Trick ʽr Treat
(2007)
Toujours inédit dans nos contrées treize ans après sa sortie, Trick ʽr Treat n’a rien perdu de son mordant ou de sa brillance depuis tout ce temps. Il s’agit toujours la meilleure anthologie horrifique qui existe depuis Creepshow et personne d’autre que son réalisateur, Michael Dougherty, n’a su capturer aussi bien l’esprit d’Halloween. Il faut dire que celui-ci s’intéresse au sujet depuis toujours et en a fait le sujet de sa toute première production, le court-métrage Season’s Greetings en 1996 où apparait déjà le personnage de Sam, la petite mascotte du film. Un enfant surnaturel déguisé d’un sac en toile de jute sur la tête dont le nom dérive de Samhain, et qui est en réalité l’incarnation même de cette fête traditionnelle. C’est après avoir passé quelques temps à bosser avec Bryan Singer sur les scripts de X-Men 2 et Superman Returns que le metteur en scène a enfin l’occasion de faire ses preuves. En résulte un projet qu’il écrit et réalise lui-même tandis que son mentor produit et s’occupe de la distribution sous la bannière Legendary Pictures.
Ce futur chef d’œuvre porte d’abord le titre du petit dessin animé de son créateur avant d’être renommé Trick or Treat de peur qu’on ne le confonde avec… un film de Noël ! L’orthographe fut sensiblement raccourcie pour éviter la confusion avec le slasher Trick or Treats (1982) et le heavymetalleux Trick or Treat (1986). Pas vraiment nécessaire car le résultat surpasse tellement ces petites bandes d’exploitation qu’elles ont depuis sombré dans l’oubli. Car c’est un véritable tour de force que réussi le cinéaste pour cette première expérience, parvenant – et avec une aisance apparente – à créer une histoire à sketches narrativement efficace, visuellement plaisante et originale dans sa présentation à la Pulp Fiction: plutôt que de s’enchainer les uns après les autres avec un fil rouge en guise de reliure, les épisodes se déroulent tous en même temps et dans la même ville, les protagonistes se croisant ici et là durant cette longue nuit d’Halloween où les monstres sont de sortie, à l’insu de tous.
L’action se déroule dans le petit bled fictif de Warren Valley, dans l’Ohio, alors en pleine festivités: les enfants font du porte-à-porte, les adolescents draguent en espérant conclurent et les adultes passent le temps de toutes les façons possibles. Certains s’amusent, certains s’ennuient mais tous participent à leur façon à cette grande soirée où les fantômes et autres démons reviennent sur Terre, tandis que Sam veille au bon déroulement de sa nuit: l’emmerdeuse qui éteint les Jack O’Lantern en avance, il l’égorge avec une sucette brisée. Le vieux schnock qui refuse de donner des bonbons aux gamins, il le harcèle dans un quasi remake de l’épisode Halloween Candy de Tales From the Darkside. Mais le petit monstre n’est pas le seul à verser le sang et différents personnages vont faire de fatales rencontres en différents lieux: le principal Wilkins se trouve être un tueur en série qui offre des friandises empoisonnées aux enfants du quartier, enterrant dans son jardin ceux qui succombent trop vite pour ne pas éveiller les soupçons.
Mais alors qu’il inhume une nouvelle proie pas tout à fait morte, il se retrouve constamment interrompu par de petits inconvénients qui risquent d’attirer sur lui l’attention des voisins. Un premier conte qui fonctionne comme un mini thriller sans éléments surnaturels mais où le suspense prime avant tout. Car lorsque le meurtrier n’est pas dérangé par un cabot, c’est son propre fils qui l’appelle en hurlant par la fenêtre. A bout de patience, le paternel se saisis d’un énorme couteau et va rejoindre son rejeton qui l’attend désespérément pour découper leur citrouille… Au final tout se fini bien puisque chez les Wilkins on est psychopathe de père et en fils, et la petite famille se retrouve avec tendresse pour sculpter non pas des cucurbitacée mais des têtes humaines ! Et cela n’est pas l’unique activité de l’assassin puisque nous le retrouvons plus tard dans une autre intrigue où il continu de faire un carnage parmi la population locale. Derrière un masque cependant, manière à surprendre le public lors du twist final.
C’est l’affaire de Laurie, jeune femme un peu timide priée par sa sœur et ses copines de se dévergonder une bonne fois pour toute. Car les demoiselles préparent une soirée orgiaque dans les bois et chacune doit se trouver un partenaire pour l’occasion. Pas de chance, la jolie fille est encore vierge et incapable de draguer, se retrouvant bien embêtée pour faire son choix parmi la gent masculine de Warren Valley. Mais un homme va bientôt s’intéresser à elle, vêtu d’une cape et de crocs de vampires, et la traque commence dans les ruelles. Un lieu parfait pour tuer sans être inquiété par qui que ce soit, comme le montre un mini segment faisant office de prologue à cette histoire: une victime blessée par le mystérieux agresseur parvient à s’enfuir et rejoindre la grande parade pour trouver de l’aide. Elle réalise aussitôt que personne ne la croit car de nombreux fêtards sont déguisés de fausses blessures sanglantes ! Son cadavre abandonné parmi les poivrots endormis passe lui aussi totalement inaperçu…
La conclusion de cette course-poursuite, bien que prévisible, se montre spectaculaire et fait volontairement échos aux bons vieux Tales From the Crypt de EC Comics. Car tandis que l’héroïne est prises dans les griffes du prédateur, les rôles s’inversent et la frêle adolescente se révèle être le véritable monstre tandis que le “vampire” n’est qu’un humain déguisé et très vulnérable. Laurie est en réalité un loup-garou, et son dépucelage n’a rien de sexuel puisqu’il s’agissait en fait de sa première chasse ! Son déguisement de petit chaperon rouge, évidemment ironique, et son attitude apeurée n’étaient que des leurres, et la scène finale marque l’un des meilleurs moments de Trick ʽr Treat avec la métamorphose d’une horde de bimbos sexy en louves très voraces. Une transformation s’opérant sur une danse lascive où les participantes retirent d’abord leurs vêtements puis leur peau en un striptease horrifique, se débarrassant littéralement de leur fausse apparence séduisante pour révéler leur sinistre nature.
Pendant ce temps quelques gamins viennent rejouer Carrie et Fog dans une carrière abandonnée. Un groupe de trick or treaters animé de mauvaises attentions puisqu’ils veulent faire une farce à la pauvre Rhonda, petite fille jugée bizarre car un peu nerdy. Sur place ils lui racontent une vieille légende urbaine à propos du crash d’un bus scolaire qui causa la mort de plusieurs enfants malades mentaux, en réalité un crime organisé par des parents épuisés qui soudoyèrent le chauffeur pour se débarrasser de leur progéniture. La plaisanterie, cruelle, montre la petite bande faire croire à Rhonda que les âmes en peine sont revenues d’entre les morts pour se venger. Profitant d’un brouillard épais, ils se déguisent en zombies et mettent en scène une attaque violente qui va terrifier la fillette, mais ils commettent l’erreur d’éteindre leur Jack O’Lantern après le méfait. Voilà qui permet le retour des véritables morts-vivants dont les corps putréfiés émergent du sol boueux.
Difficile de ne pas prendre parti pour cette pauvre Rhonda lorsque viennent la conclusion et la décision qu’elle prend pour se venger. Innocente et gentille, elle est dupée et malmenée avec une hargne qui fait peine à voir: comme dans Carrie un bellâtre fait semblant de s’intéresser à elle, jouant avec ses sentiments, et l’humiliation qu’elle subit lui est presque fatale puisqu’elle fait une chute dangereuse contre des pierres. Son sort n’est pas très différent de celui de ces jeunes perturbés dont Warren Valley s’est débarrassé sans état d’âme (l’incident fut étouffé et le véhicule se trouve encore sur place), et la magie d’Halloween permet quelque part de rétablir la justice. Car là encore le script n’abandonne pas les créatures qui vont revenir dans l’épisode suivant afin de retrouver leur bourreau. Ce pauvre gars c’est le petit vieux a qui Sam fait des misère, en une reprise plus dynamique et sanglante du spécial Halloween de Tales From the Darkside. Vivant reclus depuis le drame, il ne supporte plus la saison et éloigne les enfants de sa demeure.
Mal lui en prend car il se retrouve attaqué par le petit monstre qui s’en prend d’abord à son chien avant d’essayer de le tuer. Les deux adversaires se massacre copieusement tout au long du segment, l’ermite usant du tromblon pour exploser son agresseur qui possède quant à lui un arsenal de sucrerie piégées (une lame de rasoir dans une barre de chocolat, du verre pillé dans des bonbons) inspiré de véritables légendes urbaines. C’est l’occasion d’en apprendre plus à propos de Sam, dont le corps vaguement humain est en réalité celui d’une citrouille (un véritable “Pumkinhead” qui mérite bien plus ce nom que le pseudo Xénomorphe de Stan Winston), et de son code de conduite étroitement associé aux traditions de la fête dont il tire son nom. Il épargne ainsi se ennemi en trouvant sur lui une friandise, le laissant en paix une fois l’offrande récupérée. Plutôt que d’être diminué par de telles révélations, le personnage s’en retrouve au contraire grandit puisque changeant des habituels croquemitaine du cinéma d’horreur.
Il faut dire que Michael Dougherty soigne absolument tout dans le détail, comme le prouve cet indice subtil quant à l’identité du vieillard (une respiration difficile que l’on pouvait déjà entendre dans le flashback du conte précédent) et les multiples chassés-croisés entre chaque protagoniste au cours du film. On peut retrouver chez les louves un costume de hot-dog qui appartient a un figurant chaud lapin entr’aperçu plusieurs dizaines de minutes auparavant, tandis qu’une phrase innocente lancée par un reporter prédit l’apparition de chacun des différents monstres d’entrée de jeu. Les références pleuvent également même si elle ne sont nullement encombrante: la Christine de Stephen King fait son apparition, la main coupée de Sam bouge toute seule à la façon de Evil Dead 2 et Laurie tient sans doute son prénom de Laurie Strode qui était elle aussi victime d’un stalker. La parenté avec Creepshow est établit dès le générique d’ouverture avec les images de comics Trick ʽr Treat et, tout simplement, l’imagerie d’Halloween confère au film une ambiance unique.
Feuilles mortes, lune rousse, citrouilles, masques et costumes apparaissent constamment à l’écran, tandis que les télévisions diffusent des extraits de films (La Nuit de Tous les Mystères, Scooby-Doo sur l’Île aux Zombies) ou des vidéos vintage. Warren Valley est extrêmement peuplée et entièrement dévouée à cette nuit hanté: les mômes sonnent à toutes les portes et découvrent avec stupeur quelques adultes en pleins ébats sexuels, la parade est grande et colorées, les boutiques de costumes sont toujours ouvertes et un gamin peut donc mater de jolies filles se changer dans les cabines d’essayages. Voilà qui change complètement des habituelles villes fantômes mornes et lugubre de ce type de film ! A cela s’ajoute le casting sympathique avec Anna Paquin dans le rôle de Laurie, Brian Cox (le Hannibal Lektor du Sixième Sens, William Stryker dans X-Men 2) dans celui du vieux bougon et Dylan Baker (vu dans le génial Fido, il était le Dr. Curt Connor de Sam Raimi dans Spider-Man 2 et 3), absolument parfait en tueur en série.
Cerise sur le gâteau: Brett Kelly, le gros lard aux cheveux bouclés de Bad Santa, fait une apparition pour illico mourir salement ! Autant dire que Trick ʽr Treat se montre aussi chouette, coloré et appréciable qu’une bonne récolte de bonbons le soir d’Halloween, et on en redemanderai bien encore ! Avec sa durée étonnamment courte (1h22 seulement), cela passe beaucoup trop vite et hélas le réalisateur n’a encore jamais pu remettre le couvert. Il fallu même attendre jusqu’en 2015 pour voir son prochain film, Krampus, qui lui aussi cassa la baraque. A défaut d’un Trick ʽr Treat 2, longtemps annoncé et toujours inexistant, Michael Dougherty retrouva occasionnellement Sam pour quelques (très) courts-métrages promotionnelles produits par la chaine FEARnet (The Day After, Father’s Day, Making Friends, Sam’s Going to School), pour leur Trick ʽor Treat 24-hour Marathon annuel. Plus intéressant, le comic book Trick ʽr Treat: Happy Halloween qui fonctionne sur le même modèle que le film mais se déroulant dans le passé, narrant les origines de Sam depuis les fêtes Païennes d’Irlande jusqu’à la création des premières colonies d’Amérique.
GALERIE
Y a pas un éditeur FR qui voudrait se bouger pour le sortir en DVD ?
A mon avis, ça serait déjà fait…
Oui. Mais comme l’espoir fait vivre…
En même temps j’ai au moins 3 mecs qui m’ont clairement fait comprendre que le film était pas si bien que ça, du coup c’est peut-être pas étonnant.