Gore N°3
Le Bois des Ténèbres
The Woods are Dark
(1981)
Richard Carl Laymon, grand écrivain d’horreur et de gore (il reçu le prix Bram Stocker en 2001 pour son dernier livre, The Traveling Vampire Show) qui officie aussi sous pseudonymes tels que Lee Davis Willoughby, Carl Laymon ou Richard Kelly (repris du prénom de sa fille), et hélas décédé d’une crise cardiaque en 2001, signe ici ce que beaucoup considèrent comme un de ses meilleurs romans…
L’histoire nous plonge dans une petite ville de campagne des États-Unis. Deux amies et une famille se retrouvent capturées par les villageois et livrées en sacrifice à de mystérieuses personnes vivants dans les bois, les Krulls. Cependant l’un d’eux tombe amoureux d’une des otages et décide de la sauver, outrepassant les règles des habitants et mettant ainsi sa propre famille, sa sœur et sa nièce, en danger…
Le récit part d’un postulat assez classique dans le domaine de la littérature d’épouvante, avec la confrontation d’un groupe d’étrangers à un milieu hostile. La peur de l’inconnu et l’implication de tout le village est une situation classique mais Laymon injecte une dose de gore et surtout des passages malsains suffisamment pervers pour rendre son livre certes abject par instant, mais paradoxalement plutôt accrocheur justement.
Le Bois des Ténèbres est un survival, prenant à la fois le cadre urbain et celui de la nature sauvage. Le lecteur suit parallèlement le destin de deux groupes: celui confronté aux Krulls dans la forêt, se divisant constamment en raison des tensions provoquées par les désirs des protagonistes (s’enfuir, retrouver les autres, etc), et celui des prisonniers du village. Il est intéressant de constater à quel point Le Bois des Ténèbres se rapproche alors à la fois de Massacre à la Tronçonneuse, pour l’ambiance et surtout la folie des villageois malgré leur aspect civilisé (notamment le personnage de Rose Pétale, une ancienne prostituée de plus de quatre-vingt dix ans, habillée sexy comme une adolescente et maniant le marteau avec dextérité, un peu à la manière de Leatherface et de son maillet) et plus particulièrement de La Colline à des Yeux de Wes Craven, où une famille de citadins se retrouve confrontés à des primitifs dans les montagnes.
De ce film, on peut remarquer que Le Bois des Ténèbres conserve l’idée de la victime devenant plus sauvage que l’agresseur par le biais du personnage de Jenny, une fillette de douze ans visiblement victime de pédophilie par son beau-père. Si, au début, l’idée qu’une gamine puisse prendre plus d’initiative que sa mère au point de sembler bien plus mature qu’elle peu paraître assez peu crédible, voir ridicule, sa descente progressive vers la folie meurtrière a de quoi glacer le sang. Dans le même ordre d’idée, la jeune Cordelia se voit l’obligation de rejoindre la tribu des Krulls et de subir le viol si elle désire survivre.
On se demande d’ailleurs qui, du civilisé ou du primitif, est le plus sauvage au final, surtout lorsque certains villageois viennent eux-mêmes faire partie intégrante de la tribu ou lorsqu’un jeune enfant, complètement obsédé sexuel, ne peut s’empêcher de sauter sur toutes les filles qu’il croise. De l’autre côté, les Krulls ne sont qu’une bande de barbares rongés par la consanguinité. Des cannibales aux corps déformés et aux comportements violents dont la tribu existe visiblement depuis très longtemps.
Leur origine n’est que vaguement expliquée, mais Laymon ne répond finalement qu’à très peu de questions dans le roman, se concentrant avant tout sur les méfaits que les Hommes commettent et sur l’objectif principale des personnages principaux: survivre et fuir. Et c’est ainsi que le récit devient un peu confus vers sa fin, l’auteur n’expliquant pas assez clairement les choses, que ce soit l’intérêt des quelques villageois ayant intégrés la tribu pour les guider, l’existence de l’adversaire des Krulls en la personne d’un géant redoutable et meurtrier, ou encore la nature de ce monstre que « vénèrent » les sauvages… A propos de ce dernier, dont nous n’apercevrons que les multiples tentacules jaillissants hors d’un abyme insondable et qui finira par s’en extraire à la toute fin du roman, il n’est pas sans renvoyer à Lovecraft et ses Grands Anciens ou à Robert E. Howard et ses monstruosités qu’affrontent ses héros (Kull , Conan) au point que le final le laisse en liberté dans la forêt, sans que l’on sache exactement ce qui se passe par la suite (tout ce que l’on sait de lui, c’est que les Krulls le nourrissait de os de leurs victimes). Final par ailleurs beaucoup trop rapide et confus, non pas bâclé mais s’enchaînant trop rapidement et ne prenant pas le temps de se poser suffisamment pour être pleinement apprécié… Dommage.
Comme il est dit plus haut, l’intrigue se perd beaucoup dans les actes malsains (même si cela n’empêche pas un certains suspense). On a droit à des descriptions très gore lors des meurtres et à des passages assez nauséeux (la fuite à travers la forêt de piques surmontés de têtes coupées) dont de nombreux viols sordides (victimes attachées et subissant les assauts de plusieurs hommes et femmes à la suite). Le principe de l’acte sexuel aussi violent est tout bonnement abject mais rentre pleinement dans le sujet (les actes sauvages et primitifs), cependant il faut souligner l’abus excessif de cet élément ; et plus particulièrement lorsque l’auteur n’hésite pas à faire subir ces sévices à un fillette de douze ans, dont l’équilibre mental était déjà mit à mal. Très gênant, voir même révoltant.
Laymon livre une œuvre sans pudeur ni morale, visiblement totalement dévoué à son sujet, mais fait preuve d’une grande dose d’humour noir au travers du comportement de ses personnages, que ce soit les réactions de Rose Pétale, le type qui se croit dans Psychose lors de son arrivée au motel du coin ou encore la fille qui avoue son homosexualité et son amour à son amie en pleine situation de crise, cette dernière étant déjà amoureuse de son sauveur…
Au même titre que son histoires et ses personnages, Laymon ne fait pas dans la dentelles en ce qui concerne son écriture et se livre à un style assez simple, décrivant les choses comme elles se passent et évitant les tournures travaillées. Très rebutant, mais d’un autre côté avec un sujet pareil et une accumulation de scènes malsaines, il ne fallait pas espérer un grand travail d’écriture… Le Bois des Ténèbres n’est au final qu’un petit livre sans ambition et sans inventivité qui se contente d’offrir de l’horreur et du glauque sans jamais chercher la subtilité. Reste les scènes en question, qui pour la plupart se révèlent suffisamment grand-guignolesques et/ou malsaines pour retenir l’attention.
A noter que l’unique distributeur de ce livre en France fut l’éditeur Fleuve Noir, pour sa collection Gore, et dans l’impératif de la limite des mots (250 000 signes) le livre fut énormément coupé (Daniel Riche, dirigeant la collection, le regrette) , rendant ainsi le roman très confus. De nombreux éléments manquent lors des paragraphes, on ne sait pas bien la relation qu’on les personnages lors de leur présentation et les événements ne s’enchaînent pas toujours correctement (trop rapidement bien souvent).
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