The Vineyard
(1989)
Dans l’univers de la série B, l’acteur James Hong est comparable à un véritable trésor qu’il convient de chérir et de protéger. D’autant que le bonhomme, désormais âgé de 90 ans, va sans doute sur ses derniers jours et qu’il faut s’attendre à tout moment à le voir disparaitre. Aussi lorsque ressort dans une copie haute définition The Vineyard, l’une de ses rares réalisations et seul vrai représentant du cinéma d’exploitation dans le lot, il convient de revisiter ce petit film passé plutôt inaperçu à l’époque. L’expérience Big Trouble in Little China en 1986 l’a sans doute beaucoup marqué, et comme celle John Carpenter son histoire opère une surprenante fusion des genres, empruntant aussi bien à l’horreur qu’au récit d’aventure pulp où se mêlent kung fu, morts-vivants, savants fous, magie noire chinoise, donzelles dévêtues et mythologie. Un sacré cocktail certes un peu limité par le faible budget et quelques passages à vide, mais malgré tout plaisant grâce à la diversité des sévices et rebondissements proposés.
L’intrigue, Hong l’écrit avec quelques amis aux CV très maigres – citons Harry Mok, cascadeur sur Rambo II qui atterri chez FilmOne, la boite du “Steven Seagal de Beyrouth” (TC 2000, Talons of the Eagle, Tiger Claws II) – et il partage officiellement la mise en scène avec un dénommé William Rice, assistant réalisateur anecdotique qui lui a sûrement servi de conseiller plus qu’autre chose sur le tournage. Il se donne aussi le premier rôle pour notre plus grand plaisir, celui d’un sacré enfoiré prêt à tout pour vivre éternellement, sacrifiant de belles jeunes femmes pour fabriquer une potion de jouvence qu’il doit boire régulièrement. Ce personnage, le Dr. Elson Po, possède même un parcours plutôt développé puisqu’il est le fils d’un guerrier et d’une déesse. Né durant la dynastie Quing, il voit un jour son père menacer sa mère, convoitant son médaillon de jade lui procurant l’immortalité. L’enfant commet le parricide pour la sauver mais décide finalement de garder la relique pour lui-même, condamnant la divinité à une forte dégénérescence physique.
Un concept sans doute repris à la légende des femmes célestes asiatiques (la tennyo japonaise et la feitian chinoise, qui descendent de l’apsara hindoue), en remplaçant le manteau magique leur permettant de regagner les cieux par un artefact offrant beauté et longévité. Depuis, Po s’est tourné vers la sorcellerie et sert le dieu Selagod, roi du panthéon Maya dont les pouvoirs lui ont permis de créer une véritable fontaine de jouvence sous la forme d’un vin maudit. Une boisson faite à partir de sang humain et du jade magique de son talisman, qu’il produit sur son île privée et revend sur le continent, transformant chaque client en nouveau disciple pour son maitre ! Lorsque le film commence il reçoit une fournée de victimes pour sa nouvelle cuvée, organisant un faux casting avec l’aide d’un agent de talents artistiques corrompu. Mais parmi les candidats, deux recrues vont venir chambouler ses plans: un journaliste fouineur qui va découvrir son secret et une beauté dont il va s’éprendre et vouloir épouser.
Bien sûr il n’est pas question de romance dans The Vineyard, et à la manière de Lo Pan, il compte surtout sacrifier la demouselle selon un rituel qui lui offrirait une immortalité définitive. Et ça tombe bien puisque son médaillon se réduit comme une peau de chagrin à force d’utilisation au cours des siècles. Le stress lui fait faire des cauchemars tandis que ses crises de vieillissement accéléré sont de plus en plus fréquentes. Pour ne rien arranger, les morts-vivants enterrés dans son vignoble (ses victimes, a qui il a dérobé l’âme et qui ne peuvent trouver le repos) s’agitent et commencent à sortir de leurs tombes. Autant dire qu’il va avoir fort à faire lorsque le petit groupe décide de s’échapper et que quelqu’un délivre sa mère jusqu’ici prisonnière mais toujours capable de magie. Autant de péripéties qui engendrent leurs quotas de scènes sanglantes ou horrifiques, généralement créatives et suffisamment variées pour éviter l’ennui.
Une femme se réveille avec un boa géant dans son lit, une autre vomit un flot d’araignées et de tarentules sous l’effet d’une sorte de poupée vaudou. Une séance d’acupuncture surnaturelle fait jaillir des aiguilles géantes du corps du patient, perforant sa gorge depuis l’intérieur, et des cadavres sont immergés dans des fûts de vins géants. Un captif est décapité à la hache médiévale pour s’être rebellé et il y a une demi douzaine de filles en tenues légères enchainées dans la cave qui attendent de se faire pomper le sang. Quant au final, il montre une poignée de zombies sortir de leurs tombes pour se venger du sorcier façon Re-Animator. Les personnages féminins passent le plus clair de leur temps en lingerie sexy ou en nuisette, et les affrontements incessants entre les héros et les hommes de mains de l’immortel nous vaut quelques séquences de chasses à l’homme. Dommage que le manque d’argent saborde toute cette entreprise en limitant certains effets spéciaux et en espaçant un poil trop l’apparition de tous ces éléments sur la durée du film.
Car The Vineyard a ses longueurs, que ce soit lors d’un bal costumé s’étirant plus qu’il ne devrait ou lorsque Po conte fleurette à sa future promise. Heureusement on peut compter sur James Hong pour nous divertir, celui-ci monopolisant le temps de présence à l’écran et trouvant toujours un moyen de faire réagir son public. Lorsqu’il ne fait pas le pitre en mimant une improbable danse traditionnelle, il s’offre une scène chaude avec une jolie partenaire et s’auto-parodie en rejouant pratiquement la version vieille et diminuée de Lo Pan. Lorsqu’il surprend sa maitresse dans les bras de son garagiste, il exige que l’homme soit castré avant d’être exécuté puis abandonne la traitresse parmi ses donneurs de sang. Il s’amuse avec quelques rats de compagnie dans son laboratoire occulte où se croisent statuettes de dieux oubliés et potions fumantes, et face à lui les autres acteurs font ce qu’ils peuvent mais paraissent bien fade, preuve que ce film reste avant tout un véritable one-man show.
Citons quand même Harry Mok en laquais meurtrier, avec une étrange lentille de contact à un œil qui le rend plus remarquable. Dans le rôle de l’ingénue au visage d’ange faisant craquer Dr. Po, c’est l’ancienne Playmate Karen Witter qui vient là grossir son CV “série B” (Popcorn, Out of the Dark, l’Emmuré Vivant de Gérard Kikoïne), avec un personnage qui ne fait rien d’autre qu’être séduisant mais peu au moins sa targuer de s’appeler Jezebel Fairchild, ce qui claque pas mal. Enfin, et dans un registre plus surprenant, c’est le hongkongais Michael Wong qui vient jouer le sauveur timoré et maladroit. Un comble pour ce spécialiste du cinéma d’action que l’on a pu voir aussi bien chez Godfrey Ho (Challenge the Ninja) que Tsui Hark (Piège à Hong Kong, Seven Swords), affrontant tant Brandon Lee (Legacy of Rage) que Donnie Yen et Cynthia Khan (In the Line of Duty 4). S’il peut tenir têtes à tous ceux là, il parait bien frêle et insignifiant devant le Mandarin de John Carpenter ! Qu’on se le dise: James Hong est indétrônable.
GALERIE
Commentaires récents