Lost (and found) in the 5th Dimension
Épisode 22
WHEN AND WHERE
Amityville: The New Generation (1993)
“You’re a very brave man, Paulie.
A loaded gun, with all these critics around…”
J’ai commencé cette rubrique stupide en parlant d’objets bizarres et à peine visibles dans un film, souvent impossible à mentionner dans de simples chroniques. Il était temps que je revienne sur ce concept, et ainsi l’une des premières choses qui me vient en tête est cette étrange “œuvre d’art” provenant de Amityville: Darkforce, ou Amityville: The New Generation, soit le septième film de la série. Pour mettre rapidement les choses dans leur contexte, il faut mentionner l’existence de deux saga parallèles à propos de cette franchise: les films et les livres. Et si vous avez l’impression qu’aucun film ne suit une véritable continuité, avec des noms et des dates qui changent constamment d’un épisode à l’autre, c’est justement en raison de cette double existence et de divers poursuites judiciaires qui eurent lieux après la première adaptation cinéma. Ainsi peut-on utiliser le nom “Amityville”, mais plus le titre “The Amityville Horror”, qui était celui du premier roman. On peut évoquer les évènements marquants liés aux « faits réels » (le massacre de la famille DeFeo, les évènements surnaturels ayant hanté les Lutz et la réputation de maison hanté que s’est faite la demeure) mais il faut rester vague puisqu’il a des choses que l’on ne peut évoquer sans payer des royalties à différents partis. C’est sans doute ce qui a poussé un des auteurs de la version papier à créer une sorte de spin-off permettant de se débarrasser de toutes ces contraintes.
Avec son roman Amityville: The Evil Escapes, l’écrivain John G. Jones a l’idée de faire se dérouler l’intrigue autre part que dans la fameuse bicoque, le Mal qui l’habite étant “transféré” ailleurs grâce à un objet dans lequel il se cache. Du mobilier vendu à quelqu’un d’autre, se retrouvant dans une autre maison qui devient alors le théâtre de nouveaux drames. Le lien est faible, mais bien là. Amityville devient une malédiction, une idée qui se répète, et il n’est plus nécessaire d’être fidèle a qui que ce soit. Cela va ravir les producteurs qui vont d’abord adapter le livre avec Amityville 4, puis répéter la même chose encore et encore avec Amityville 1992, Amityville: The New Generation et Amityville: Dollhouse. L’accessoire change, une lampe, un miroir, une maison de poupée, mais le concept reste le même. Et dans le cas qui nous intéresse, la chose termine sa course dans un minable appartement de banlieue où résident quelques artistes sans le sou. Des malheureux en travail comme en amour qui se replient sur eux-même à travers leur passion. Il y a la peintre qui est incapable de se trouver un homme correct, le photographe qui a peur de s’engager sur le long terme, et le sculpteur qui… et bien il a juste l’air d’être un trou du cul un peu narcissique, un peu moqueur. Du moins c’est comme ça que le joue Richard Roundtree, l’acteur semblant n’en avoir rien à foutre de ce Amityville 7.
Il faut dire que son personnage, Paulie, n’apparait que dans une poignée de scènes et ne sert que de prétexte pour apporter une dangereuse arme à feu dans la dernière partie du film. Car évidemment la tragédie qui a secouée la maison d’Amityville est rejouée ici avec le descendant du responsable, poussé au Mal par le miroir maléfique. Sous son influence, il va recréer les meurtres sous forme de scène de théâtre, et s’il devait “tuer” ses acteurs à l’aide d’un Super Soaker rempli de peinture rouge, sa corruption va l’amener à remplacer celui-ci par un véritable fusil faisant à l’origine partie intégrante de la dernière création de son voisin. Ce qui est amusant c’est que, s’il reste compréhensible que les forces du Mal puissent tourmenter un artiste dépressif et le pousser au crime, le fusil n’a théoriquement rien à voir avec cela. Même si le miroir n’avait jamais été trouvé et que l’exposition s’était déroulée normalement, Paulie aurait tout de même choisi de placer un fusil à pompe chargé pour son spectacle. Le fait est que celui-ci m’apparaît comme un charlatan, se cachant derrière le mot “Art” pour se foutre de la gueule du monde. Si l’on ne voit jamais ses autres œuvres, une voisine décrit son travail comme “effrayant”, et lorsque vient l’idée de créer une exposition, elle lui demande de ne rien fabriquer qui puisse rouiller ou avoir une fuite, ce qui sous-entend que le sculpture a l’habitude de faire de la récup’ plutôt que de travailler le bois ou la glaise.
Son invention s’intitule When and Where (où et quand) et se trouve être assez proche de ce qu’un étudiant en art plastique flemmard improviserait pour un devoir. La chose se compose d’un vieux fauteuil défoncé installé devant un poste de télévision. Une caméra de sécurité installée au-dessus de celui-ci film le spectateur, l’obligeant à voir son propre visage en gros plan sur l’écran. Et a côté, un énorme fusil à pompe actionné par un minuteur qui est réglé pour se déclencher quelque part avant l’an 2001. Le plus amusant est d’écouter Roundtree tenter, sans succès, d’expliquer son œuvre. Il en est véritablement fier au point qu’il faut se demander s’il n’est pas un psychopathe étant donné que l’exposition est un évènement public. Il y a ainsi une véritable possibilité que l’engin puisse tuer quelqu’un. Pour Paulie, cette incertitude du moment où le coup de feu partira est une reproduction de notre attente de la Mort: on ne sait techniquement pas où ni quand nous partirons. Il y rajoute une sorte de commentaire social sur la télévision, arguant que nous sommes désormais habitué à y voir de la violence, et qu’avec sa création ils nous laisse une sorte de “choix”… sans préciser ce qu’il signifie par là. Le choix de ne pas regarder la télé ? Ou de comprendre que la violence, c’est mal, quand l’écran nous renvoie notre propre image plutôt qu’une autre ? Peu importe finalement puisque le seul but de tout ça est d’intégrer le fusil au récit.
Il reste amusant de voir que Paulie n’est pas du tout inquiet pour la sécurité d’autrui: quand l’évènement commence, on peut le voir tranquillement assis dans son fauteuil, mangeant des chips tout en s’observant à la télé. Lorsqu’il s’éclipse pour aller pisser, il propose même à un critique de prendre sa place juste pour l’intimider. Mais lorsque quelqu’un a finalement le courage de s’y mettre, il lui intime de dégager de là en vitesse, attendant bras croisé qu’il se mette mal à l’aise tout seul. Plus terrible encore: lorsque le héros, son ami, découvre l’objet et se montre mal à l’aise devant l’arme à feu, lui rappelant qu’il y a déjà eu quelques morts autour d’eux ces derniers temps – dont une amie artiste qui vivait dans l’immeuble, il se contente de sourire et de rejeter cela, comme si ça ne le touchait pas ! Mal lui en prendra puisque lorsque cette personne remplacera le fusil par son canon à eau, Paulie fait parti des acteurs jouant les victimes et se retrouvera mis en joue par sa propre arme. Du trio de cibles, il est même celui qui gardera le moins son sang froid.
Quoiqu’il en soit, il faut avouer que cette idée improbable à de la gueule. Il y a effectivement quelque chose de dérangeant dans l’idée de s’assoir dans un fauteuil, avoir une arme braquée sur soi et devoir regarder sa propre réaction. Le timer est un bon moyen de faire monter la tension et, si le “message” que veut faire passer l’artiste est nébuleux, il faut reconnaitre à l’œuvre une certaine force émotionnelle dans son concept. Le plus amusant c’est que l’accessoiriste qui a bossé sur ce truc a vraiment voulu soigner les choses: on peut voir que, pour ne pas confondre le fauteuil et la télé avec de vraies fournitures d’appartement, le tout est posé sur une petite plateforme surélevée qui a été recouverte de fausse moquette pour simuler le plancher d’un salon ! On retrouve deux batteries pour alimenter les différents appareils électriques, et même le téléviseur et le fauteuil sont garni de petits détails pour faire “récup”, comme un grillage autour de l’écran ou des gros fils censés maintenir en place le dossier abimé du siège. Même le héros, dans sa démence, n’osera pas détruire cette merveille: s’il dérobe le fusil, il prendra soin d’y poser son Super Soaker à la place. Si l’œuvre perd en force puisque désormais inoffensive, elle demeure intacte en essence.
Étant donné qu’un critique du Time (!) se rend à cette exposition, j’avoue que je serais presque curieux de savoir ce qu’il a pensé de l’œuvre. Mais forcément les évènements de la fin du film lui voleront la vedette, avec cette tentative de meurtre avortée et ce miroir maléfique qui explose en libérant sa puissance surnaturelle devant tous. Comme quoi même là, ce When and Where est destiné à être oublié, élément sans importance par rapport à la plus grosse histoire à laquelle il participe. Pour autant, et après les nombreuses années passées depuis que j’ai vu Amityville: Darkforce pour la première fois, c’est pour moi la seule chose dont je me souviens du film !
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