The Hollow
(2004)
La Légende de Sleepy Hollow et de son cavalier sans tête est une histoire presque vieille comme le monde, écrite en 1820 par Washington Irving. Si beaucoup gardent en mémoire le très sympathique dessin animé de Walt Disney, La Légende de la Vallée Endormie (ou The Legend of Sleepy Hollow, 1949) comme première expérience avec le sujet, il faut savoir qu’il existait déjà presque une dizaine d’adaptations avant celle-ci. La plus vieille, Rip Leaving Sleepy Hollow, remonte même jusqu’à 1896 pour une durée de 25 secondes ! Même encore maintenant on peut trouver une série télé, laquelle aborde l’intrigue à l’époque contemporaine.
Quantité de téléfilms ont continués de faire vivre le mythe à travers le temps, aussi il n’est guère surprenant que bien d’autres aient vu le jour après que Tim Burton se soit emparé de l’histoire pour son plutôt joli Sleepy Hollow, en 1999. Cependant, parmi ceux-ci, beaucoup ont simplement voulu profiter de l’immense succès du film commis par le rêveur gothique, et produisirent des cavaliers sans têtes en dépit du bon sens, utilisant le titre “Sleepy Hollow” comme d’un simple label vendeur. De la pure exploitation, du Bis qui va aussi bien du film d’animation cheap pour enfants (The Night of the Headless Horseman, comme par hasard en 1999, pour ne pas perdre une miette du blockbuster hollywoodien), au téléfilm essayant de rester fidèle au texte original (La Légende de Sleepy Hollow, 1999 encore), en passant par la série B bien troussée (Headless Horseman, en 2007), voir au slasher ultra amateur tourné au caméscope (Sleepy Hollow High, 2000). Réalisé en 2004, The Hollow se situe quelque part entre les deux derniers titres mentionnés. Un film d’horreur fabriqué en vitesse, pas totalement fauché mais pas vraiment bien fait non plus…
Comme toute déclinaison de ce genre, le scénario déplace l’action à notre époque et utilise ici la nouvelle comme backstory pour son récit. Le film part du principe que l’histoire est un fait réel, Ichabod Crane ayant bien été confronté au Cavalier sans tête dans le village de Sleepy Hollow, au XIXème Siècle. Dans l’œuvre originale, le sort du personnage principal n’est pas montré et il est dit que Crane a tout simplement disparu après sa rencontre avec le fantôme, comme s’il avait périt. Quiconque connait l’histoire sait qu’il n’en est rien, le poltron ayant simplement fuit les lieux pour ne jamais revenir car le véritable Cavalier n’était qu’une farce, un stratagème mis au point par un rival afin de l’éloigner d’une jeune femme leur plaisant à tous les deux.
Cet élément est volontairement ignoré ici et le Cavalier est bel et bien un spectre vengeur et sanguinaire, se réveillant aux alentours d’Halloween et décapitant quiconque croise son chemin. Malgré les décades, celui-ci est toujours obsédé par Crane, qui lui avait échappé et a fait changer son nom en espérant ne jamais être retrouvé par le monstre. Malheureusement ses descendants, inconscients du danger, sont revenus à Sleepy Hollow et le fantôme cible désormais Ian Cranston, le dernier de la ligné. Un adolescent qui aime le mythe mais n’y croit pas une seule seconde. Alors qu’il est mis en garde par l’étrange Klaus Van Ripper, gardien du cimetière qui en sait long sur la légende et qui voit en lui le seul qui pourra stopper la malédiction, le Cavalier fait son apparition et commence à rôder autour du village, coupant les têtes de ceux qu’il croise…
En premier lieu on voit très bien à quoi joue The Hollow, utilisant un personnage mythique pour l’intégrer à la recette faisandée du slasher où il jouera le rôle de l’invincible tueur en série. Les personnages de cheerleaders et de joueurs de footballs sont introduits, la petite ville isolée permet à l’assassin de rôder sans être découvert et empêche l’implication de véritables forces de l’ordre autre qu’un simple shérif, et les clichés habituelles comme le couple qui part forniquer dans un lieu interdit sont tout à fait présent. Les meurtres possèdent même un soupçon d’effets spéciaux sanglants pour raccrocher le film au genre horrifique et l’élément fantastique évoque les ersatz de Freddy et Jason qui pullulaient dans les années 80.
En fait l’ensemble du film parait extrêmement rétro, tant dans son déroulement que dans son aspect visuel, au point qu’on ne dirait vraiment pas qu’il a été réalisé en 2004. C’est plutôt le tout début des années 90 qui vient en tête, entre le look des acteurs, l’image très téléfilm et la qualité des effets spéciaux, et si quelqu’un venait subitement nous expliquer que The Hollow a passé quelques années dans un tiroir avant d’être distribué, on le croirait sans problème. Et si quelques éléments post-Scream sont présents malgré tout (le héros est un fan de John Carpenter), le script préfère taper dans des inspirations moins modernes: le gardien du cimetière apparaît comme le Crazy Ralph de service avant d’évoluer du côté du Dr. Loomis, tentant d’avertir tout le monde du danger mais sans que personne ne le prenne jamais au sérieux, et poussant les héros à devenir plus actif afin de neutraliser la menace. La ville possède une parade d’Halloween traditionnelle qui fonctionne exactement comme le festival d’été des Dents de la Mer, le Cavalier se promenant là où les touristes vont s’amuser, et le shérif refuse naturellement d’annuler la fête. Enfin il y a beaucoup de Jason Goes to Hell avec cette idée que le héros est l’Élu qui pourra détruire le spectre en plantant un sabre de cavalerie dans son cœur, son lien de famille avec Ichabod Crane lui conférant apparemment ce pouvoir.
Mais si tout est là pour donner naissance à un produit formaté et codifié, The Hollow s’avère être finalement moins un slasher qu’une reprise directe de la nouvelle de Irving, transposée à notre époque. On y retrouve quasiment tous les éléments du récit, du rival qui se déguise en faux Cavalier afin d’effrayer le héros et l’empêcher de gagner le cœur d’une demoiselle, au fameux lancé de citrouille par le vrai fantôme. La tombe de l’écrivain est présente et le personnage de Klaus Van Ripper, le gardien du cimetière, semble être inspiré de Rip Van Winkle, protagoniste d’une autre nouvelle publiée dans le même recueil que Sleepy Hollow. L’histoire se déroule pendant Halloween et la conclusion se déroule autour d’un pont. Résultat, le scénario prend un aspect assez schizophrène, gardant une structure simple de film d’horreur mais oubliant de montrer son monstre et ses crimes au profit d’un quasi remake du récit original qui se focalise avant tout sur son personnage principal.
On passe donc beaucoup plus de temps à suivre Ian Cranston, voir sa romance évoluer avec une jeune femme et sa rivalité prendre forme avec l’ex-petit ami de celle-ci. On prend connaissance de ses rapports conflictuels avec son père, un prof de sport con comme ses pieds qui n’accepte pas que son fils préfère l’escrime au foot et qu’il regarde des films d’horreur, et on assiste au schéma (inattendu) du héros qui fini par se découvrir, Ian finissant par accepter l’idée qu’une malédiction pèse sur sa famille et puisant en lui une force de caractère qu’il ne se connaissait pas. La fin, bien sûr, montre l’Élu triompher du Mal, gagner le cœur de sa belle, se réconcilier avec son père et même faire de son rival un véritable ami.
Tout cela n’a rien de mauvais en soit, et il est même rare qu’un slasher mette à ce point l’accent sur son protagoniste central (d’autant que celui-ci est vraiment sympathique et toute l’affaire se laisse donc suivre sans problème). Le soucis, c’est que ce n’est pas du tout le film que The Hollow nous vendait. Sur ses 82 petites minutes, il ne se passe pour ainsi dire rien jusqu’aux… 22 dernières minutes ! Sans mentir, une heure du film consiste à simplement montrer Ian et sa vie quotidienne à Sleepy Hollow, avec juste une ou deux apparitions furtives de Cavalier pour nous confirmer l’argument surnaturel du script. C’est frustrant et terriblement maladroit, venant renforcer un peu plus l’impression que l’œuvre n’est qu’un téléfilm un peu bavard auquel un éditeur aurait finalement rajouté quelques scènes pour le ressortir comme un film d’horreur.
L’ennui s’installe et vient l’impression que tout ceci n’est qu’une perte de temps. Ce qui est dommage car plusieurs séquences valent tout de même le coup: lorsque Ian, conteur, raconte de façon théâtrale l’histoire d’Ichabod Crane à une petite foule, ou lorsqu’il doit animer une hayride, c’est-à-dire une promenade en tracteur avec quelques remorques pour passagers, narrant des histoires de fantômes tandis que des acteurs viennent apparaître depuis l’obscurité de la nuit. Autant de petites choses qui finissent par donner corps à Sleepy Hollow et qui joue en faveur du personnage principal, là où un banal slasher ne se seraient même pas embarrassé à construire quoique ce soit.
Il n’y a véritablement rien de détestable dans ce The Hollow, qui parvient à donner un peu de crédibilité à son univers et rendre la plupart de ses protagonistes sympathiques. C’est vraiment louable et cela permet de ne pas être trop furieux contre le film qui, finalement, ne montre que du vide. Cependant il n’y a pas grand chose d’autre à quoi se raccrocher et les “bons points” se comptent sur les doigts d’une main. Mentionnons une rapide confrontation entre le véritable Cavalier et son imitation d’Halloween, l’infirmière sexy qui se fait faire un cunnilingus par une tête trop vite tranchée ainsi que les (rares) décapitations, qui ne sont pas toutes hors champ contrairement à ce que l’on pourrait croire. L’une d’elle est même assez bien mise en scène: une des hayrides est interrompue par une victime en fuite, criant au secours et expliquant que le Cavalier arrive. Tout le monde pense qu’il s’agit d’un show et, lorsque le fantôme arrive et coupe la tête de sa proie, le public applaudit chaudement !
Les effets sanglants sont hélas très décevant, pourtant signé Gabe Bartalos, l’homme à qui l’on doit le look de quelques monstres connus comme les créatures de Frank Henenlotter (les Basket Case, Frankenhooker et Elmer le Remue Méninges) ou du Leprechaun. Il est ici responsable du Cavalier sans tête, à qui il donne pourtant bien une caboche: l’habituelle Jack O’ Lantern, citrouille pourrie et difforme qui fait peut-être un peu trop “fausse” et trop grosse pour convenir. On retrouve également deux autres visages bien connu au casting, à savoir Judge Reinhold dans un rôle du père de Ian, rôle plus que secondaire et parfaitement détestable (au point qu’il est plus que regrettable que le Cavalier ne l’achève pas), et surtout le génial Stacy Keach, pratiquement méconnaissable avec ses airs de sans abris. Imposant, amusant, et seul personnage qui sache parfaitement ce qu’il se passe, il est sans conteste la grande attraction de The Hollow et il n’y a aucun mal à endurer la chose rien que pour lui.
De façon amusante, le film tente plus de mettre en avant une jeune “star” qui parait pourtant encore plus has been, puisqu’il ne s’agit autre que Nick Carter, l’un des membres du boys band Backstreet Boys ! (“Backstreet’s back, alright !” – mon dieu que j’ai honte). Celui-ci contribue d’ailleurs à la musique du générique de fin, que j’ai déjà totalement banni de ma mémoire. Autre anecdote qui prête à sourire: l’absence de droits d’auteur concernant le festival John Carpenter qui passe à la télé ! Le réalisateur doit nous faire croire que Judge Reinhold et sa femme regardent Halloween, tandis que la musique est sensiblement différente et que l’écran de télévision nous montre quelque chose qui n’a rien à voir (dont j’ignore si cela fut tourné pour l’occasion ou reprit à un film obscure). C’est culotté mais tout simplement hilarant ! Et c’est hélas tout ce qui vaut la peine d’être relevé…
The Hollow n’est qu’un petit film n’ayant que peu d’intérêt, un faux slasher sans moyen et passant trop de temps à vouloir se rapprocher de sa source plutôt que d’offrir quelque chose de concret aux spectateurs. Il y a quelques bonnes choses, mais elles sont malheureusement noyées dans un trop-plein de rien du tout. Le soin apporté à certains protagonistes vaut la peine d’être mentionné et on se retrouve avec un produit tout de même pas aussi détestable que les productions modernes équivalentes, seulement cela ne suffit pas pour faire un film. Si vraiment il vous fallait une version contemporaine du mythe du Cavalier sans tête, préférez donc Headless Horseman, quand même mieux foutu, ou essayez la série télé. Je n’ai aucune idée de ce qu’elle vaut, mais je doute qu’elle brasse autant de vide que The Hollow, lequel… mérite bien son titre !
VERDICT: TRICK
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