The Resurrection of Michael Myers
(1987)
Un fanfilm suédois d’Halloween datant des années 80, ça vous tente ? Ça devrait, car même si ce type de projet est désormais une pratique très répandue avec des milliers de prétendants gratuitement visibles sur YouTube, The Resurrection of Michael Myers provient d’une autre époque où les méthodes de tournage et de distribution étaient différentes. En ces temps le caméscope commençait tout juste à devenir accessible et Internet n’existait évidemment pas, forçant les apprenti réalisateurs à produire eux-mêmes quelques copies physiques qui ne circulaient généralement pas bien loin. Pour montrer son œuvre il fallait non seulement la dupliquer sur des cassettes vidéos de deuxième voir troisième génération, mais aussi trouver le moyen d’en faire la promotion. C’était le bon vieux temps du bootleg analogique, du fanzinat et du trading, où les titres les plus obscures se refilaient sous le manteau.
Films piratés mis à part, c’était l’occasion de tomber sur un cinéma totalement indépendant où tout était permis. Peu importe les tabous ou les droits de propriétés intellectuelles, ces vidéos pouvaient tout montrer et tout imiter, dans la limite de leur budget, créant autour d’elles une sorte de mystique. Bien sûr le résultat était rarement à la hauteur des espérances mais c’était le jeu. Désormais la plupart de ses bandes ont disparu, n’ayant jamais été sauvegardées sur format digital ou préservées des dégâts du temps par leurs possesseurs, et c’est honnêtement un miracle qu’il existe encore une copie de The Resurrection of Michael Myers sur le Web. Un transfert de très mauvaise qualité puisque devant composer entre la dégradation naturelle du support original et les limites technologiques du temps de sa numérisation, mais qui permet l’air de rien de retrouver l’expérience d’époque de visualisation, lorsque les téléviseurs étaient à tubes catholiques et qu’il fallait jouer du tracking avec son magnétoscope.
Court-métrage parodique de 25 minutes, le projet ne raconte rien de bien extraordinaire et se limite basiquement à une longue poursuite entre le personnage principal et Michael Myers dans un bâtiment vide. L’occasion d’imiter John Carpenter pour le fun et de s’amuser le temps d’une ou deux soirée. Heureusement les responsables en charge de la réalisation ne cherchent jamais à se prendre au sérieux et en profitent surtout pour déconner le plus possible. Leur intrigue n’a d’ailleurs strictement aucun sens et évoque plutôt un mauvais rêve imprimé sur bande magnétique tant les délires s’enchainent sans logique. Ainsi le protagoniste est un jeune homme partant travailler le soir d’Halloween juste après avoir assisté à une projection de La Nuit des Masques au cinéma. Dans les locaux, un poster du film fait magiquement son apparition sur une étagère et attire son attention, mais il a vite fait de le jeter à la corbeille.
Son acte lui attire la colère de Michael Myers qui se conjure lui-même dans cette réalité, émergeant du sac poubelle un couteau à la main. L’employé va prendre la fuite et tâcher de s’échapper tandis qu’une foule d’éléments imprévisibles vont venir perturber sa progression. A commencer par un humour slapstick façon Sam Raimi puisque le héros se vautre constamment dans le décors quand il ne se fait pas malmener par les créatures surnaturelles qui lui courent après. Lorsqu’il ne tombe pas dans les escaliers, il se prend des portes, se coince la tête dans un meuble et se retrouve malgré lui sur un skateboard lancé à vive allure. Plus que la situation, c’est le courage de l’acteur à jouer les cascadeurs du dimanche qui fini par faire sourire et l’esprit Evil Dead n’est parfois pas loin. A ce titre la fameuse shaky cam est ici reprise pour simuler la progression du tueur en vue subjective, idée qui sera réutilisée exactement 30 ans plus tard dans Friday the 13th: The Video Game !
Du reste Michael Myers n’est pas le seul danger puisque l’une de ses victimes revient inexplicablement sous la forme d’un zombie tchatcheur et adepte du kung-fu. Un mort-vivant qui se permet un beau clin d’œil à Zombie lorsqu’il mord le bras d’un gardien de sécurité avec un effet gore digne de Tom Savini, preuve que derrière la déconne l’équipe est véritablement dévoué à son sujet et tient à lui rendre hommage. La mise en scène soigne comme possible ses cadrages et mouvement de caméra, le protagoniste imite Bruce Campbell presque au mouvement près et la lumière fait parfois accidentellement du bon boulot, créant une sorte d’ambiance cauchemardesque qui laisse entrevoir un talent certain. Mention spéciale pour cette scène où le héros s’empare d’un téléphone afin d’appeler à l’aide mais entend aussitôt la respiration de Myers à l’autre bout du combiné.
Le court-métrage multiplie les moments de bravoure et se retrouve bourré à craquer de références et d’idées, empêchant tout ennui possible. Quand The Shape ne se téléporte pas dans l’arrière-plan, il rejoue le meurtre de l’infirmière soulevée du sol d’Halloween II ou se bat contre le zombie qui s’apprête à lui voler sa proie. Un couteau se plante méchamment dans un crâne avec un bruit de pastèque bien mûre tandis que des yeux sont crevés avec les pouces en une énième référence à Evil Dead. La célèbre musique de John Carpenter vient ponctuer le tout avec la participation de l’excellent thème d’Halloween III en bonus, tandis que le tube I’m Your Boogieman de KC and the Sunshine Band vient rappeler que l’ambiance est à la rigolade avant tout. Quant à ceux qui trouvent que le costume de Michael Myers est peu ressemblant à l’original, composé d’un bleu de travail et d’un masque blanc lambda, cela s’explique facilement du fait que c’est en réalité Freddy Krueger qui se cache derrière le déguisement ! Belle manière de rationaliser l’absurdité de la situation.
Bref, The Resurrection of Michael Myers est un sympathique fanfilm, prometteur quant aux talents derrière la caméra (l’un des réalisateurs, Henrik Wadling, deviendra notamment producteur du génial Evil Ed dans lequel il ramènera l’un des acteurs dans un tout petit rôle) et fonctionnant désormais à plein régime d’un point de vue nostalgique avec son charme rétro. Quant à l’absence de sous-titres lors des rares dialogues, cela ne fait que rendre le produit encore plus exotique. Les courageux qui tenteront – et apprécieront – l’expérience seront récompensé par l’existence d’une suite, The Resurrection of Michael Myers Part 2, encore plus fun et techniquement supérieur. Dans tous les cas voilà un bel exemple du dévouement des fans du genre, ce qui est d’autant plus intéressant ici du fait que la Suède est connu pour sa censure extrêmement sévère.
Note: The Resurrection of Michael Myers Part 2 est plus facilement trouvable sur support physique que son prédécesseur, et il existe même une copie sur Internet dont la qualité vidéo surpasse grandement celle qui fut numérisée avec le premier opus. Je recommande alors aux curieux de regarder celle-ci plutôt que s’abimer les yeux avec la version regroupant les deux courts-métrages ensemble.
Terrible!