Wrong Turn 6: Last Resort
(2014)
Quand on y songe sérieusement, il est difficile de croire que Détour Mortel vient d’atteindre sa sixième incarnation en un peu plus d’une décade. Et en dix ans il s’en est passé des choses, la franchise passant d’un véhicule pour le populaire Stan Winston et son studio à un petit produit de seconde zone pour le marché vidéo. C’est même sans surprise qu’on découvre que ce nouvel opus fait partie du catalogue de la UFO International Productions, une petite société qui nous a distribué quelques classiques comme les deux Python et son crossover, les suites lamentables de Lake Placid ou le quatrième Sniper avec un Tom Berenger fatigué. Et RoboCroc. Le fond du panier, indubitablement. La 20th Century Fox ne pourrait pas paraître plus désintéressée vis-à-vis de sa franchise et ne doit même plus être regardante sur le contenu. Ce qui ne sera pas sans lui causer quelques problèmes cette fois d’ailleurs, mais nous y reviendrons.
Si les compagnies de productions et les personnes en charge de ce nouveau volet restent globalement les mêmes que précédemment, il y a dû y avoir cette une fois un subtile changement de main pour que le film atterrisse chez un distributeur spécialisé et que soit débarqué le réalisateur attitré de la série depuis 2009. Exit Declan O’Brien et bienvenu au peu prolifique Valeri Milev, réalisateur possédant deux films de zombies à son actif dont un Re-Kill (avec Scott Adkins et Bruce Payne) toujours invisible depuis 2010. Le scénariste, Frank H. Woodward, est lui un cas étrange. Il semble avoir roulé sa bosse dans tout type de productions, passant aussi bien aux postes de réalisateur et monteur pour featurettes, que de producteur ou assistant régisseur, et son seul titre de gloire est d’avoir bossé comme électricien sur le tournage de Reservoir Dogs.
Forcément avec un CV pareil, le duo n’inspire pas vraiment confiance mais je vous rappelle qu’ils ont un gros avantage par rapport à Declan O’Brien: ils ne sont pas Declan O’Brien. Encore que pour Woodward cela reste discutable tant son scénario évoque les catastrophiques Wrong Turn 4 et 5. Il en reprend la même formule et livre un produit en tout point semblable aux précédents, que l’on peut même regarder avec sa petite checklist à cocher. L’intrigue suit le trio original des frères Hilliker dans ce qui devrait être une préquelle au premier film, mais les dates qui apparaissent à l’écran rendent tout cela impossible à caser au sein d’un même univers. Nos monstres sont naturellement les héros du film et il ne faut pas espérer voir un quelconque personnage sortir vivant de l’aventure, tous (ou presque) périssant dans une série de meurtres surréalistes et particulièrement vicieux. Enfin toute connexion possible avec les opus précédents est mis à mal par l’introduction de nouvelles origines pour le peuple des Mountain Men, qui fait fi de tout ce qui a été raconté auparavant dans la franchise et malmène les quelques détails réutilisés.
Autant dire que j’ai l’impression de refaire la même chronique encore et encore, ressortir les mêmes arguments, pointer du doigts les mêmes défauts et pinailler sur les mêmes scories. Je vous invite tous à revoir mes précédents textes pour vous faire une idée générale de ce nouveau film et je vais éviter de reprendre point par point ce qui cloche ici. Cependant la différence avec les essais antérieurs, c’est que l’intrigue propose bien plus qu’un simple massacre en bon et dû forme, au point qu’en-dehors de quelques victimes de passages, la partie slasher n’intervient que lors des vingts dernières minutes du film ! Woodward préfère se focaliser sur la relation trouble entre quelques uns de ses protagonistes (généralement au sacrifice des autres, qui se retrouvent dans le décors plus qu’autre chose) au point de rabaisser Three Finger et ses frères au rang de faire-valoir sans grande importance. Osé.
Sans survendre son script, il faut avouer qu’il y a là une sacré amélioration par rapport aux histoires de O’Brien, qui frisaient le degré zéro de créativité. Et associé à la mise en scène plutôt atmosphérique de Milev, cela donne à Détour Mortel 6 un rendu beaucoup plus appréciable et qualitatif que les derniers opus en date. Et pourtant ce n’était pas gagné lorsqu’on s’attarde sur le postulat de départ et le nouveau passé des cannibales.
Le comté de Greenbrier disparaît pour un cadre un peu plus flou, la ville fictive de Hobb Springs qui est située quelque part dans les Appalaches (une grande chaîne de montagnes qui parcoure le territoire américain, y compris la Virginie Occidentale). Elle fut établie en 1926 par quelques familles de colons qui n’ont officiellement pas été répertoriés mais dont nous apprendrons tout de même les noms: les Crayton, les Boggle, et les Hilliker. Et d’emblée toute continuité avec les opus précédents en prend pour son grade ! Le quatrième épisode expliquait que le nom Hilliker avait été donné aux trois frères lors de leur séjour au sanatorium, d’après la femme qui les avaient découvert dans la forêt. Mon cerveau de scénariste amateur tente de combler les trous et la seule explication logique qui me vient est que Madame Hilliker était véritablement la mère de Three Finger et des deux autres, et qu’elle les avaient envoyés à l’hôpital en mission de sauvetage pour aider les 179 autres patients consanguins qui y étaient enfermé (un succès, si on en croit le prologue de Wrong Turn 4). Oui c’est complètement stupide, mais c’est ça où la théorie des mondes parallèles.
Les dates et les lieux ne correspondent pas non plus, le dernier volet expliquant que les premiers clans des Mountain Men habitaient près de Fairlake, fondée en 1814, avec le fameux massacre qui donna naissance un siècle plus tard au Mountain Men Festival. Et comme si ça ne suffisait pas, Détour Mortel 6 se mélange les pinceaux dans sa propre chronologie et annonce que si Hobb Springs fut construit en 1926, le bâtiment où se déroule le plus gros de l’intrigue a lui était conçu en… 1902. Le nom de la ville y figure pourtant bel et bien et un personnage tient à souligner son importance puisque avant de devenir un hôtel, l’endroit était l’un des premiers sanatorium de tous les États-Unis.
Un sanatorium ? Comme dans Détour Mortel 4 ? Mais celui-ci n’était-il pas situé à Glensville ? Est-ce que nos cannibales ont fini par retourner s’installer là-bas en rénovant les lieux, après leur apprentissage chez le serial-killer Maynard Odets ? Comme vous le voyez, autant ne plus appesantir sur les détails et considérer chaque film comme appartenant à son propre univers. La théorie de l’Hypertime, développée par DC Comics, fonctionne plutôt bien pour relier les points sans se soucier d’une quelconque logique. Je vous invite à vous renseigner dessus pour éviter toute migraine.
La seule chose qu’il faut retenir de tout ça, c’est que Three Finger, One Eye et Saw Tooth ne sont plus les uniques consanguins dégénérés habitant les montagnes. Car si Hobb Springs existe en tant que ville pour tout un chacun, les descendants des clans originaux se sont installés au cœur de la forêt, non pas dans une petite maison mais dans tout un village façon XIXème siècle. Tous sont difformes, cannibales et totalement tarés, même si nos trois frères meurtriers semblent être les seuls à jouer le rôle de chasseurs et / ou protecteurs du territoire. Au moins cela donne une excuse pour la présence de mutants supplémentaires vu dans Wrong Turn 2 et 3…
Dans le lot cependant, deux apparaissent comme parfaitement normaux. Pas d’explications, ce sont juste de nouveaux “parents” d’apparences parfaitement convenable malgré leur folie homicide, exactement comme Maynard la dernière fois. Il s’agit de Jackson et Sally, un “couple” de frère et sœur qui officient comme face publique des anciennes familles du coin, tenant le grand hôtel d’Hobb Springs. Cela leur permet de piocher de temps en temps dans la clientèle pour fournir leur peuple en viande, utilisant même les cuisines de l’établissement pour leur préparer un beau repas.
Les deux amoureux se retrouvent avec un petit problème car, à force de consanguinité, Sally n’est plus capable d’enfanter naturellement. Ses rejetons ne survivent pas longtemps et il lui faut pourtant garder une “lignée pure” pour perpétuer la famille, ce qui l’oblige a s’accoupler avec un parent. Leur salut réside en la personne de Danny, un jeune homme qui est également un descendant des Mountain Men et doté d’un physique irréprochable. D’une manière que le scénario choisi délibérément de ne pas expliquer, celui-ci s’est retrouvé séparé des siens et fut élevé comme orphelin à New York. Il ignore tout de ses racines et de la lourde tâche qui lui incombe. C’est à Jackson et Sally de lui apprendre ses origines, de le convertir au cannibalisme et à l’esprit de famille, et de lui redonner sa place parmi les Hilliker. Une tâche déjà pas évidente qui va se compliquer d’autant plus que celui-ci possède une petite amie et un groupe de potes qui ne risquent pas d’apprécier ce nouveau choix de vie.
Alors naturellement tout ce que je viens de vous raconter n’est dévoilé que progressivement en cours de film et par le biais de dialogue. Les enjeux auraient probablement gagnés en ampleur via des flash-backs ou des séquences explorant ouvertement le mode de vie des Mountain Men, mais la nature de petite production du film ne permet pas de réaliser une incroyable fresque déviante à propos d’une communauté de consanguins anthropophages. Et c’est dommage car, aussi stupide et incohérente que soit l’intrigue, il y avait là matière à livrer quelque chose de bien plus intéressant que le banal survival / slasher sanglant habituel. Woodward parvient même de temps en temps à donner un aperçu de cette délirante épopée lorsqu’il se concentre sur Sally et sa tragique frustration sexuelle qui n’a de cesse de la tourmenter. Malheureusement son histoire se limite surtout à quelques dialogues auxquels il faut sagement prêter attention.
Pour des raisons de budgets, nous ne verrons jamais les accouchements ratés de Sally, ses recherches d’un membre perdu de la famille, ni même la vie de Danny hors de la Virginie-Occidentale. Le film commence avec son arrivé à l’hôtel, où il apparaît assez chamboulé en raison de ces retrouvailles mais aussi à cause de quelques déboires qui lui ont coûté sa vie sociale. Ainsi le jeune homme travaillait à Wall Street jusqu’à ce qu’il soit victime d’une dépression nerveuse et devienne responsable de la perte d’argent de beaucoup de personnes (référence évidente au Flash Crash de 2010), y compris le sien et celui de ses amis. Désormais ruiné, sans emploi ni endroit où vivre, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi il a sauté sur l’occasion de découvrir son héritage. Encore instable, il porte les stigmates d’une tentative de suicide et prend régulièrement des médicaments. C’est en espérant lui faire remonter la pente que sa petite amie accepte de l’emmener sur place.
Ce nouveau Wrong Turn s’ouvre sur cette réunion tendue d’un côté comme de l’autre, mais n’en profite jamais pleinement puisque nous ignorons alors tout de la situation de chacun. Puisque cette séquelle doit respecter un cahier des charges précis, elle structure son script de manière bien trop simple et prévisible. A la place d’un point de départ intéressant et original, il nous faut supporter un déroulement de film d’horreur basique et sans saveur. L’arrivée dans un lieu mystérieux, la présence de personnages au comportement louches, les disparitions inexpliquées de différents protagonistes, etc. Cela a pour effet d’affaiblir énormément l’intrigue et le spectateur ne trouvera que peu d’intérêt a s’impliquer dans cette affaire, attendant simplement que le massacre commence.
On ne peut pas dire que cela soit surprenant, tant par la nature DTV du film qu’en raison des nombreuses séquelles sans imagination qui ont pourri la franchise depuis des années. Il était évident que le scénario de Woodward ne pouvait pas s’adapter correctement à l’univers de Détour Mortel, qui tient d’un concept bien trop simple (une bande de tueurs difformes chassent des promeneurs pour les manger) pour s’orienter dans une direction pareil. Et il était évident qu’après cinq films où Three Finger passe son temps à débiter ses victimes en tranches du début à la fin, toute tentative de créer une atmosphère était vouée à l’échec.
Le sujet du film est stupide, mal raconté, n’a aucun sens et semble totalement hors sujet avec le thème de la franchise. Des consanguins tantôt difformes, tantôt normaux, et tous persuadés que l’inceste est l’unique moyen de rester pur ? Un parent égaré sans explication et dont on retrouve la trace via Internet, grâce à un quelconque fait divers ? Un plan machiavélique qui repose sur la simple supposition que Danny va accepter l’idée de provenir d’une famille de tarés cannibales sans se poser de question ? Et pourtant, allez comprendre, Wrong Turn 6: Last Resort fait globalement un bien meilleur effet que l’ignoble Texas Chainsaw 3D.
Car oui, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que ce sixième opus reprend simplement le même concept que le dernier rejeton du légendaire film de Tobe Hooper. Dans les deux cas, une personne part à la découverte de sa famille et réalise qu’elle est le dernier membre d’une lignée de cannibales meurtriers. Ses amis se font tous tuer, ce qui coupe les derniers liens avec son ancienne vie, et le personnage fini par rejoindre le côté obscure et défendre activement ses parents contre une menace extérieur. Même le petit détail des cicatrices sur les poignets de Danny évoque la marque du médaillon de l’héroïne de Texas 3D ! Mais au moins Détour Mortel à l’intelligence de ne pas désigner d’emblée son héros comme “différent” (souvenez-vous de cette jeune femme travaillant en boucherie et pratiquant de l’art avec des ossements, comme pour signifier que le Mal est héréditaire) et se montre beaucoup plus subtile dans la description de sa corruption.
On pourrait passer des heures à évoquer ce qui ne fonctionne pas dans le film de Leatherface, mais le retournement de veste du personnage principal n’était pas cohérent et arrivait comme un cheveux sur la soupe. Ici le scénario met un point d’honneur à désigner Danny comme une personne ordinaire mais psychologiquement instable, victime d’une tentative de suicide et toujours sous médicaments. Il a une petite amie dévouée mais il reste hanté par l’idée d’avoir englouti ses finances, et ses amis sont loin d’être les meilleurs personnes du monde puisqu’ils n’hésitent pas à manquer de respect envers leurs hôtes, se moquant de leurs origines campagnardes et lançant ouvertement des remarques désobligeante sous leur nez. Entre sa culpabilité, son désespoir, sa quête de racines et les nouvelles expériences qui s’offrent à lui (la partie de chasse, donnant une impression de puissance, et l’acte de séduction par Sally), on comprend beaucoup mieux comment Danny fini par succomber à la tentation.
Alors certes, au final il prend beaucoup trop rapidement le parti des Hilliker et ne semble que très peu concerné par les disparitions de ceux qu’il considèrent comme ses “véritables” amis. Ce à quoi je répondrai juste que l’on parle de Wrong Turn 6, à quoi vous attendiez-vous ? Mais il n’empêche que le film a clairement reçu plus d’attention que Texas Chainsaw 3D, tant dans le fond que dans la forme. Car ce qui fonctionne vraiment ici n’est pas tant l’histoire que la façon dont elle est mise en scène. La réalisation de Valeri Milev est tout simplement incomparable avec celle, très routinière, de Declan O’Brien. Ici les prises de vue de soignées et on peut affirmer sans crainte qu’après le film de 2003, ce Détour Mortel est le plus techniquement élaboré de tous. Les mouvements de la caméra, les décors nombreux et variés, la nature qui apparaît vaste, et surtout les musiques qui collent parfaitement aux situations et contribuent beaucoup à créer l’ambiance. Quand on sait que le metteur en scène était vraiment restreint au cadre de l’hôtel par les producteurs, on ne peut qu’applaudir cette capacité à donner au film un aspect résolument cinéma plutôt que DTV.
Quelques défauts demeurent, naturellement (des flashbacks en filtre bleu très amateurs), mais le rendu est nettement supérieur au vide créatif qu’on se farci depuis le troisième opus et permet de faire sortir du lot quelques scènes. L’une est évidemment la découverte, de nuit, du village des Mountain Men. Un lieu qui apparaît finalement très paisible au regard de ce qu’on imagine, et pour cause: Danny n’est jamais en danger auprès des siens. Seulement celui-ci réalise à quel point les habitants sont déformés et ils apparaissent progressivement de plus en plus monstrueux. Drogué, il réalise à peine ce qui se passe autour de lui alors que Three Finger et ses frères se joignent à la fête. Dans un état second il assiste à l’égorgement d’un de ses amis, dont le sang et les entrailles sont distribués joyeusement à la foule quémandeuse. Danny bois, se laisse séduire par Sally qui danse pour lui et fini par lui faire l’amour sous les yeux des cannibales, prenant la jeune femme pour sa compagne dans son délire narcotique.
La franchise s’aventure là dans un territoire très différent du gore et du survival et explore le Bizarre, l’Étrange. Peut-être pas ce qui correspond le plus à la série, mais après les boucheries répétitives de Declan O’Brien, autant dire que c’est un véritable rafraichissement !
Une scène qui illustre parfaitement ce propos est celle où Jackson emmène Danny chasser dans les bois. Visuellement bien foutue, atmosphérique et illustrant ce changement de cap dans la saga, mais en même temps complètement à côté de la plaque par rapport au modus operandi de Three Finger et des autres Wrong Turn ! La séquence est montée en parallèle, avec d’un côté Jackson et Danny traquant un daim, de l’autre un policier fouineur qui se fait attaquer par les frères cannibales. Alors que la séquence impliquant les personnages “humains” se montre maîtrisée (Jackson incite Danny à prendre sa première vie tout en lui expliquant comment un véritable chasseur attend que sa proie vienne à lui – renvoi évident à l’intrigue principale), l’attaque des cannibales paraît brouillonne, peu effective au regard des dizaines de meurtres que l’on a vu auparavant et ne respecte absolument pas les règles de chasse dictées en voix off (le trio ayant tendance à sauter sur tout ce qui bouge sans faire montre de réflexion).
Ce n’est pas rien de dire que ce sixième volet se retrouve avec le cul entre deux chaises, devant gérer à la fois le torture porn traditionnel avec son quotas de scènes gore et une histoire avec un peu plus de substance, prenant racine dans la lente description d’un univers insolite et décalé. En résulte des moments totalement “autres” qui s’inscrivent difficilement dans le même univers que le Détour Mortel original où quelques cannibales dévorent des promeneurs égarés. Notamment la découverte de tout un rite sexuel que les Mountain Men pratiquaient à des fins de reproduction ! Se trouve donc, quelque part dans un recoin de l’hôtel, une étrange pièce circulaire où se réunissaient les membres de la famille afin d’observer à la manière d’une secte deux d’entre-eux s’envoyer en l’air. Les consanguins revêtaient une toge à capuche et la femme s’installait sur une sorte de fauteuil de gynécologie pour recevoir son partenaire.
Autant dire que voir Three Finger, Saw Tooth et One Eye habillés en moines façon Le Nom de la Rose, pour observer ce qui devrait naturellement être leurs proies entrain de copuler, donne vraiment une drôle d’impression. Cela pourra donner au choix la sensation que les responsables n’ont plus d’idées pour revitaliser la franchise, ou bien qu’un script préalablement écrit et sans véritable rapport avec les Détour Mortel fut recyclé pour ce sixième film. Dans tous les cas, le mélange n’opère pas vraiment et je ne peux que souligner le résultat improbable de cette mixture.
Je conçois l’idée de jouer sur la consanguinité et lui donner un rôle plus important qu’on ne lui accorde, en faire un acte volontaire de la part des Mountain Men dans une idée absurde de rester pur et supérieur, comme c’était le cas avec certaines familles nobles ou royales à travers l’Histoire. Je reconnais aussi que tout cela donne à la série un aspect beaucoup plus intéressant et lugubre que la très simpliste approche façon slasher qui n’a pour ainsi dire rien à raconter. Mais en l’état, l’ensemble est simplement bancale et hors propos. On est même en droit de rouler des yeux devant le discours de ces consanguins persuadés d’être supérieur au reste du monde, alors que la plus jeune du village est unijambiste et confinée dans une chaise roulante.
Ce que cela apporte à la franchise en revanche, c’est une inattendue et bienvenue dimension sexuelle. Je ne parles pas de nudité ou de scènes de sexes à des fins d’exploitation, mais bien d’une prise en compte de ce besoin fondamentale. Ce n’est pas rien quand on sait que, même à notre époque, les personnages de fiction sont généralement vu comme asexuels ou censurés dans leurs relations et leurs besoins. Aux États-Unis en particulier, un pays très puritain où la nudité même est très tabou par rapport à la violence.
Le point le plus fascinant du film reste donc le personnage de Sally, celle qui doit contribuer à poursuivre la lignée des Hilliker en s’accouplant avec Danny. Wrong Turn 6 dresse un portrait fascinant d’une jeune femme troublée, frustrée et psychologiquement sur la brèche. Non pas que son comportement anthropophage et homicide ne soit pas suffisant pour la considérer comme folle à lier, mais son état général montre qu’elle est constamment sur les nerfs et a besoin de lâcher prise. La jeune femme est assaillie par des pulsions sexuelles qu’elle réfrène depuis probablement très longtemps et passe le film à observer Danny avec un désire ardent.
Lorsqu’elle surprend deux intrus investir la pièce secrète familiale pour y faire quelques galipettes, elle se masturbe. Et quand Three Finger et les autres viennent interrompre les festivités en massacrant le couple, la jeune femme éclate de colère au point d’intimider le trio ! Une scène mémorable la montre récupérer la victime masculine, qui n’a pas encore succombé à ses blessures, pour l’enfermer dans sa chambre afin de le violer. Surprise par son frère, elle se fait rappeler à l’ordre car elle doit se préserver pour Danny. Impatiente de se soulager malgré tout, Sally va alors achever le garçon en l’étouffant avec un coussin qu’elle place entre ses cuisses, afin de ressentir des choses pendant qu’il se débat ! Et la jeune femme d’y prendre du plaisir en lâchant une réplique pour le moins perturbante: “You’ll be in me one way or another” (traduction: Tu seras en moi d’une façon ou d’une autre, faisant référence tant à sa semence qu’à sa chair qu’elle consommera plus tard).
Forcément après ça, tous les sévices que peuvent infliger les frères Hilliker auront l’air bien fade en comparaison. En fait les personnages apparaissent un peu spectateurs des évènements. Leur rôle se résume à celui de suiveurs et leurs interactions avec Jackson et Sally sont similaires à celles qu’ils avaient avec Maynard dans le dernier volet: le couple leur gueule dessus constamment et pour un film qui semble prôner l’esprit de famille, on est surtout surpris de ne pas les voir se rebeller contre eux à la fin du film.
Bien qu’ils exécutent quelques personnes ici et là, leur seul moment de gloire arrive durant les toutes dernières minutes. A vrai dire la scène semble un peu précipité et peut-être que le script se déroulait différemment avant le montage final, tant la mise à mort des derniers protagonistes semble n’être là que pour répondre à la formule habituelle de la franchise. A partir de ce moment Wrong Turn 6 retombe dans les travers de ces prédécesseurs et donnerait presque l’impression que Declan O’Brien est revenu finir le tournage. Les frangins sortent de nulle part pour s’attaquer à des proies sans défenses qui jamais ne peuvent défendre chèrement leur peau.
Plusieurs meurtres retrouvent cet aspect Grand-Guignol extravagant qu’il ne faut surtout pas prendre au sérieux, comme lorsque cette pauvre cycliste fonce sur un fil de fer tendu qui s’incruste profondément dans ses orbites. Une victime se retrouve avec un cratère impressionnant dans le crâne suite au coup puissant qui lui a été assené et une jeune femme sexuellement active se retrouve punie en se faisant écarter tellement les jambes qu’elles finissent par s’arracher ! Mais le clou du spectacle, la mise à mort tellement hallucinante qu’elle s’inscrit d’emblée comme la plus mémorable de toute la saga, c’est cette incroyable sodomie à la lance à incendie.
Vous avez bien lu. Un pauvre hère qui se fait neutraliser par le trio est alors torturé par Three Finger armé d’un antique jet d’eau. Ce dernier l’introduit d’abord dans sa bouche, en une version moderne d’une torture médiévale, puis subitement, comme ça sans crier gare, voilà que nos cannibales le déculotte et le pénètre brutalement avec l’engin. Le lavement à haute pression à vite fait de faire gonfler le ventre de la victime qui éclate comme un ballon. Hautement irréaliste, mais assurément spectaculaire.
Comme d’habitude la qualité des effets spéciaux reste discutable. Parfois réussis sur certaines blessures, les maquillages comptent également parmi les pires de la série en ce qui concerne Three Finger et One Eye. Le premier est doté d’un faciès jaunâtre et d’incisives proéminentes lui donnant des airs de hamster bouffi, tandis que le second est tellement méconnaissable que je l’ai souvent pris pour un figurant dans la scène du village des Mountain Men !
Le réalisateur tente de se rattraper en offrant quelques touches d’humour noir ici et là, mais celles-ci ne sont jamais vraiment convaincantes: une idiote s’inquiète du sort d’un petit chat en voyant son avis de disparition sur un mur, lequel compte pourtant des dizaines d’affiches de cas humain, lorsque Danny passe du côté obscure et reprend le flambeau familiale en devenant le nouveau tenancier de l’hôtel, il donne au restaurant le nom de son ancienne petite amie, et le final se montre assez cynique en montrant que Sally n’a toujours pas réussie à avoir des enfants malgré son union avec le jeune homme.
Bref, on est dans du Détour Mortel pur jus avec l’habituelle intro montrant des corps être utilisés pour la numération, une mise en avant de Three Finger qui apparait maintenant ouvertement comme le leader du trio, et de nombreuses scènes de sexe parfaitement gratuites. A vrai dire le film commence en montrant deux promeneurs faire trempette dans une source thermale afin de s’envoyer en l’air. Three Finger, en bon voyeur, préfère attendre qu’ils aient terminés avant de s’attaquer à eux ! L’œuvre cumule des défauts d’écriture et de montage témoignant de sa production rapide et peu soignée: certains personnages sont tout simplement détestables et sans raison d’être si ce n’est de finir massacré, l’hôtel paraît tour à tour luxueux et rénové ou décrépis, un protagoniste utilise régulièrement une GoPro dans ce qui semble être une tentative de capitaliser sur l’actuelle vague du genre found footage (mais cela ne sert jamais qu’une ou deux scènes sans importance, peut-être un ancien gimmick passé à la trappe en cours de production) et le titre du film, encore une fois, ne correspond pas à son sujet au point que celui du 5ème opus (Bloodlines) aurait été beaucoup plus logique.
En conclusion, Wrong Turn 6: Last Resort est le représentant ultime d’une franchise qui s’étire bien plus qu’elle ne le devrait. Certains choix sont intéressants et même bien trouvés, mais témoignent d’une formule qui cherche désespérément à se renouveler, quitte à s’éloigner drastiquement de ce qui à fait sa renommé. L’intrigue et les personnages ne sont pas nécessairement mauvais mais paraissent en décalage avec les héros originaux et auraient probablement mérités leur propre univers pour être correctement développés (quoiqu’on peut arguer que, dans l’univers DTV, un produit indépendant pourrait être encore plus mauvais et anecdotique qu’un sixième Détour Mortel). Les défauts habituels demeurent et les quelques qualités ne parviennent jamais à rehausser l’œuvre au point de la réhabilitation. Declan O’Brien à massacrer la franchise au-delà de toute réparation et ce nouvel opus semble juste acceptable car ne sombrant pas aussi bas que ses prédécesseurs.
Alors que je ne peux vraiment conseiller ce dernier épisode en tant que film, voir même en tant que simple série B, je l’inscrirais tout de même au rang des meilleurs productions de la série. Au point que si je ne devais conseiller qu’un nombre restreint de Détour Mortel, ce serait une trilogie se composant de l’original, de Wrong Turn 2 et de cet ultime volet. Un dernier mot peut-être sur le casting, où plutôt sur l’actrice Sadie Katz, dont la voix enrouée ajoute un petit quelque chose de fascinant à son personnage déjanté, et qui apparaît clairement comme la comédienne la plus mémorable de toute la franchise avec le cascadeur Borislav Iliev (Three Finger dans les numéros trois et cinq). Ce n’est d’ailleurs pas son successeur actuel, Radoslav Parvanov, qui me fera dire le contraire, lequel avait pourtant déjà incarné One Eye la dernière fois.
Toutefois je ne peux terminer cette longue rétrospective sans évoquer un fait-divers arrivé tout récemment. Comme je l’expliquais au tout début de cette chronique, le manque de responsabilité de la Fox envers son produit n’est pas sans lui avoir amené quelques soucis d’ordre judiciaire. La faute à une production précipitée et peu surveillée. En effet, une famille a eu la désagréable surprise de d’apprendre que la photo d’un membre porté disparu et toujours activement recherché fut utilisée dans le film ! Un portrait qui apparaît d’ailleurs de manière flagrante sur le panneau d’affichage où apparaissent les personnes qui ont été probablement capturée et tuée par les cannibales.
Inutile de préciser que les proches se sont sentis insulté, en plus de ne pas apprécier la nature violente et graphique de l’œuvre. En résulte un procès qui a obligé la Fox de rappeler tous les DVD et Blu-ray mis en vente, ainsi que l’arrêt des diffusions en stream. L’idée, on le comprend, est de retoucher sensiblement le film afin de supprimer l’image concernée. Cependant je m’interroge sur la motivation de la compagnie qui, jusqu’à présent, n’a toujours pas ressortie une nouvelle version de Détour Mortel 6. Il est évident que le film est loin d’être une de leurs priorités et je me demande si nous auront vraiment droit à une ressortie légale du film. Après un coup pareil, j’imagine que ces producteurs frileux ne sont guère pressés de remettre leur petit DTV sur le marché.
Et finalement cela pourrait peut-être même remettre en cause un septième opus, car je suis certain que la Fox ne prendra jamais le temps de se pencher sérieusement sur la franchise et de contrôler la production dans ses moindres détails. Dommage, car il est évident qu’il s’agit d’une bête erreur commise par un employé peut regardant, ayant tapé “avis de recherche” sur Google pour gagner du temps dans la construction des décors.
Vu le rythme de parution de la franchise, je donne au moins deux ans avant de déclarer officiellement la saga comme morte et enterrée. D’ici là tout est possible mais il faut tout de même rester réaliste: même si cela pourrait faire un sacré coup de pub, la Fox donne surtout l’impression de se retrouver avec une petite humiliation sur les bras à cause d’une série de films parfaitement dispensables. Que croyez-vous que sera la décision finale des exécutifs après une telle affaire ?
Je n’ai vu que les deux premiers : pas si mal … J’ai préféré rester sur une bonne impression : à te lire, j’ai bien fait …
Et tu as bien fait car c’est exactement après ça que la série sombre dans les abysses de l’affligeant 🙂
Encore une belle chronique, très complète! Dommage que tu en ai fini avec cette saga, faudra en faire une autre maintenant ! En tout cas, on dirait que la saga se finit mal, enfin finir, on aura sans doute un septième… Quand je pense qu’aux USA le DVD de ce sixième opus est déjà considéré comme rare et se vend super cher…
Grand merci ! Et pas de soucis, j’ai fais une petite liste de quelques franchises pour de futur rétrospectives. J’y ai plutôt pris goût et j’aime bien voir l’évolution d’une série entre son premier et dernier film.
J’ai mes doutes pour un 7ème film, et justement encore plus pour la raison que tu cites. Le procès a eu lieu a peine quelques semaines après la sorti du film, et peu de gens on en fait vu ce dernier Détour Mortel. Et puisqu’il n’a pas été réédité, les reventes ne ramène rien aux producteurs. Du coup, pas de profit, probablement pas de séquelles !
voila encore un excellent dossier , très riches et disséqué savamment . félicitations , tu rendrais presque grâce a cette franchise , bien que sans prétention , de plus en plus lourdote a partir du 4 surtout (avis qui n’engageque moi ) .En tout cas du trés bon travail d’investigation et très bien pondu !
je l’avais partagé sur ma page, quand tu l’a publié, mais j’avais omis de te féliciter en direct .c’est réparé
Un retour qui me fait très grand plaisir, sache le !
Si j’ai donné envie aux lecteurs de revoir toute la série, et bien c’est un énorme compliment car cela signifie qu’en-dehors de mon opinion, j’ai pu au moins partager quelque chose et donner l’impulsion de s’intéresser aux films eux-mêmes.
J’ai dû rater ton partage dis donc, j’en suis confus mais très content de l’apprendre. Merci beaucoup !