l’émission Fear Factor.

 

 

L’intrigue voit Max, producteur de télé qui a connu quelques problèmes, tenter de se remettre en scelle avec ce projet qu’il présente au directeur de chaine. Naturellement il ne possède pas le budget nécessaire pour offrir les 1 millions de dollars, mais c’est un malin qui prévoit de truquer l’émission en engageant sa petite amie, son frère et quelques techniciens afin de faire fuir les candidates et ainsi mettre en boite un pilote sans débourser un centime. Il réunis quatre jeunes femmes (plus sa copine, incognito) dans la Mason House. Une vaste demeure ayant appartenu au terrifiant Phineas Mason, sorte de Barbe Bleu du XIXème Siècle.
Comme les dialogues ne coûtent pas cher à la production, Hell Asylum fabrique tout un background au personnage, un fou en quête de l’épouse parfaite qui a capturé et violé plusieurs femmes avant de les tuer et d’utiliser des morceaux de leurs corps pour, tel Frankenstein, concevoir la fiancée idéale. Apparemment les victimes ont eu leur vengeance en revenant d’entre-les-morts et en faisant mourir de peur leur tortionnaire, toutefois elles ne reposent pas en paix pour autant. Prisonnières de la Mason House, elles n’ont de cesse de provoquer le malheur autour d’elles au fil du temps. Lorsque l’endroit est transformé en asile, elles rendent les patients encore plus fous qu’avant et ces derniers provoquent une émeute, massacrant le personnel…
Il y a, dans tout ça, matière à un film vraiment intéressant, malheureusement l’histoire qui nous est contée à beaucoup moins d’ampleur. Grossièrement, les fantômes se réveillent lorsque l’équipe de Chill Challenge emménage et elles tuent les participants un par un, techniciens comme candidates. Jamais l’interaction entre les vivants et les morts ne va plus loin, et il est évident que le script n’est qu’un prétexte pour aligner les meurtres les plus crados possible. Et c’est là que le “génie” du scénariste entre eux jeu. Contrairement à Prison of the Dead où les morts étaient ennuyeuses car sans inventivité ni violence, Hell Asylum se plaît à verser dans le gore cartoonesque. Surprenant, car rien ne laissait présager qu’il y aurait un budget au département effets spéciaux !

 

 

Un des revenants plonge son bras dans la bouche de sa victime pour aller chercher son cœur avant de lui extraire, tandis qu’une jeune femme est aspirée dans une cheminée par une force invisible, son sang et ses os retombant au sol après quelques instants. Une des candidates fait une chute violente dans un escalier et se brise le corps, apparaissant dans une position grotesque avec les jambes en un improbable grand écart et les os lui sortant du corps à divers endroit. Une autre se fait briser les doigts par la force surnaturelle des fantômes, et sa blessure fait plutôt mal.
Mais outre le gore, Haaga s’amuse à créer des situations totalement grotesques qui auraient tout à fait leur place dans les EC Comics. Par exemple Max, tué par les spectres, est “réanimé” secrètement par ces derniers afin d’ordonner aux candidates naïves de se rendre dans des endroits dangereux. Puisqu’il ne leur apparaît qu’à travers un écran, un des fantômes le manipule hors caméra, ayant placé sa main à travers un trou dans son crâne, et trifouillant le cerveau pour le faire parler ! Sadique, le scénariste va également se montrer très méchant avec une fille paralysée, le corps disloqué mais toujours vivante. Ne craignant pas la mort mais souffrant terriblement, elle supplie un revenant de l’achever, lequel va volontairement l’ignorer ! Plus tard lorsque quelques survivantes la retrouve, elle leur demande de lui donner la mort et va jusqu’à lui attraper les mains d’une d’elles, les guidant jusqu’à son cou afin qu’elle puisse l’étrangler.
Un des responsables de l’émission, faux fantôme prévu pour le jeu télé, est confondu par deux fois avec les antagonistes: la première, il provoque l’accident dans les escaliers, la seconde, c’est lui qui en paye les conséquences en se faisant battre à mort par sa collègue. Quant au directeur de la chaine, qui récupérera les vidéos, il pense tenir là le jackpot ! Et puis il y a l’une des plus belles excuses qui m’ait été donné de voir pour montrer une actrice en sous-vêtement. Puisque le jeu est une imitation de Fear Factor, la candidate qui a du dégoût pour les insectes et les asticots se reçoit une véritable douche de vers de terre sur la tête, ce qui, dans sa phobie, la fait fuir et retirer ses vêtements sans la moindre hésitation. Bien vu !

 

 

Et c’est à peu près tout. Ce n’est pas beaucoup mais, comparé à qu’aurait pu être le film (la même chose sans le gore et sans le second degré !), c’est inespéré. De plus on peut compter sur quelques acteurs savoureux comme la regrettée Debra Mayer, qui joue divinement bien la salope de service, et le cachetonneur Joe Estevez (oui, frère de), qui n’en est plus à ça près suite à ses apparitions dans les merdes de Daniel G. Jackson et Scott Shaw. D’ailleurs Draven le réemploiera après coup pour Deathbed, tout comme la jolie blonde Tanya Dempsy, Scream Queen méconnue puisque œuvrant dans le Z total, mais ici très jolie en Wonderbra.
A noter également la présence de la légendaire Brinke Stevens dans le rôle de la chef des fantômes, hélas puisque ceux-ci ont toujours le visage caché derrière un gros capuchon, il est absolument impossible de la remarquer ! Pas une ligne de dialogue non plus, ce qui n’aide pas vraiment. A ce titre, j’ignore si elle est censée être le spectre d’une des fiancées de Mason, où si elle était la fameuse “créature” conçu à partir de leur corps. Le script reste totalement mystérieux sur ce point.
Un casting surprenant donc, mais sympathique et conservant ce côté “B” assumé que revendique Trent Haaga. Ce n’est probablement pas un hasard puisque la personne en charge n’est autre que J.R. Bookwalter, à l’époque également un mercenaire pour Charles Band (il réalise Witchouse 2 et travail sur l’ignoble Curse of Puppet Master) mais particulièrement connu pour le film de zombies The Dead Next Door, que Sam Raimi produisit anonymement. A ses côtés une énigmatique Carmilla Karnstein, qui fera sourire les fans de la Hammer. Derrière ce pseudo se cache très certainement la célèbre Debbie Rochon, puisque son nom apparait ici au générique sous les crédits de remerciement et qu’elle joue dans les autres films où “Karnstein” s’occupe du casting (Killjoy 2, Witchouse 3, Dead & Rotting). Mes soupçons ne sont pas confirmés mais c’est tout comme.

Parce que je ne sais pas comment conclure cette chronique de Hell Asylum autrement qu’en disant que, techniquement, c’est de la merde, mais que la chose est sauvée du néant par quelques éléments vraiment sympathiques (mais qui ne plairont qu’à une espèce très particulière de la communauté horrifique: le fan du B cheap, gore et fun, où défilent quelques vedettes du genre), je me contenterai de placer une anecdote inutile mais qui prouve mon dévouement pour cet univers. Ainsi, qui d’autres aurait pu réaliser que les fantômes à capuche du film seront recyclés au prochain tournage de Danny Draven, le très mauvais Cryptz, un ersatz d’Une Nuit en Enfer façon Blaxploitation réalisé la même année (en fait probablement juste quelques mois plus tard !). Ils y apparaissent en tant que “Zuvembies”, créatures à la solde des vampires et dont je racontais tout dans Rêves & Cauchemars.
Si je n’ai pas de preuves concrètes pour Debbie Rochon, je reconnais ici très bien les toges des créatures, qui sont sans aucun doute les mêmes !

 

   

 

VERDICT: TREAT (de justesse pour moi, TRICK pour tout le monde !)

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